ARRÊT N° 02 du 18 Janvier 2016.
Blanchiment de capitaux.
Sommaire :
Les articles 190 et 191 visés par le moyen traitent du droit général du ministère public d’interjeter appel devant la chambre d’accusation de toute ordonnance du juge d’instruction, des délais d’appel de l’inculpé ou du prévenu. La violation de ces articles ne peut donc être le grief formulé par le demandeur au pourvoi à savoir la réception d'une demande en dehors de tout appel.
La confiscation des biens par le juge est-elle de droit dans tous les cas de condamnation en matière de blanchiment de capitaux ?
A cette question la cour a répondu par la négative.
La Cour estime que l’arrêt attaqué n’étant pas une décision de condamnation pour infraction de blanchiment de capitaux, qu'après vérification rien ne justifie le blocage de ce compte, ordonne dans ce cas une main levée immédiate de la saisie sur ce compte.
FAITS ET PROCEDURE :
Le 14 janvier 2015 le sieur A. fut inculpé par le juge d’instruction du 2è cabinet du Tribunal de Grande Instance de la Commune VI du District de Bamako pour blanchissement de capitaux.
De suite ses comptes bancaires n° 25210191371, n° 400201217635 DAT 2521019101371007 et n° 910001200812 tous ouvert à son nom à la BNDA, furent saisi et placés sous main de justice par ordonnance du même juge (ordonnance n° 37/15 du 18-12-2015).
Le 17 avril 2015 Me Harouna KEÏTA, agissant au nom et pour le compte de l’inculpé A. introduisait auprès du juge une demande aux fins de main levée de saisie.
En même temps le juge était saisi d’une demande de mise en liberté.
Par ordonnance en date du 9 avril 2015 le juge s’opposait à la remise en liberté de A..
Par ordonnance en date du 15 avril 2015 il s’opposait à la main levée de saisies sur les comptes de l’inculpé.
Par acte en date du 17 avril 2015 Me Founékè KEÏTA pour l’inculpé interjetait appel contre l’ordonnance de refus de mise en liberté ; au niveau de la chambre d’accusation.
En appel A. présentait une requête aux fins de main levée de saisie.
Par arrêt n° 418 en date du 14 juillet 2015 la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako déclarait l’appel contre l’ordonnance de mise en liberté irrecevable pour forclusion, recevait la demande de main levée de saisie ordonnait la main levée sur le compte n° 910001200814 et rejetait la mesure sollicitée pour les compte n° 400201217635 et 25221019101371007 tous ouverts dans les livres de la BNDA au nom de A..
Par acte en date du 16 juillet le parquet général de la cour d’appel de Bamako par l’entremise de l’Avocat Général A.A.S. élevait pourvoi contre cet arrêt.
Dispensé de consigner il a produit un mémoire ampliatif régulièrement notifié au conseil de A..
PRESENTATION DES MOYENS DE CASSATION :
Au soutien de son recours le parquet général près la cour d’appel de Bamako soulève deux moyens de cassation : la violation du principe du double degré de l’instruction (article 190 et 191 CPP) et la violation de la loi n° 06-066 du 29 décembre 2006 portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchissement des capitaux.
1er moyen : La violation du principe du double degré de l’instruction (article 190 et 191 CPP).
En ce que la chambre d’accusation a reçu directement une requête en dehors de tout appel ;
2è moyen : La violation de l’article 45 de la loi n° 06-066 du 29 décembre 2006 portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchement de capitaux.
En ce que l’arrêt a ordonné la main levée de la saisie alors que l’article visé au moyen, fait obligations au Tribunal en cas de condamnation de prononcer leur confiscation au profit du trésor public.
Que la main levée ordonnée constitue un obstacle majeur à l’application de l’article 45 susvisé.
A. par le truchement de son conseil a répliqué au rejet du pourvoi.
SUR CE, LA COUR :
Sur le première moyen tiré de la violation des articles 190 et 191 CPP.
Attendu qu’il est reproché à la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Bamako de s’être décidé en dehors d’un appel porté devant elle, violant les articles 190et 191 du CPP ;
Attendu que les articles ci-dessus visés par le moyen indiquent en substance que l’appel devra être formé par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de trois jours qui courra ; Coutre le procureur de la République à compter du jour de l’ordonnance, contre la partie civile et contre le prévenu non détenu à compter de la signification qui leur est faite de l’ordonnance au domicile élu dans le lieu où siège le tribunal, contre le prévenu détenu à compter de la communication qui lui est donnée de l’ordonnance par le greffier ; que le Procureur Général devra notifier son appel dans les quinze jours qui suivront l’ordonnance du juge d’instruction (article 190 CPP) ; que l’appel sera porté devant la chambre d’accusation ; que le dossier de l’information est transmis sans délai, avec avis motivé par le Procureur de la République au Procureur Général ; qu’en cas d’appel du Ministère public le prévenu détenu est maintenu en prison jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’appel et, dans tous les cas jusqu’à l’expiration du délai d’appel (article 191).
Attendu que les articles 190 et 191 du CPP visés par le moyen traitent du droit général du ministère public d’interjeter appel devant la chambre d’accusation de toute ordonnance du juge d’instruction, des délais d’appel de l’inculpé ou du prévenu.
Attendu que la violation de ces articles ne peut être le grief formulé par le demandeur au pourvoi à savoir la réception d’une demande en dehors de tout appel.
Le moyen n’est donc pas précis et ne peut prospérer.
Sur deuxième moyen tiré de la violation de l’article 45 de la loi n° 06-066 du 29 décembre 2006 relative à la lutte contre le blanchissement des capitaux.
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir à tort ordonné la mainlevée de la saisie pratiquée sur le compte n° 910001200814 appartenant à l’inculpé A., au motif que cette mesure pourrait constituer un obstacle à la confiscation des sommes qui étaient saisies sur le compte confiscation prescrite par ledit article 45 de la loi n° 06-66 du 29 décembre 2006.
Attendu que l’article 45 visé par le moyen indique en substance que « dans les cas de condamnation pour infraction de blanchiment de capitaux, ou de tentative, les tribunaux ordonnent la confiscation au profit du Trésor public, des produits tirés de l’infraction […] ;
Attendu que l’arrêt attaqué énonce que « s’agissant du compte n° 9100120814 il apparaît que ce compte personnel de A. domicilié dans le même établissement bancaire n’a aucun lien avec les comptes services Projet dont A. était le Directeur Général ;
Que nul ne saurait justifier après les différentes vérifications le blocage de ce compte ; que pour faire bonne justice il convient d’ordonner immédiatement la main levée de la saisie sur ce compte précédemment mis sous main de justice par le juge d’instruction dans son ordonnance n° 37/15 du 18 février 2015 ; »
Attendu que l’arrêt attaqué n’étant pas une décision de condamnation pour infraction de blanchiment de capitaux ou de tentative, est légalement justifiée ;
D’où il suit que le moyen est infondé ;
…le rejette ;…
Ordonne à la Cour Suprême la transmission du dossier au Juge d’Instruction du 2è Cabinet du Tribunal de Grande Instance de la Commune VI pour poursuivre l’information ;…