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22/01/2020 | MALI | N°06

Mali | Mali, Cour suprême, 22 janvier 2020, 06


Texte (pseudonymisé)
Cour Suprême du Mali République du Mali

Section Judiciaire Un Peuple – Un But Une Foi

Chambre Commerciale

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Pourvoi n°267 du 04/07/2016

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Arrêt n°06 du 22/01/2020

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Nature : Nullité et responsabilité contractuelle.



LA COUR SUPREME DU MALI

En son audience publique ordinaire du Mercredi Vingt-deux janvier deux mille vingt, à laquelle siégeaient ;

Monsieur Badara Aliou NANACASSE, Président de la Chambre Commerciale,

Président ;

Madame Djenèba KARABENTA, Conseiller à la Cour; membre

Monsieur Boureïma GARIGO, Conseiller à la Cour; membre ;

En ...

Cour Suprême du Mali République du Mali

Section Judiciaire Un Peuple – Un But Une Foi

Chambre Commerciale

---------------

Pourvoi n°267 du 04/07/2016

---------------

Arrêt n°06 du 22/01/2020

----------------

Nature : Nullité et responsabilité contractuelle.

LA COUR SUPREME DU MALI

En son audience publique ordinaire du Mercredi Vingt-deux janvier deux mille vingt, à laquelle siégeaient ;

Monsieur Badara Aliou NANACASSE, Président de la Chambre Commerciale, Président ;

Madame Djenèba KARABENTA, Conseiller à la Cour; membre

Monsieur Boureïma GARIGO, Conseiller à la Cour; membre ;

En présence de Monsieur Cheick Mohamed Chérif KONE, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public ;

Avec l’assistance de Maître Diènèba FOFANA, Greffier ;

Rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Sur le pourvoi du Cabinet SEYE, Avocat inscrit au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de la SOMATRA R/ Aj Ah A, demanderesse;

D’UNE PART :

Contre : L’arrêt n°88 du 25/11/2015 par la Chambre Commerciale de la Cour d’Appel de Bamako et la Société SERA MALI SARL, ayant pour conseil le Cabinet Jurifis-Consult, Avocat au Barreau du Mali, défenderesse,

D’AUTRE PART

Sur le rapport de Monsieur Badara Aliou NANACASSE, Président de la Chambre Commerciale, les conclusions écrites du Premier Avocat Général Tamba Namory KEÏTA et orales de l’Avocat Général Cheick Mohamed Chérif KONE;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

I- EN LA FORME :

Par acte n°267du 04/07/2016 du greffier en chef de la Cour d’Appel de Bamako, le Cabinet SEYE, Avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de la SOMATRA-SARL a formé pourvoi contre l’arrêt n°88 du 25/11/2015 rendu par la Chambre Commerciale de la Cour d’Appel de Bamako dans une instance en nullité et responsabilité contractuelle opposant sa cliente à la Société Sera-Mali SARL.

Suivant certificat de dépôt n° 1032 du greffier en chef de céans, la demanderesse a versé la consignation exigée par la loi et a produit un mémoire ampliatif qui, notifié à la défenderesse a fait l’objet de réplique.

Le pourvoi dans ces conditions est recevable.

II-Au fond :

Faits et procédure :

Suivant un contrat de fourniture de matériel de transport conclu le 28 Septembre 2006 la Société Sera-Mali devait fournir à la SOMATRA-SARL dix Véhicules Renault de 55 places assises dont 5 bus climatisés. Par avenant en date du 29 Novembre 2006 le nombre de bus commandés a été ramené à 8 dont 2 climatisés pour un montant global de 504.000.000 francs après réception et mise en exploitation.

Que les bus ont été effectivement livrés et mis en circulation.

Qu’il avait été convenu entre les parties que les bus fournis devraient être équipés de moteur Renault MIDR.

Qu’à la surprise de la SOMATRA-SARL, la Sera-Mali au lieu de lui livrer les véhicules conformes à ce qui a été convenu, a livré les véhicules qui ne correspondaient pas aux normes techniques préconisés ;

Que ces véhicules se sont illustrés par plusieurs pannes sur différents trajets toute chose qui discrédite la Société de transport SOMATRA-SARL.

Sur l’assignation en nullité et responsabilité contractuelle de la SOMATRA-SARL, le tribunal de commerce de Bamako par jugement n°508 du 2307/ 2014 a statué ainsi qu’il suit:

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort ;

Rejette les exceptions et fins de non recevoir soulevées par la défenderesse ;

En la forme : Reçoit la Société Malienne de Transport (SOMATRA-SARL) en ses demandes;

Au fond : Dit et juge que la vente de 08 bus intervenue entre les parties est nulle et de nul effet ;

Reconnait la responsabilité contractuelle de Sera-Mali-SARL ;

Condamne Sera-Mali-SARL à payer à SOMATRA-SARL la somme de 504.000.000FCFA à titre de remboursement du prix d’acquisition des 08 bus, la somme de 195.192.376FCFA à titre de remboursement des intérêts et frais bancaires et la somme de 200.000.000FCFA tous préjudices confondus ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant l’exercice des voies de recours ;

Condamne Sera-Mali-SARL aux dépens.

Sur appel de Sera-Mali-SARL, la Chambre Commerciale de la Cour d’Appel de Bamako par arrêt n°88 du 25/11/2015 a statué en ces termes :

« Statuant à nouveau : Déclare l’action de la Société Malienne de Transport irrecevable pour cause de prescription ;

Met les dépens à la charge de l’intimée ».

La SOMATRA-SARL a régulièrement formé pourvoi contre cet arrêt qui nous occupe à présent

III- Exposé des moyens de cassation :

La Société SOMATRA-SARL par le biais de son conseil le Cabinet SEYE soulève un seul moyen de cassation tiré de la violation de la loi ;

Il est fait grief à l’arrêt querellé d’avoir violé les dispositions des articles 17, 237, 255 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général et de l’article 1641 du code civil ;

Qu’en effet, dans le cadre d’une procédure en nullité et responsabilité contractuelle, la Société Sera-Mali-SARL a évoqué une fin de non recevoir tirée de la prescription ; qu’elle a été suivie par la Cour d’Appel en se fondant sur les articles 274,275, 276 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général et de l’article 248 du Régime Général des Obligations;

Que cependant, ces dispositions ont été mal appliquées et mal interprétées par les juges d’appel;

Que s’agissant du point de départ de la prescription, l’article 275 de l’Acte Uniforme dispose que « une action résultant d’un manquement au contrat peut être exercée à partir de la date à laquelle, ce manquement s’est produit.

Une action fondée sur un défaut de conformité de la chose vendue peut être exercée à partir de la date à laquelle le défaut a été découvert, ou aurait dû raisonnablement être découvert par l’acheteur, ou l’offre de remise de la chose refusée par celui-ci.

Une action fondée sur un dol commis avant la conclusion du contrat de vente ou au moment de cette conclusion, ou résultant d’agissements frauduleux ultérieurs, peut être exercée à partir de la date à laquelle le fait a été ou aurait dû raisonnablement être découvert »

Que Sera-Mali soutient que la SOMATRA est forclose aux motifs que l’article 5 du contrat liant les parties prévoit un délai de 10 jours pour formuler des contestations en cas de vices apparents ou de non-conformité ;

Que l’arrêt querellé retient une garantie contractuelle de 12 mois sur la base de l’article V du contrat n°28-09-06 liant les parties, pour déclarer qu’entre l’assignation et la date du contrat, il s’est écoulée trois années et quelques mois soit plus de deux années après l’expiration de la garantie contractuelle;

Qu’attendu cependant qu’il ne s’agit pas ici de vices apparents ;

Que ce sont des vices cachés au moment de la livraison des véhicules qui ont entrainé leur immobilisation et conduit la SOMATRA à les faire expertiser pour se rendre compte que s’ils avaient bien toutes les apparences des Véhicules Renault commandés, ils n’en avaient aucune des caractéristiques;

Que le délai de 10 jours prévu par l’article 5 du contrat n’a donc pas vocation à s’appliquer ici ;

Que les manœuvres dolosives de la Sera-Mali-SARL ont fondé la SOMATRA-SARL à demander la nullité du contrat, conformément aux dispositions de l’article 41 du RGO « la convention contractée par erreur, dol ou violence donne lieu à une action en nullité » ;

Que selon les dispositions de l’article 64 du même code « l’action en nullité relative se prescrit par cinq ans du jour de la formation du contrat. Ce délai court cependant dans les cas d’incapacité ou de violence du jour où elles ont cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol du jour où le vice a été découvert.

L’action en nullité absolue est soumise à la prescription de droit commun.

L’exception de nullité survit à la prescription de l’action ».

Que suivant une jurisprudence constante le délai évoqué dans un contrat de vente concernant la qualité de la marchandise ne peut en aucun cas prescrire une action en nullité absolue (cass. Civ.5 Mai 1993 : l’acquéreur reçoit en livraison des planches de bois d’une dimension différente de celle prévue par le contrat qui prévoyait que les réclamations concernant la qualité de la marchandise devaient être faites dans un délai de 8 jours ; la Cour d’Appel rejette la demande, le délai étant écoulé. La première chambre civile casse l’arrêt d’appel : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que M.Pascal contestait non pas la qualité de la marchandise vendue mais la conformité de celle-ci à la commande, la Cour d’Appel a fait une fausse application du contrat et viole l’article 1134 du code civil ») ;

Que selon les dispositions de l’article 231 du même Acte Uniforme «  la vente commerciale est soumise aux règles du droit commun des contrats et de la vente qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent livre les parties sont tenues de se conformer aux exigences de la bonne foi. Elles ne peuvent exclure cette obligation, ni en limiter la portée ».

Que l’article 255 du même code prévoit que « le vendeur doit livrer les marchandises en quantité, qualité, spécifications et conditionnement conformes aux stipulations du contrat. Dans le silence du contrat, le vendeur doit livrer des marchandises propres aux usagés auxquels elles servent habituellement ou dotées des mêmes qualités que les échantillons ou modèles présentés.

Il doit aussi les livrer dans des emballages ou conditionnement habituellement utilisés pour ce type de marchandises ou, à défaut de mode habituel, dans des conditions propres à les conserver et protéger » ;

Que le mémorant a insisté sur les vices cachés ;

Qu’ « un vice est apparent lorsqu’il est décelable au terme d’un examen attentif par un non professionnel, dans le cas contraire il est caché » ;

Que « l’existence d’un vice caché n’exclut pas par elle-même l’exercice d’une action en nullité pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue » (cass. Civ.1, 28 juin 1988.D.1989 jur. P.450 note Ae Ac et D.1989-Somm. P. 229. Ols. Aubert) ; 

Que selon l’article 1641 du code civil français « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage à laquelle on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus » ;

Que certes, l’acquéreur dispose d’un délai de deux ans pour agir, que cependant contrairement au cas du délai applicable à la garantie légale de conformité, le point de départ pour agir en justice est fixé au jour de la découverte du défaut ;

Qu’il est constant que le procès-verbal de constat a été établi par la SOMATRA-SARL le 30 Octobre 2010 et que l’expertise a été reçue en Mai 2011;

Qu’à ce propos l’article 17 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général précise que « … le délai de prescription court à compter du jour ou le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son action » ;

Qu’entre le constat des vices en Mai 2011 et l’assignation servie à Sera-Mali-SARL en date du 23 Décembre 2011 il ne s’est écoulé que sept mois.

Qu’il s’en suit que les motifs de l’arrêt tirés de la prescription ne sont pas fondés ;

Qu’il sollicite dès lors qu’il plaise à la cour casser et annuler l’arrêt querellé;

Attendu que Sera-Mali-SARL, répliquant par le biais de son conseil PRAE LAW FIRM a sollicité qu’il plaise au principal se déclarer incompétent et en renvoyant la cause et les parties devant la CCJA et subsidiairement rejeter le recours comme étant mal fondé.

SUR CE

ANALYSE DES MOYENS

Sur l’exception d’incompétence de la Cour de céans :

Attendu que dans son mémoire en réplique le conseil de la défenderesse a soulevé l’incompétence de la Cour de céans et sollicité le renvoie de la cause et les parties devant la Cour Commune de Justice et d’Ab B sise à Abidjan (République de Côte d’Ivoire) ;

Mais attendu qu’il ressort de cette jurisprudence consacrée par la CCJA que « les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage telles qu’énoncées par l’article 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ne sont remplies du seul fait de l’évocation par le requérant d’un article d’un Acte Uniforme dans l’argumentaire accompagnant l’exposé de son moyen de cassation, qui lui, est fondé sur un texte de loi nationale (arrêt CCJA n°004 du 27 Mars 2003) » ;

Que cette même jurisprudence est confortée par un arrêt récent de la Cour de céans dans une procédure similaire (arrêt n°25 du 22 Août 2017 Chambre Commerciale) ;

Attendu que dans le cas d’espèce il est aussi question de la violation des articles 41,64 du Régime Général des Obligations donc des lois nationales, il y a lieu de retenir sa compétence et passer à l’examen de l’unique moyen de cassation tiré de la violation de la loi.

Sur le moyen tiré de la violation de la loi :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi notamment les articles 41,64 du Régime Général des Obligations, des articles 17, 237, 255 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général et de l’article 1641 du code civil ;

Attendu que « la violation de la loi suppose qu’à partir des faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d’une erreur le plus souvent grossière soit qu’ils aient ajouté à la loi une condition qu’elle ne pose pas, soit qu’ils aient refusé d’en faire application » (cf Aa Ai Af Ad et Ag Ad dans « Technique de cassation 3e.ed. Dalloz 1994 P138 ;

Attendu que pour motiver leur décision de prescription les juges d’appel ont retenu l’article 274 ancien de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général sous l’empire duquel selon eux, la vente a été conclue et que selon cet article, « le délai de prescription en matière de vente commerciale est de deux ans. Ce délai court à partir de la date à laquelle l’action peut être exercée » ;

Attendu que dans le cas d’espèce il est reproché à Sera-Mali-SARL la non-conformité des marchandises fournies, ce qui est considéré par la Société SOMATRA-SARL comme des manœuvres dolosives servant de fondement à sa demande en nullité du contrat, conformément à l’article 41 du RGO;

La demanderesse au pourvoi reproche à l’arrêt querellé d’être intervenu au mépris de l’article 64 du RGO qui dispose : « l’action en nullité relative se prescrit par cinq ans du jour de la formation du contrat. Ce délai court cependant dans les cas d’incapacité ou de violence du jour où elles ont cessé, dans les cas d’erreur ou de dol du jour où le vice a été découvert.

L’action en nullité absolue est soumise à la prescription de droit commun. L’exception de nullité survit à la prescription de l’action ».

Que s’agissant de vices cachés au moment de la livraison des véhicules, c’est la fréquence des pannes survenues en cours de différents trajets et même de leur immobilisation qui ont fait comprendre à la SOMATRA-SARL que lesdits véhicules bien qu’ayant les apparences de véhicules Renault commandés, n’en avaient aucune des caractéristiques.

Attendu qu’il est donc constant que l’arrêt a été rendu au mépris de ces dispositions de la loi précitée

D’où il suit que le moyen mérite d’être accueilli.

PAR CES MOTIFS:

En la forme : Reçoit le pourvoi ;

Au fond : casse et annule l’arrêt n°88 du 25 Novembre 2015 de la Chambre Commerciale de la Cour d’Appel de Bamako;

Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;

Ordonne la restitution de l’amende de consignation.

Met les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessous.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 06
Date de la décision : 22/01/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2020-01-22;06 ?
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