ARRET N°31 DU 23 /05 / 2016
Atteintes aux biens publics et complicité d’atteinte aux biens publics.
Cour d’assises – ordonnance d’acquittement du Président - pas de voie de recours contre l’ordonnance
L’ordonnance d’acquittement est prise par le Président de la Cour d’assises lorsque le jury répond par la négative à la question sur la culpabilité de l’accusé. Si la culpabilité est retenue, la cour rend un arrêt de condamnation, éventuellement suivi d’un arrêt sur les intérêts civils.
Pour la chambre criminelle de la Cour Suprême, au regard des dispositions de l’article 505 du Code de Procédure Pénale, l’ordonnance d’acquittement ne figure guère au rang des décisions susceptibles de pourvoi ; qu’au surplus, l’article 348 du même Code précise que toute personne acquittée légalement ne pourra plus être reprise ni accusée en raison du même fait.
FAITS ET PROCEDURE :
Le 1er Avril 2008, à l’issue d’un contrôle de routine, il fut décelé dans la caisse tenue par B., caissier principal de l’agence principale de la BDM-SA, un manquant de 273.134.375 FCFA. Après diverses déductions, le montant définitif non justifié par B. fut ramené à 258.850. 375 FCFA.
Sur plainte de la BDM-SA, B. fut inculpé pour détournement de deniers publics et deux autres de ses collaborateurs le furent pour complicité. Il s’agissait de A., caissier ramasseur de fonds et C., contrôleur interne de l’agence principale II.
L’information terminée, suivant arrêt de mise en accusation en date du 30 Septembre 2013, B., A. et C. furent renvoyés devant la Cour d’assises pour détournement de deniers publics et complicité.
Par ordonnance n° 81 en date du 04 Août 2014, la Cour d’Assises de Bamako déclara A. et C. non coupables des faits de complicité de détournement de deniers publics et prononça leur acquittement.
Par arrêt n°82 de la même date, elle déclara par contre B. coupable des faits de détournement de deniers publics et condamna ce dernier à cinq (5) ans d’emprisonnement avec sursis et deux cent milles (200.000) Francs CFA d’amende.
Suivant arrêt civil n° 83 en date du 12 Août 2014, la Cour d’assises condamna également B. à payer à la BDM-SA la somme de 258.850.375 Francs CFA à titre principal et à celle de 20.000.000 de Francs CFA à titre de dommages-intérêts.
Par acte n°14 en date du 06 Août 2014, B., par le truchement de son conseil Maître Abdoulaye Sangaré, avocat au Barreau du Mali, a déclaré se pourvoir en cassation contre l’arrêt pénal n° 82 en date du 04 Août 2014 ci-dessus cité. Dispensé de consignation conformément à l’article 514 du Code de Procédure Pénale, il a produit un mémoire auquel toutes les autres parties ont répliqué.
Quant à la BDM-SA, représentée par le Cabinet d’avocats SCPA Jurifis Consult, par actes n° 15 et 19 en date des 07 et 14 Août 2014, elle a déclaré se pourvoir en cassation contre l’ordonnance d’acquittement n°81 en date du 04 Août 2014, l’arrêt de condamnation n° 82 de la même date et l’arrêt civil n°83 en date du 12 Août 2014 ci-dessus cités. S’étant acquittée de l’amende de consignation conformément à l’article 513 du Code de Procédure Pénale, elle a produit des mémoires auxquels les autres parties ont répliqué.
EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION :
Maître Abdoulaye Sangaré, pour le compte de son client B., aux fins de voir la Cour régulatrice annuler l’arrêt n°82 en date du 04 Août 2014, invoque un moyen unique de cassation tiré de la violation de l’article 412 du Code de Procédure Pénale ;
En ce que la Cour d’assises, en s’abstenant de prononcer l’acquittement d’B. au même titre que ses coaccusés, n’est pas allée « au bout de son intime conviction » ;
Alors que, selon lui, l’article 412 du Code de Procédure Pénale dispose qu’en dehors des cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, que le juge décide d’après son intime conviction et qu’il ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ;
Quant au Cabinet d’avocats SCPA Jurifis Consult, au soutien de son pourvoi contre l’ordonnance d’acquittement n°81 en date du 04 Août 2014, il fait valoir à son tour la violation de l’alinéa 2 du même article 412 du Code de Procédure Pénale ;
En ce que la Cour d’assises a prononcé l’acquittement de A. et de C. des faits de complicité de détournement de deniers publics ;
Alors que, selon lui, l’aliné2 dudit texte précise que le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui et qu’en l’espèce, tant à l’enquête préliminaire qu’au cours de l’information et à la barre, A. et C. ont reconnu avoir assisté B. dans l’accomplissement de son forfait.
Contre l’arrêt civil n°83 en date du 12 Août 2014, la SCPA Jurifis Consult invoque par contre la violation de l’article 361 du Code de Procédure Pénale ;
En ce que cet arrêt civil a mis hors de cause A. et C. ;
Alors que, selon elle, ce texte dispose que la partie civile, dans le cas d’acquittement comme dans celui d’absolution, peut demander réparation du dommage résultant de la faute de l’accusé, telle qu’elle résulte des faits qui sont l’objet de l’accusation et qu’en l’espèce, les fautes commises par A. et Aa ont été suffisamment établies.
Assurant la défense de A. et de C., Maître Mah Mamadou Diallo, avocat à la Cour, a produit un mémoire en défense par lequel il a conclu au rejet des pourvois et à la confiscation de l’amende de consignation.
SUR CE, LA COUR :
En la forme :
Sur la recevabilité du pourvoi formé par B. contre l’arrêt n°82 du 04 Août 2014 :
Attendu qu’en vertu des dispositions de l’article 505 du Code de Procédure Pénale, les arrêts rendus en dernier ressort en matière criminelle peuvent être annulés pour cause de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public ou par la partie à laquelle il est fait grief ; qu’en l’espèce, le recours ayant été formé dans les forme et délai prescrits par l’article 510 du Code de Procédure Pénale et l’accusé, dispensé de consignation, ayant produit un mémoire ampliatif, il convient de recevoir son pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi de la BDM-SA contre l’ordonnance d’acquittement n°81 du 04 Août 2014 :
Attendu qu’au regard des dispositions de l’article 505 du Code de Procédure Pénale ci-dessus cité, l’ordonnance d’acquittement ne figure guère au rang des décisions susceptibles de pourvoi ; qu’au surplus, l’article 348 du même Code précise que toute personne acquittée légalement ne pourra plus être reprise ni accusée en raison du même fait ; qu’il s’ensuit que le pourvoi formé par la BDM-SA contre l’ordonnance d’acquittement n°81 du 04 Août 2014 est irrecevable ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé par la BDM-SA contre l’arrêt n° 82 du 04 Août 2014 :
Attendu que la demanderesse au pourvoi n’a produit aucun mémoire critiquant cet arrêt ; qu’il convient de la déclarer déchue de son action ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé par la BDM-SA contre l’arrêt civil n°83 du 12 Août 2014 :
Attendu que la BDM-SA, partie civile, a acquitté l’amende de consignation conformément à l’article 513 du Code de Procédure Pénale ; qu’elle a produit un mémoire ampliatif lequel, notifié aux autres parties, a fait l’objet de réplique ; qu’il convient de recevoir son pourvoi.
Au fond :
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 412 du Code de Procédure Pénale :
Attendu que par ce moyen, le conseil de l’accusé B. fait grief à la formation de la Cour d’assises de n’être pas allée « au bout de son intime conviction » en s’abstenant d’acquitter son client au même titre que ses coaccusés ;
Mais attendu qu’il est de principe que l’appréciation des éléments de preuve en matière pénale est une question de fait relevant du pouvoir souverain des juges du fond ; que l’article 412 du Code de Procédure Pénale consacre justement le principe de la liberté de la preuve et de l’intime conviction en matière pénale ; en l’espèce, loin de violer l’article 412 du Code de Procédure Pénale, la Cour d’assises, en condamnant B. et en acquittant ses coaccusés selon son intime conviction, n’a fait qu’user des pouvoirs que lui reconnait la loi à travers ledit texte ; qu’il s’ensuit que ce premier moyen mérite d’être écarté ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 361 du Code de Procédure Pénale :
Attendu que par ce moyen, la BDM-SA reproche à l’arrêt attaqué d’avoir mis hors de cause A. et C. en ce qui concerne ses intérêts civiles ; qu’elle en invoque la violation de l’article 361 du Code de Procédure Pénale qui est ainsi libellé : « La partie civile, dans le cas d’acquittement comme dans celui d’absolution, peut demander réparation du dommage résultant de la faute de l’accusé, telle qu’elle résulte des faits qui sont l’objet de l’accusation » ;
Mais attendu qu’il s’agit là d’une faculté offerte à la partie civile dont la demande peut être accueillie ou rejetée par les juges du fonds ; que ce texte ne fait nulle obligation à la Cour d’assises de condamner à réparation civile toute personne acquittée ou absoute ; d’où il suit que ce second moyen ne peut prospérer ; qu’il convient de le rejeter ;
... les rejette ;…