2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°280 d1414 / 12 / 2015
Rectification d’erreur matérielle.
Sommaire :
Omission ou erreur matérielle. La rectification d’une erreur matérielle ne peut pas conduire les juges à apporter un changement de fond dans la décision.
I°) EN LA FORME
par requête en date du 21 janvier 2015, Me Y, a saisi la cour suprême aux fins de rectification de l’arrêt n° 290 du 08/12/2014 de la 2ème chambre civile dans une procédure en confirmation de droit opposant A à X représenté par B.
Suivant certificat de dépôt n°037 du 23 janvier 2015, le requérant s’est acquitté de l’amende de consignation de même qu’il a produit une requête mémoire laquelle notifiée au défendeur a fait l’objet de réplique.
La requête ayant ainsi satisfait aux exigences légales est recevable en la forme.
II Au Fond
1°) Faits et procédure : Une procédure en confirmation de droit de propriété opposait A à X représenté par le Magistrat-Colonel à la retraite B. Le jugement N° 398 du 19 novembre 2012 du tribunal civil de Kati a confirmé la propriété d’O. A.T sur la parcelle litigieuse.
Sur appel de X, la cour d’appel de Bamako, a, par arrêt N°361 du 29 Mai 2013 infirmé le jugement entrepris et débouté A de sa demande. Sur pourvoi de celui-ci, la 2ème chambre civile a, par arrêt ° 290 du 08/12/2014 cassé l’arrêt déféré et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée.
C’est cet arrêt dont la rectification est demandée ;
2°) Exposé des arguments à l’appui de la requête en rectification
Maître Tiessolo KONARE, avocat à la cour, conseil de X développe que par arrêt N°290 du 08 décembre 2014 de la 2ème chambre civile de la cour suprême du Mali a statué comme ci-après : « En la forme : Reçoit le pourvoi.
Au fond : Le rejette ; ordonne la confiscation de l’amende de consignation ; met les dépens à la charge au demandeur ». Selon le pourvoi, cette décision est attestée par l’extrait du plumitif, signé par le greffier en chef de la cour suprême du 09 décembre 2014 et le constat d’huissier de Me Mamadou CAMARA du 29 décembre 2014.
Extraordinairement poursuit Maître C, le requérant a été surpris de constater l’existence d’une expédition du même arrêt qui contredit la première décision et qui par conséquent casse et annule l’arrêt déféré.
En vertu de l’article 646 du CPCCS : « les arrêts rendus par la cour suprême ne sont susceptibles que des voies de recours ci-après : un recours en rectification peut être exercé contre les décisions entachées d’une erreur matérielle susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement… » ;
Le conseil du requérant estime qu’il est donc indéniable que l’arrêt n°290 du 08 décembre 2014, porté sur le plumitif est entachée d’une erreur matérielle, engendrée par le contenu de l’expédition du même arrêt entrainant ainsi une influence sur l’arrêt dont elle est l’émanation.
Que dès lors conclut le requérant il convient de dire et juger que seule la décision portée sur le plumitif est seule valable.
La SCP YATTARA-SANGARE, conseil d’A, en réplique, soutient que la mention « rejette le pourvoi » invoquée par le requérant est incompatible avec les motifs de l’arrêt dont la rectification est demandée ; que d’ailleurs les trois branches du moyen unique exposé par le conseil du demandeur au pourvoi ont été accueillies et que donc le rejet du pourvoi ne peut être justifié. En conséquence, il conclut au rejet de la requête en rectification.
I°) Discussion :
Attendu que la rectification permet le retour devant le même juge pour qu’il répare une omission ou une erreur matérielle ; que cette situation exceptionnelle n’autorise en aucun cas, le juge à revenir sur les questions tranchées avec autorité de la chose jugée ; qu’il ne peut donc, modifier la chose précédemment jugée ou ajouter aux précédentes condamnations (Civ.2e, 8 juill.2010, n°09-68-299, NP – Soc.5 janv.2011, n°09-43-303-, NP) ;
Attendu qu’en matière de rectification, les articles 646 CPCCS et 35 de la loi n° 96-071 du 16 décembre 1996 fixant organisation et fonctionnement de la cour suprême et la procédure suivie devant elle, permettent, à celle-ci de rectifier ses décisions entachées d’erreurs matérielles qui sont susceptibles d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire ;
Que l’erreur matérielle consiste en une inadvertance qui affecte la lettre, l’expression et la pensée réelle du juge ; rectifier cette erreur qui doit nécessairement être matérielle reviendrait à rétablir l’exacte pensée du juge. Ainsi traditionnellement sont rectifiables tous termes de la décision, objet d’une inadvertance de dactylographie, de terminologie ou d’orthographe, telles la substitution d’un mot, l’erreur de frappe ou de plume entrainant une divergence de chiffres entre les motifs et le dispositif, ou l’application d’un pourcentage erroné, la désignation erronée d’une partie, ou de son siège social, ou l’indication fausse d’un conseiller, l’indication d’une fausse date, l’erreur de calcul, l’erreur de transcription et d’autres erreurs de ce genre ;
Attendu que dans le cas d’espèce il ne s’agit nullement d’une erreur matérielle et s’il ya erreur elle ne peut être qu’intellectuelle donc non soumise à rectification ; Qu’en effet les erreurs d’appréciation portant sur la substance du jugement ne sont pas réparables.
Attendu en réalité, que contrairement à ce que soutient Me Tiessolo KONARE, conseil du requérant, l’extrait du plumitif invoqué même doublé d’un constat d’huissier, ne peut l’emporter sur un arrêt en bonne et due forme ; que pour prospérer la demande en rectification se devait d’établir que l’arrêt attaqué comportait une inadvertance de dactylographie, de terminologie ou d’orthographe ; en tout cas une erreur matérielle ayant influencé la décision, ce qui n’est point prouvé ;
Qu’en effet, l’arrêt dont rectification est demandée est une œuvre collégiale impliquant une démarche objective, intellectuelle et juridique axée sur le processus d’élaboration ci-après :
- Le conseiller-rapporteur présente son rapport qui est lu en audience publique en présence éventuellement des parties et de leurs conseils ;
- Ceux-ci présentent leurs observations ;
- L’affaire est mise en délibéré au cours duquel, trois magistrats ayant lu et analysé les éléments du dossier échangent, discutent et décident de la décision à prendre ;
- La décision est prise à la majorité des magistrats et est inscrite en leur présence sur la chemise du dossier et son dispositif est lu en audience publique ;
- La minute est ensuite signée par le président et le greffier audiencier ;
Qu’une fois ce processus achevé, les arrêts de la cour suprême comme d’ailleurs les jugements et arrêts des autres cours et tribunaux acquièrent conformément aux dispositions de l’article 465 du code de procédure civile commerciale et sociale, une force probante qui leur garantit une protection juridique. A partir de cette phase, seules les voies de recours et la procédure d’inscription en faux permettent de les modifier dans un sens ou dans un autre ;
Attendu, en conséquence que, dès lors qu’il n’est pas démontré que nous sommes en présence d’une erreur matérielle et que par ailleurs il s’agit d’une cassation avec renvoi, qui, en principe, préserve intacts les droits des parties, il convient de rejeter la requête;
…La rejette ;…