2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°154 d1313 / 07 / 2015
Expulsion et démolition.
Sommaire :
Moyens de cassation : Défaut de motifs. Violation de la loi. Manque de base légale. Ne manque de base légale, l’arrêt qui contient des motifs permettant le contrôle par la Cour suprême de la régularité de la décision.
La fausse ou mauvaise interprétation d’un arrêt peut-elle constituer un défaut de base légale ? La Haute Cour a répondu par la négative.
I - Faits et procédure :
Par assignation en date du 19 Septembre 2012, madame Aa X a attrait le sieur Adevant le Tribunal Civil de Kati aux fins d’expulsion et démolition.
Cette juridiction, par décision n°530 du 26 août 2013 rejetait la fin de non recevoir soulevée par le conseil de la dame Aa X comme étant mal fondée ; recevait en la forme la requête de madame Aa X en expulsion et démolition, celle de K.M.Sen annulation de lettre d’attribution et d’acte administratif de vente ; au fond, déboutait le sieur Ade sa demande comme mal fondée ; déclarait par contre celle présentée par la dame Aa X bien fondée.
Ordonnait l’expulsion de A., tant de sa personne que de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef de la parcelle n°171/G du lotissement de Moribabougou extension, objet du titre foncier n°16341 au nom de la dame Aa X ;
Ordonnait la démolition aux frais de Ades réalisations faites sur la dite parcelle.
Condamnait en outre le sieur C à verser à la dame Aa la somme de 1.000.000(un million) de Francs CFA à titre de dommages- intérêts et la déboutait du surplus de sa demande.
Sur appel de Monsieur A , la Cour d’appel de Bamako, par arrêt n°509 du 18 juin 2014 confirmait le jugement entrepris.
D’où le présent pourvoi formé par monsieur C
II - EXPOSE DES MOYENS DU POURVOI :
A l’appui de son pourvoi, le demandeur invoque trois moyens de cassation tirés du défaut de motifs, de la violation de la loi et du manque de base légale.
Sur le premier moyen tiré du défaut de motif :
Ce moyen est pris en deux branches
Sur la première branche du moyen :
Par cette première branche du moyen, le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir justifié la demande en réparation de préjudice de la défenderesse, confirmant en cela le premier jugement (1.000.000 FCFA) en disposant laconiquement que « la demande de réparation se justifie par l’obligation générale de ne pas nuire à autrui », alors que les conditions de réparation du préjudice sont : le fait fautif ,un dommage certain et direct, une relation de cause à effet entre le fait fautif et le dommage allégué ( articles 114 et 124 du RGO). Ce qui signifie que le préjudice réparable doit être prouvé ; que dans le cas d’espèce, la motivation de l’arrêt ne donne pas de base légale à la réparation de préjudice. Qu’il échet dés lors de casser et annuler l’arrêt querellé sur ce point.
Sur la deuxième branche du moyen tiré du défaut de motif par suite du défaut de réponse à conclusions :
En ce qu’en cause d’appel, le demandeur a expressément sollicité de la Cour de bien vouloir, conformément aux dispositions des articles 198, 298, 300,308 du code de procédure civile commerciale et sociale procédé à la vérification d’écritures pour établir le faux invoqué. Mais que l’arrêt attaqué a totalement omis de se prononcer sur cette demande, ce au mépris de l’article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale, qui dispose que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».
Que ne s’étant pas prononcé sur ce chef de demande, la décision des juges du fond pêche indiscutablement par un défaut de réponse à conclusions et s’expose à la censure de la haute juridiction.
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de loi :
En ce qu’aux termes des dispositions de l’article 615 du code de procédure civile, commerciale et sociale :’’ le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour Suprême… la non-conformité aux règles de droit du jugement qu’il attaque…’’, en précisant que le mot jugement est pris ici au sens large.
‘’... la violation de la règle de droit désigne tout autant la violation des lois de procédure que celle des lois de fond…’’ ; qu’elle est multiforme en ce qu’il peut s’agir alternativement du refus d’application de la loi, de sa fausse application ou de sa fausse interprétation.
Qu’en l’espèce, le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir mal interprété et de surcroit faussement le sens d’un arrêt de la section administrative de la Cour Suprême pour motiver sa décision en disposant en ces termes : « considérant que s’agissant de l’annulation de la décision du préfet de Kati portant attribution de parcelle, le tribunal administratif, seul compétent en la matière, a déjà tranché et qu’en aucun cas, l’incompétence prononcée par la juridiction supérieure ne peut concerner ce point de droit… »
Qu’il est indiscutable qu’ici, les juges du fond ont procédé à une véritable interprétation du sens et de la portée de l’arrêt d’incompétence de la section administrative de la Cour Suprême alors que selon le pourvoi, l’article 73 de la loi n°96-071/ANRM du 16 décembre 1996 fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle dispose que « le recours en interprétation peut être dirigé contre les arrêts de la section administrative de la Cour Suprême.
Ce recours doit être introduit (devant la section administrative) dans les mêmes formes que celles dans lesquelles a été introduite la requête initiale… » ;
Qu’il en découle que seule la Section Administrative de la Cour Suprême a qualité et pouvoir pour interpréter ses propres décisions comme c’est le cas pour toute juridiction en principe. Qu’en l’espèce, il s’est agi d’un litige foncier dans lequel des lettres d’attribution, permis d’occuper et titre foncier établi sur la base de faux permis ont été produits qui a été jugé par le tribunal administratif et saisi sur appel formé contre cette décision, par arrêt n°322 du 30 aout 2012, la section administrative s’est déclarée incompétente.
Qu’en interprétant cette incompétence, les juges d’appel ont déclaré que l’incompétence relevée n’est relative qu’à un seul volet du dossier et que la question d’annulation de la décision d’attribution du préfet ne serait pas concernée puisque le tribunal administratif aurait tranché ce point.
Que les juges d’appel, en scindant la décision de la section administrative sur la question d’incompétence ont violé le texte visé au moyen et mérite censure.
Attendu que la défenderesse qui a reçu notification du mémoire ampliatif y a répliqué en concluant au rejet au pourvoi.
III ANALYSE DES MOYENS :
Attendu qu’au soutien de son pourvoi, le demandeur a invoqué trois moyens de cassation tirés du défaut de motifs divisés en deux branches, de la violation de la loi et du manque de base légale.
Sur le premier moyen tiré du défaut de motifs :
Attendu que ce moyen est articulé en deux branches
Sur la première branche du moyen :
Par cette première branche du moyen, le pourvoi fait grief à l’arrêt recherché d’avoir justifié la réparation de préjudice en disposant laconiquement que ‘’ la demande de réparation se justifie par l’obligation générale de ne pas nuire à autrui,’’ alors que les conditions de réparation du préjudice sont le fait fautif, un dommage certain et direct ,une relation de cause à effet entre le fait fautif et le dommage allégué conformément aux dispositions des articles 114 et 124 du régime général des obligations.
Attendu que le défaut de motifs sanctionne une véritable absence de toute justification de la décision qui rend donc impossible tout contrôle de la cour de cassation.
La cassation pour défaut de motifs sera prononcée dans les hypothèses où l’arrêt ne contient aucune justification en droit, et surtout en fait de la décision rendue (Marie-Noëlle Jobard Bachelier- Xavier Bachelier la technique de cassation. P.169) ;
Attendu que pour accorder la somme d’un million (1.000.000) de francs CFA à la défenderesse la cour a invoqué les dispositions de l’article 113 du RGO qui dispose « la responsabilité emporte obligation réparer de réparer le préjudice résultant soit de l’inexécution d’un contrat de la violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui ».
Attendu que c’est à juste titre que les juges d’appel ont invoqué les dispositions du texte susvisé, la défenderesse s’étant vue privée de la jouissance de sa parcelle objet du titre foncier n°16341 pendant des années par le demandeur se prévalant d’une lettre d’attribution. Que l’évocation des dispositions l’article 113 du Régime Général des Obligations ne saurait être considérée de laconique, le préjudice subi par dame Bdu fait de l’occupation de sa parcelle pendant six (06) ans étant constant. Qu’il en résulte que cette première branche du moyen est inopérant et ne sera pas accueillie.
Sur la deuxième branche du moyen tiré du défaut de motifs par suite de défaut de réponse à conclusions :
Par cette deuxième branche du moyen, le demandeur reproche attaqué d’avoir omis de se prononcer sur une demande de vérification d’écritures pour établir ce qui serait, selon lui un faux sur le fondement des articles 198, 298, 300 à 308 du CPCCS.
Mais attendu que ne pas donner suite à la demande de vérification d’écritures pour établir ce qui serait selon lui un faux sur le fondement des articles 198, 298, 300 à 308 du CPCCS ne saurait être considéré comme un défaut de motif par un défaut de réponse à conclusions, aucune conclusion n’ayant été présentée devant les juges d’appel. Une telle demande est laissée à l’appréciation de la Cour qui pouvait par exemple faire droit ou refuser d’ordonner une expertise. Que le moyen n’est donc pas pertinent et ne sera pas accueilli.
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi :
Par ce second moyen, le pourvoi fait à l’arrêt attaqué d’avoir mal interprété et de surcroit faussement le sens d’un arrêt de la section administrative de la cour suprême pour motiver sa décision en disposant en ces termes : « considérant que s’agissant de l’annulation de la décision du préfet de Kati portant attribution de parcelle , le tribunal administratif, seul compétent en la matière, a déjà tranché et qu’en aucun cas, l’incompétence prononcée par la juridiction supérieure ne peut concerner ce point de droit.. » ; que ce faisant les juges du fond ont procédé à une véritable interprétation du sens et de la portée de l’arrêt d’incompétence de la section administrative, alors que seule la section administrative de la cour suprême a qualité et pouvoir pour interpréter ses propres décisions. Que les juges d’appel, en scindant la décision de la section administrative ont violé le texte visé au moyen.
Mais attendu qu’une cassation pour violation de la loi par fausse interprétation intervient dans une hypothèse où le juge du fond a dû, pour statuer, prendre parti sur une difficulté d’interprétation d’un texte (ou d’une norme jurisprudentielle), soit que cette difficulté ne fut pas tranchée, au jour où il statuait, par la cour de cassation, soit qu’il ait entendu par une interprétation personnelle résister à la doctrine exprimée par la cour suprême.
Attendu qu’en l’espèce, l’arrêt disputé, en énonçant que « les parties au procès versent au dossier copies de toutes les pièces visées par elle. Que monsieur Asollicite de la Cour de céans l’annulation de la décision administrative portant attribution de parcelle, le tribunal administratif, seul compétent en la matière a déjà tranché et qu’en aucun cas l’incompétence prononcée par la juridiction supérieure ne peut concerner ce point de droit… n’a nullement violé la loi par fausse interprétation, la supposée loi dont la violation est alléguée n’ayant pas été précisée.
D’où il suit que le moyen est infondé et ne sera pas accueilli.
3) Sur le troisième moyen tiré du défaut de base légale :
Attendu qu’il est enfin reproché à l’arrêt confirmatif attaqué le défaut ou manque de base légale pour avoir rejeté les prétentions du demandeur motifs pris que le tribunal administratif a déjà tranché la question d’annulation de la décision d’attribution de parcelle du préfet du cercle de Kati alors que celle-ci a été frappée d’appel et la section administrative s’est déclarée incompétente. Que les juges du fond en ne tirant pas les conséquences de cette déclaration d’incompétence pour statuer ne donnent pas de base légale à leur décision.
Attendu que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la cour de cassation de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit.
Que l’arrêt incriminé énonce dans sa motivation :
« Considérant que les parties au procès versent au dossier copies de toutes les pièces visées par elle ;
Considérant que monsieur Asollicite de la cour de céans l’annulation de la décision administrative portant attribution de la parcelle à Bpour parvenir à l’annulation des effets du titre foncier subséquent.
Considérant que s’agissant de l’annulation de la décision du préfet portant attribution de parcelle, le tribunal administratif, seul compétent en la matière, a déjà tranché et qu’en aucun cas l’incompétence prononcée par la juridiction supérieure ne peut concerner ce point de droit ;
Considérant que dans ces conditions, il y’a lieu de rejeter toutes les prétentions de l’appelant et faire droit à la demande de cessation de trouble de jouissance en accordant l’expulsion ainsi que la démolition des ouvrages réalisés par l’appelant.
Considérant qu’enfin la demande de réparation se justifie par l’obligation générale de nuire à autrui…. » ;
Attendu que des énonciations de l’arrêt que ci-dessus, celui-ci est légalement justifié.
D’où il suit que le moyen est infondé et doit être rejeté.
…Le rejette ;…