2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°165 du 13 / 06 / 2016
Substitution de personne pour l’acquisition d’immeuble.
SOMMAIRE :
Les conventions légalement formées sont la loi des parties et il ne peut y être dérogé que d’accord parties ou pour les causes que la loi autorise.
1) Rappel des faits et de la procédure :
A. était employé de la Société Mam Cocktail Sarl. Par convention du 18 janvier 2008, A. et la SOMAPIM SA signaient un accord de réservation portant sur une villa de type Paradise d’une superficie approximative de 172,05 m2 à édifier sur une parcelle de terrain d’une superficie de 574 m2 formant le numéro H3 du plan de lotissement des 78 logements à bâtir sur un terrain sis à Aa, faisant l’objet du titre foncier numéro 1089 de la Commune I de Bamako au nom de Ac Ab B ;
Le 21 janvier 2008, par acte notarié passé en l’étude de Me Mamadou Kanda KEITA, la Société Mam Cocktail et A. signaient un protocole d’accord par lequel la Société s’engageait à payer à la SOMAPIM Sa pour le compte de A. la somme de : Un million trois cent mille (1 300 000) F CFA dans le cadre de l’exécution du contrat de réservation, relatif à l’acquisition de la villa de type PARADISE, sise à …, RESIDENCE BEL AIR et bâtie sur la parcelle N°H, à distraire du morcellement du titre foncier n°1089 de la Commune I du District de Bamako ;
A. ayant quitté son employeur, un contentieux naissait entre eux ;
Le 30 novembre 2011, Mam Cocktail SARL assignait A. et SOMAPIM SA aux fins de substitution de personne pour l’acquisition d’immeuble susvisé ;
Par jugement n°067 du 2 avril 2012, le tribunal de première instance de la Commune I du District de Bamako condamnait A. à rembourser à la Société Mam Cocktail la somme de vingt sept millions trois cent mille (27 300 000) FCFA et celle de 500 000 FCFA de dommages-intérêts.
Quant à la SOMAPIM SA, elle a été condamnée à payer les sommes de deux millions six cent mille (2 600 000) FCFA à titre de dommages-intérêts ;
Par arrêt n°735 du 04 décembre 2013, la Cour d’Appel de Bamako confirmait le jugement entrepris en ce qui concerne les condamnations prononcées contre la SOMAPIM et l’infirmait quant aux condamnations prononcées contre A. et a débouté la Société MAM de toutes ses demandes présentées contre lui ;
C’est contre cette décision qu’est dirigé le pourvoi ;
2) Exposé des moyens de cassation :
La SCP CAMARA-TRAORE, Conseil de la Mam Cocktail Sarl et le Cabinet Soyata MAIGA par le biais de Me Hamidou MAIGA, conseil de la SOMAPIM soulèvent à l’appui de leur pourvoi trois moyens de cassation :
2-1) Du moyen tiré de la violation de l’article 77 de la loi fixant Régime Général des Obligations :
En ce que cet article dispose « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites… » ;
En l’espère, dans le protocole d’accord notarié, il a été convenu entre MAM COCTAIL et A. qu’en cas de résiliation du contrat de travail du fait de celui-ci, il remboursera l’intégralité des sommes payées à la SOMAPIM SA et qu’en cas de sa défaillance, l’employeur lui sera substituée pour l’exécution du contrat ;
Malgré la clarté des dispositions du protocole d’accord, la Cour d’appel n’a retenu ni le remboursement ni la substitution de personne violant ainsi l’article susvisé et expose sa décision à la censure de la haute juridiction ;
2-2) De la violation de l’article 9 CPCCS :
En ce qu’en vertu de cet article chaque partie doit apporter la preuve de ses allégations ;
Mam Cocktail SARL a versé au dossier la preuve des paiements qu’elle a effectués à SOMAPIM pour le compte de A., ainsi que la copie de la convention en vertu de laquelle ces versements ont été faits ;
Dès lors, en statuant comme elle l’a fait la cour d’appel a violé l’article 9 CPCCS et sa décision encourt la censure de la cour régulatrice ;
2-3) De l’insuffisance de motifs :
En ce que pour condamner la SOMAPIM, l’arrêt attaqué retient laconiquement que « bien que le contrat ait été rompu, la SOMAPIM-SA a reçu de la Société Mam Cocktail des chèques à hauteur de 2 600 000 FCFA s’enrichissant sans cause » ;
Le Conseil de la SOMAPIM ajoute qu’il est, depuis longtemps établi par la jurisprudence constante : « qu’une décision de justice doit se suffire à elle-même et qu’il ne peut être supplée au défaut ou à l’insuffisance de motifs par le seul visa des documents de la cause et la seule référence aux débats, n’ayant fait l’objet d’aucune analyse ». (Civ. 22 nov. 1965, Bull. Civ. I n°635 ; 14 janvier. 1973) ;
En l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que SOMAPIM a reçu de la Société Mam Cocktail des chèques à hauteur de 2.600.000 FCFA ;
Le simple relevé de compte versé au dossier ne permet pas de savoir qui en est l’endosseur.
Les juges du fond n’ayant fait aucune analyse visant à démontrer l’admissibilité de la pièce invoquée par société MAM COCKTAIL, il y a selon le pourvoi insuffisance de motifs ; En conséquence Me Hamidou MAIGA sollicite la cassation et l’annulation de l’arrêt attaqué ;
3) Analyse des moyens de cassation :
3-1) De la violation de la loi tirée de la violation des articles 77 du Régime Général des Obligations et 9 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale :
Attendu compte tenu de la similitude des deux premiers moyens présentés, ils seront analysés ensemble ;
De la violation de l’article 77 de la loi fixant régime général des obligations et de l’article 9 CPCCS :
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles signé entre les parties, la cour a débouté la Société Mam Cocktail Sa de toutes ses demandes ;
Attendu que les articles invoqués sont ainsi conçus :
Article 77 du Régime Général des Obligations :
« Les conventions légalement faites tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Article 9 CPCCS : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
Attendu que pour rejeter les demandes de remboursement et de substitution l’arrêt retient « que le juge d’instance en condamnant A. au paiement de 27. 300. 000 FCFA à titre de remboursement n’apporte pas les arguments juridiques suffisants à cette décision ; cette demande subsidiaire de MAM COCKTAIL présentée comme telle est en contradiction avec les dispositions du protocole d’accord du 21 janvier 2008 à son article III ; que cette réclamation n’étant pas en l’état suffisamment justifiée » alors même que les articles I et II du Protocole d’Accord notarié signé le 21 janvier 2008 entre Mam Cocktail et A. prévoyaient que la Société s’engageait irrévocablement à verser mensuellement Un million trois cent mille (1. 300. 000) à la SOMAPIM pour le compte de A. moyennant retenue sur son salaire ; Qu’en outre un état des paiements effectués par Mam Cocktail à la SOMAPIM avec indication des dates et numéros et photocopies de chèques ainsi que les montants payés pour les années 2008, 2009, et 2011 est versé au dossier. Qu’en statuant ainsi, sans rechercher à faire la situation entre les parties afin de déterminer de façon précise et incontestable :
- Le montant global versé par Mam Cocktail à la SOMAPIM pour le
compte de A. ;
- Le montant des retenues des salaires effectuées par Mam Cocktail
sur les salaires de son ex-employé ;
- Le statut actuel de l’immeuble objet du litige ;
Qu’en se déterminant comme elle l’a fait la cour a violé les deux articles précités ; dès lors doit être cassé l’arrêt qui a débouté Mam Cocktail à la fois de sa demande de remboursement et de celle de substitution de personne ; d’où il suit que ces moyens sont pertinents et seront accueillis ;
3-2) De l’insuffisance de motifs :
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué une insuffisance de motifs ;
Mais attendu qu’en réalité l’insuffisance de motifs ne fait pas partie des moyens admissibles pour critiquer l’arrêt de la cour d’appel ;
Attendu en effet que les cas d’ouverture se subdivisent en cas principaux : violation de la loi, défaut (ou manque) de base légale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions et dénaturation d’un écrit.
Quant aux cas marginaux ils sont au nombre de cinq : excès de pourvoir, incompétence, contrariété de jugements, perte de fondement juridique et vices de forme ;
Attendu que toute critique faite en dehors des cas ci-dessus énumérés doit être déclarée irrecevable ;
…Casse et annule l’arrêt déféré ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…