2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°174 du 10 / 08 / 2015
Annulation d’acte administratif de vente.
Sommaire :
Moyens de cassation : violation de la loi. Dénaturation de l’écrit. Refus de répondre aux conclusions.
L’article 171 nouveau du CDF ne permet pas à une personne dont les droits ont été lésés par suite d’une immatriculation de se pourvoir par voie d’action réelle. Ils ne peuvent se pourvoir que par voie d’action personnelle en indemnité en cas de dol.
I- Faits et Procédure :
Par assignation en date du 11 Avril 2013, Dame A a saisi le Tribunal Civil de la Commune II du District de Bamako d’une action en annulation d’acte de cession contre la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre représentée par la Direction Générale du Contentieux de l’Etat et les Héritiers de feu B.
Cette juridiction, par décision n°440 en date du 10 juillet 2013 rejetait l’exception d’irrecevabilité soulevée par les héritiers de feu B ; déclarait fondée la demande de A ; y faisant droit, annulait l’acte administratif de cession n°11-0084 MLAFU-DNDC du 1er Avril 2011 du Directeur National des Domaines et du Cadastre portant cession au profit des héritiers de feu B du Titre Foncier n°1367/CII relatif à la concession précédemment objet du PO n°86 de Niaréla.
Sur appel des héritiers de feu B contre ce jugement, la Cour d’appel de Bamako, par arrêt n°359 du 30 Avril 2014 confirmait le jugement entrepris.
C’est cet arrêt qui justifie le présent pourvoi.
II - Exposé des moyens du pourvoi :
Les demandeurs au pourvoi, sous la plume de leur conseil Maître Lamine Fadiga invoquent au soutien de leur recours trois moyens de cassation tirés de la violation de la loi, de la dénaturation de l’écrit et du défaut de motivation, du refus de réponses aux conclusions des parties.
1°) Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi
En ce qu’aux termes de l’article 171 nouveau de la loi n°2012-001 du 10 janvier 2012 ‘’les personnes dont les droits auraient été lésés par suite d’une immatriculation ne peuvent se pourvoir par voie d’action réelle, mais seulement en cas de dol par voie d’action personnelle en indemnité contre l’auteur présumé du dol’’.
Qu’au mépris de cette disposition légale qui interdit aux personnes lésées d’intenter une action réelle dans le cas d’espèce, les juges d’appel en confirmant le premier jugement rendu en méconnaissance des dispositions de ce texte l’ont violé et expose leur décision à la censure de la haute juridiction.
2°) Sur le deuxième moyen tiré de la dénaturation de l’écrit et du défaut de motivation :
En ce que l’arrêt querellé énonce «…qu’il ressort du dossier et des débats un foisonnement de jugements, d’arrêts et de correspondances, tous tendant en définitive à consacrer le caractère commun de la propriété de la concession de Niaréla aux ayants droits de feu Ac et à ceux de Ab Ae dit Aa », alors qu’une telle allégation ne ressort d’aucune pièce du dossier ; qu’au contraire, il ressort clairement de la lettre n°499-DB du 7 juillet 1987 adressée aux deux parties « qu’en ce qui concerne le PO n°86 à Niaréla, il demeure sans attributaire » ; Qu’ainsi les juges d’appel, en motivant leur décision sans tenir compte de cette réalité ont dénaturé le contenu et l’esprit de cette lettre exposant celle-ci à la censure de la Haute Cour.
Que par ailleurs, les termes employés par la Cour, à savoir un foisonnement de jugements, d’arrêts et de correspondances, tous tendant à en définitive, consacrer le caractère commun de la propriété, sont vagues, imprécis et inadéquats.
Qu’en motivant leur décision par des termes aussi vagues qu’imprécis, la Cour ne donne pas la possibilité à la Cour Suprême de contrôler la conformité et la régularité d’une telle décision à la règle de droit ; que l’arrêt mérite la censure de ce chef.
3°) Sur le troisième moyen tiré du refus de réponses aux conclusions des parties :
En ce que les héritiers de feu B ont soulevé dans leurs conclusions en cause d’appel des points de droit qui n’ont reçu aucune réponse notamment lorsqu’ils ont fait valoir que le premier juge s’est mépris sur les dispositions de la loi n°2012-001 du 10 janvier 2012 ou encore lorsqu’ils ont soutenu que « la motivation selon laquelle après l’annulation du PO n°20-08 du 27 mai 2008 obtenue par eux, l’acte administratif consacrant sa cession devient irrégulier, n’est pas opérante puisqu’A ne parvient pas à démontrer en quoi consiste cette irrégularité », ou encore et enfin lorsque les demandeurs ont conclu « que la vente étant parfaite entre eux et la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre, Ad, étrangère à cette transaction, ne peut en demander la résiliation ».
Qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt confirmatif pour défaut de réponses à conclusions.
Attendu que la défenderesse qui a reçu notification du mémoire ampliatif y a répliqué en concluant au rejet du pourvoi.
III. ANALYSE DES MOYENS :
1°) Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi (article 171 nouveau de la loi n°2012-001 du 10 janvier 2012)
Par ce premier moyen, il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 171 nouveau de la loi n°2012-001 du 10 janvier 2012 laquelle dispose :
« Les personnes dont les droits auraient été lésés par suite d’une immatriculation ne peuvent se pourvoir par voie d’action réelle, mais seulement en cas de dol, par voie d’action personnelle en indemnité contre l’auteur présumé du dol ».
Attendu que l’arrêt confirmatif attaqué énonce dans sa motivation :
« Considérant qu’il ressort du dossier et des débats un foisonnement de jugements, d’arrêts et des correspondances toutes tendant en définitive à consacrer le caractère commun de la propriété de la concession sise à Niaréla objet du PO n° 86 aux ayants droits de feu B et à ceux de Ab Ae dit Aa.
Considérant qu’au mépris de toutes ces décisions dont certaines avaient fait l’objet de recours encore pendant au moment des faits les héritiers de feu B ont trompé la vigilance de la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre pour se faire attribuer un titre foncier à leur unique profit.
Considérant que même le contentieux de l’Etat agissant au nom et pour le compte de l’Administration en l’occurrence la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre tire argument du fait de la création du titre foncier en pleine procédure judiciaire et l’inexistence de droit de propriété exclusif de feu B pour solliciter la confirmation du jugement n° 440 du 10 juillet 2013 du tribunal de première instance de la commune II de Bamako.
Qu’il échet dès lors de dire que le juge d’instance en statuant comme il l’a fait, a procédé à une saine interprétation des faits et à une bonne application de la règle de droit… ».
Attendu que l’arrêt recherché en disposant comme il l’a fait, alors même que la Dame A n’avait pas qualité pour demander l’annulation du titre foncier des héritiers de feu B a manifestement violé l’article 171 nouveau de la loi n°2012-001 du 10 janvier 2012 visé au moyen.
Qu’il échet en conséquence de casser et annuler l’arrêt déféré et dire n’y avoir lieu à renvoi, l’analyse des autres moyens étant sans objet.
…Casse et annule l’arrêt déféré ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi ;…