2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°152 du 13 / 07 / 2015
Expulsion et démolition.
SOMMAIRE
Le moyen qui ne précise pas le texte de loi qui aurait été violé doit être rejeté.
La décision qui procède d’une mauvaise constatation d’élément de preuve doit être censurée par la Haute Cour.
Le titulaire d’une concession rurale à usage d’habitation ne peut pas bénéficier de l’application des articles 43 et 45 du CDF relatifs aux droits coutumiers.
I - Faits et Procédure :
Par assignation en date du 23 Décembre 2011, Monsieur X a saisi le Tribunal de première Instance de Kati d’une action en expulsion et démolition contre le sieur A.
Cette juridiction, par décision n°117 du 16 Avril 2012, recevait les parties en leurs demandes (principale et reconventionnelle), rejetait celle reconventionnelle comme mal fondée ;
Ordonnait l’expulsion de C., tant de sa personne que de ses biens ainsi que de tous occupants de son Chef de la parcelle n°B0/11 sise à Dialakorodji Kognoumani et appartenant au requérant ; ordonnait en conséquence la démolition de toutes constructions faites sur la dite parcelle.
Sur appel d’A, la Chambre civile de la Cour Appel de Bamako par arrêt n°407 du 26 Juin 2013 confirmait le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
D’où le présent pourvoi formé par l’appelant.
II - Exposé des moyens du pourvoi
Le demandeur au pourvoi, sous la plume de ses deux Conseils, Maîtres Mariam DIAWARA et Ibrahima DIAWARA invoque au soutien de son recours trois moyens de cassation tirés de la fausse application de la loi, de l’insuffisance de motifs ou base légale et de la violation de la loi.
1- Sur le moyen unique de cassation tiré de la fausse application de la loi présenté par Maître Mariam DIAWARA
En ce que les juges d’appel en faisant une mauvaise constatation des faits ont procédé à une mauvaise application de la loi en affirmant que « la concession rurale n°022 143 /046 BSD. C Kati établie le 25 Septembre 2012 dont se prévaut A et dont copie n’est pas versée au dossier ne peut être qu’une concession urbaine à usage d’habitation fabriquée, sans support pour les besoins de la cause » est une affirmation gratuite dans la mesure où copie de la dite concession rurale est versée au dossier (pièce n°4).
Que par ailleurs, la Cour qui affirme que le demandeur n’a pas produit son titre de propriété alors qu’il l’a produit ne saurait juger de son authenticité ou de son caractère faux, celui –ci ayant été établi par la préfecture de Kati. Qu’il figure également au dossier une attestation de vente et un certificat de reconnaissance (pièce n°6) établis par la famille B qui ont permis au maire de Djalakorodji de dresser la liste des maintenus de Kognoumani plateau qui lui a permis de retirer le permis d’occuper créé en son nom.
En ce qu’en droit, le permis d’occuper est créateur de droit juridiquement protégé et qu’un permis d’occuper régulièrement établi par l’autorité compétente est un acte authentique, sa validité est certaine en l’absence de toute preuve contraire.
Que l’arrêt querellé, en soutenant que la concession rurale n°022143/046-BSD-CKTI établie le 25 Septembre 2012 et dont se prévaut A et dont copie n’est pas versée au dossier ne peut être qu’une concession urbaine à usage d’habitation fabriquée, alors qu’un permis d’occuper a été établi par le préfet de Kati sur la base de la dite concession urbaine a méconnu la valeur juridique du permis d’occuper et procédé par une fausse application de la loi et expose sa décision à la censure de la haute juridiction.
1°) Moyens présentés par Maître Ibrahima DIAWARA
a°) Sur le premier moyen tiré du défaut de base légale
En ce que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour de cassation de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit.
En ce qu’il ressort des pièces du dossier que la propriété coutumière de la parcelle disputée a été confirmée par le jugement n°326 du 29 Décembre 2003 du Tribunal de Kati confirmé par les arrêts n°454 du 8 Novembre 2004 de la Cour d’Appel de Bamako et 36 du 20 Mars 2006 de la Cour Suprême, lesquelles décisions sont devenues définitives. Que pour débouter A de sa demande le Tribunal affirme « Qu’il convient ensuite de faire remarquer que le défendeur n’a apporté aucune pièce (document) crédible pouvant soutenir sa prétention et la Cour d’Appel de renchérir en énonçant « Considérant que la concession rurale n°022143/46-BSD-CKTI établie le 25 Septembre 2012 et dont se prévaut A et dont copie n’est pas versée au dossier ne peut être qu’une concession urbaine à usage d’habitation fabriquée sans support pour les besoins de la cause ; qu’il échet dès lors de déclarer que le premier juge, en statuant comme il l’a fait a procédé à une saine analyse des faits et à une bonne application de la règle de droit ».
Alors que la Copie de la concession rurale sus- citée est bel et bien versée au dossier (pièce n°4) et qui a servi de support pour l’établissement du permis d’occuper.
Que la Cour d’Appel, en procédant ainsi qu’il l’a fait ne justifie pas sa décision et n’apporte pas non plus à la Cour Suprême les éléments qui lui permettent de vérifier et d’exercer sa mission de contrôle pour savoir que la règle de droit a été correctement appliquée au fait de la cause. Qu’une telle décision manque de légale et mérite la censure de la haute juridiction.
b°) Sur le second moyen tiré de la violation de la loi (articles 43
et 45 du code domanial et foncier)
En ce qu’aussi bien le premier juge que la Cour d’Appel ont reconnu la propriété coutumière de la famille B sur le champ dont le morcellement a donné naissance à la parcelle n°B0/11 vendue par Aa B à A qui en a été le premier acquéreur le 30 Avril 2002 avant que la même parcelle soit vendue par le même Aa le 15 Octobre 2005 ; que le demandeur a procédé à la mise en valeur de la dite parcelle en y logeant toute sa famille avant que Ab X ne réclame la démolition des constructions y édifiées. Que la terre appartenant au premier occupant, c’est à tort que la Cour a confirmé le premier jugement qui a ordonné son expulsion et la démolition des constructions par lui réalisées. Que par ailleurs, seul A a exercé une emprise évidente et permanente sur la parcelle se traduisant par des constructions ou mise en valeur régulière conformément aux dispositions de l’article 45 du code domanial et foncier.
Que le droit coutumier exercé par A doit être confirmé au même titre que ceux reconnus à la famille B par les différentes décisions conformément à l’article 43 du même code.
Que la Cour d’Appel, en méconnaissant le principe de l’appartenance de la terre au premier occupant et l’emprise évidente et permanente exercée par A sur la parcelle contestée se traduisant par des constructions ou mise en valeur régulière qu’il ya réalisées a violé les dispositions des articles 43 et 45 du code domanial et foncier visés au moyen et expose sa décision à la sanction de la haute juridiction.
Attendu que le défendeur qui a reçu notification du mémoire ampliatif n’y a pas répliqué
I - Analyse des moyens du pourvoi
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt n°402 du 26 Juin 2013 de la Cour d’Appel de Bamako, dans une procédure en expulsion et démolition d’avoir procédé à une mauvaise application de la loi, le défaut de base légale et la violation des articles 43 et 45 du code domanial et foncier.
1°) Sur le premier moyen tiré de la fausse application de la loi présenté par Maître Mariam DIAWARA
Par ce premier moyen, le pourvoi fait grief à l’arrêt confirmatif critiqué d’avoir affirmé gratuitement que « la concession rurale n°022143/046-BSD- CKTi établie le 25 Septembre 2012 et dont se prévaut A et dont copie n’est pas versée au dossier ne peut être qu’une concession urbaine à usage d’habitation fabriquée alors même que la dite copie figure au dossier (pièce n°4).
Que ce faisant, l’a conduit à une fausse application.
Mais attendu d’une part que le pourvoi : ne précise pas quelle est la loi qui a été faussement appliquée et que d’autre part, dans sa définition la fausse application de la loi suppose que le juge s’est référé à un texte , au mauvais texte.
Qu’en l’espèce, le moyen n’ayant spécifié aucun texte qui aurait été faussement appliqué, il échet de le rejeter
2°) Sur le deuxième moyen tiré du défaut de base légale présenté par Ibrahima DIAWARA
Par ce second moyen, le pourvoi fait grief à l’arrêt recherché de manquer de base légale par une motivation erronée en énonçant, en dépit du jugement n°326 du 29 Décembre 2003 du Tribunal de Kati confirmé par l’arrêt n°454 du 8 Novembre 2004 de la Cour d’Appel de Bamako et l’arrêt n°36 du 20 Mars 2006 de la Cour Suprême (confirmant la propriété coutumière de la famille B) qu’il convient ensuite de faire remarquer que le défendeur (A) n’a apporté aucune pièce (document ) crédible pouvant soutenir sa prétention et la Cour d’ Appel de renchérir :
Considérant que la concession rurale n°0221432/046-BSD CKTI/046-BSD CKTI établie le 25 Septembre 2012 et dont se prévaut A et dont copie n’est pas versée au dossier ne peut être qu’une concession urbaine à usage d’habitation fabriquée sans support pour les besoins de la cause.
Qu’il échet dès lors de déclarer que le premier juge en statuant comme il l’a fait a procédé à une saine analyse des faits et à une bonne application de la règle de droit ».
Qu’en disposant ainsi qu’il l’a fait, alors même que figurent au dossier de la procédure la dite concession rurale (pièce n°4) qui a permis de support pour l’établissement du permis d’occuper, un certificat de reconnaissance de la famille B attestant avoir attribué la parcelle B0/11 sise à Kognoumani à A (pièce n°5- numéro de recensement K/045), l’arrêt querellé pêche par un manque de base légale.
D’où il suit que le moyen est pertinent et doit être accueilli.
3°) Sur le troisième moyen tiré de la violation de la loi
Par ce moyen , le pourvoi reproche à l’arrêt de la Cour d’Appel d’avoir violé l’article 43 et 45 du Code domanial et foncier pour avoir méconnu le principe que selon la coutume la terre appartient au premier occupant d’une part et que seul A a exercé une emprise évidente et permanente sur la parcelle se traduisant par des constructions ou mise en valeur régulière.
Les textes visés au moyen disposent :
Article 43 du CDF : Les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non immatriculés sont confirmés.
Nul individu, nulle collectivité, ne peut être contraint de céder ses droits si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation. Nul ne peut en faire un usage prohibé par la loi ou par les règlements.
Article 45 : Les droits coutumiers individuels ainsi constatés, quand ils comportent emprise évidente et permanente sur le sol se traduisant par des constructions ou une mise en valeur régulière sauf, le cas échéant, interruptions justifiées par les modes de culture, peuvent être grevés de droits nouveaux ou concédés au profit de tous tiers. Dans ce cas, le nouveau concessionnaire est tenu de requérir et sans délai l’immatriculation de l’immeuble.
Les droits ainsi constatés lorsqu’ils comportent emprise évidente et permanente sur le sol peuvent également être transformés en droit de propriété au profit de leur titulaire qui requiert à cet effet leur immatriculation.
Mais attendu que le titre dont se prévaut A pour réclamer la parcelle contestée est une concession rurale à usage d’habitation versée au dossier (pièce n°4) qui lui a permis de support pour l’établissement d’un permis d’occuper ; que dès lors, c’est à tort que le demandeur a invoqué des dispositions du code domanial et foncier, les titres administratifs échappant au domaine de la gestion foncière coutumière .
D’où il suit que le moyen ne sera pas accueilli.
…Casse et annule l’arrêt déféré dans la limite du second moyen ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…