2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°130 d0808 / 06 / 2015
Appel en garantie.
Sommaire :
Moyens de cassation : Violation de la loi. Défaut de base légale.
Seule la juridiction qui a rendu un jugement contre lequel opposition est formée, peut prononcer la rétractation de ce jugement. Il n’appartient pas à une cour d’appel de prononcer la rétractation d’un jugement, alors qu’elle n’avait été saisie que de l’appel du jugement qui avait rejeté la rétractation demandée.
1- Faits et Procédure :
Le 4 Avril 1996, le Tribunal de Commerce de Bamako a condamné la SOCIDEX à payer à B la somme de 7.055 000F CFA au principal et 500.000F CFA à titre de dommages-intérêts.
Suivant arrêt n°252 du 2 Mai 2001, la Cour d’Appel de Bamako a annulé ce jugement et condamné la SOCIDEX représentée par A et B à payer à B la somme sept millions cinquante cinq mille (7.055 000) francs CFA au principal et Cinq cent mille (500 000) Francs CFA de dommages intérêts. La SOCIDEX étant une société fictive, B éprouvait d’énormes difficultés à faire exécuter cette décision. C’est ainsi qu’il assignait les dirigeants sociaux de la SOCIDEX en appel en garantie.
Par jugement n°95 du 16 mars 2005, le Tribunal Civil de la Commune II du District de Bamako condamnait A et B à garantir l’exécution de la condamnation prononcée par l’arrêt n° 252 du 2 mai 2001 de la Cour d’Appel de Bamako.
Par acte n°17 du 13 mars 2012, le Cabinet Juri-Partner, Conseil de A et B formait opposition contre le jugement n°95 du 16 mars 2005 du Tribunal de la Commune II du District de Bamako.
Par jugement n°294 du 20 juin 2012, le Tribunal de la Commune II déclarait l’opposition irrecevable.
Sur appel de A et B, la Cour d’Appel de Bamako a, par arrêt n° 507 du 11 juin 2014 infirmé le jugement entrepris et ordonné la rétractation du jugement n°95 du 16 mars 2005 du Tribunal de la Commune II.
C’est contre cet arrêt qu’est dirigé le présent pourvoi.
2- Exposé des moyens de cassation :
Au soutien du pourvoi, Maître Hamidou Koné, Conseil du demandeur au pourvoi soulève deux moyens de cassation.
2-1- Premier moyen tiré de la violation de la loi :
L’arrêt attaqué a retenu que le jugement n°95 du 16 mars 2005 rendu par le Tribunal de la Commune II n’a pas été rendu contradictoirement et que B n’a pas apporté la preuve du caractère contradictoire de cette décision ;
Que cependant, contrairement à cette affirmation, A et B ont défendu et fait valoir leurs prétentions devant ce Tribunal ; Que les appelants, au lieu de faire appel, ont plutôt formé opposition contre la décision entreprise ; que cette erreur de procédure a été sanctionnée par le jugement n°294 du 20 juin 2012 qui a déclaré leur opposions irrecevable ;
Le pourvoi poursuit qu’il y a violation de la loi, toutes les fois qu’à partir des faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond, font une mauvaise application de la loi au prix d’une erreur le plus souvent grossière, soit qu’ils aient ajouté à la loi une condition qu’elle ne pose pas, soit qu’ils aient refusé d’en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d’application ;
En l’espèce, le pourvoi estime que la Cour d’Appel en refusant de confirmer le jugement déféré a fait une mauvaise application de la loi à un cas qui entre dans son champ d’application ;
En conséquence le pourvoi demande que l’arrêt attaqué soit censuré par la haute juridiction ;
2.2 Deuxième moyen tiré du défaut de base légale :
Le pourvoi rappelle que l’article 463 CPCCS dit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; il doit être motivé à peine de nullité » ;
Selon le pourvoi, l’arrêt attaqué n’a donné aucune motivation de sa décision, qui de ce fait encourt la censure de la Cour Suprême ;
Dans son mémoire en défense, Maître M.Bouaré, Conseil des défendeurs au pourvoi demande le rejet du pourvoi.
3- Analyse des moyens de cassation
3-1- De la violation de la loi :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en disant d’une part que la décision n°95 du 16 mars 2005 du Tribunal de la Commune II du District de Bamako n’est pas un jugement contradictoire et que d’autre part B n’a pas apporté la preuve du caractère contradictoire ou non de cette décision.
Mais attendu que la violation de la loi peut s’analyser comme la fausse interprétation d’un texte ou la solution erronée d’un point de droit ; Qu’en l’espèce, contrairement aux dispositions de l’article 552 CPCCS qui édictent que «la qualification inexacte d’un jugement par les juges qui l’ont rendu est sans effet sur le droit d’exercer un recours » ;
L’arrêt attaqué est venu au secours du défendeur au pourvoi pour requalifier le jugement n°95 du 16 Mars 2005 de la Commune II, sortant ainsi de sa sphère de compétence en éludant le premier degré de juridiction en ce qui concerne la rétractation.
En l’espèce, la Cour d’Appel était saisie de l’appel du jugement sur opposition n°294 du 20 juin 2012 de la Commune II du District de Bamako.
Par l’effet dévolutif de l’article 573 CPCCS qui « remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit » la Cour d’Appel devrait vérifier si l’opposition faite contre le jugement n°95 du 16 mars 2005 était recevable ou non et décider en conséquence. Au lieu de cela et contrairement à sa mission, elle rétracte un jugement dont la rétraction ne pouvait être prononcée que par le Tribunal qui l’a rendu, en l’occurrence celui de la Commune II de Bamako.
En effet la rétractation est la voie de recours par laquelle une personne demande à la juridiction même qui a rendu la décision qu’elle attaque d’anéantir celle-ci et de statuer à nouveau en fait et en droit ;
Attendu qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel de Bamako a violé la loi en donnant une solution erronée d’un point de droit et sa décision encourt la censure de la Cour régulatrice.
3-2 Du manque de base légale :
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de manquer de base légale.
Attendu qu’en retenant qu’en l’espèce « il résulte du dossier et des débats que le jugement entrepris n°95 du 16 mars 2005 rendu par le Tribunal de Première Instance et dont rétractation est demandée, n’a pas été rendu contradictoirement ; que la preuve n’a pas été faite que les appelants ont été régulièrement cités à cette procédure » la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Attendu en effet qu’il résulte des propres énonciations du jugement n°294 du 20 juin 2012 que toutes les parties ont développé leurs prétentions devant le tribunal ;
Or, en vertu de l’article 474 CPCCS « le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire » ; qu’en ignorant cette disposition, la Cour d’Appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
Il convient dès lors, accueillir le second moyen.
…Casse et annule l’arrêt déféré ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Bamako autrement composée ;…