COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple – But – Une Foi
1ère chambre civile
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Pourvoi n°166 du 04 /05 /2016
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Arrêt n°250 du 05 /10/ 2020
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NATURE : Réclamation de parcelle.
COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique, ordinaire du Lundi cinq octobre deux mil
vingt, à laquelle siégeaient :
Monsieur Fatoma THERA, Président de la 1ère chambre civile,
Président ;
Monsieur Idrissa Christian DIASSANA, conseiller à la Cour,
membre ;
Monsieur Yacouba KONE, conseiller à la Cour, membre ;
En présence de Monsieur Yaya KONE, Avocat général près ladite
Cour occupant le banc du Ministère Public ;
Monsieur Mody TRAORE et Awa COULIBALY, assesseurs ;
Avec l’assistance de Maître KEITA Coumba DICKO, Greffier ;
Rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Sur le pourvoi de Maître Tiéssolo KONARE, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de ses clients, Ac B, née vers 1932 à Ag, de nationalité malienne, ménagère domiciliée à Af Ab Aa, Ae B né vers 1932 à Ag, de nationalité malienne, domicilié à Af Ab Aa, Aj C, né vers 1960 à Bamako, de nationalité malienne, domicilié à Af Ab ;
Demandeurs ;
D’une part
Contre : Am Ah, né vers 1940 à Bamako, Tailleur à la retraite
domicilié à Ad Al près du Ai Aa, ayant pour
conseil Maître Klégnaré SANOGO, avocat à la Cour ;
Défendeur ;
D’autre part
Sur le rapport de Monsieur Yacouba KONE, Conseiller à la Cour, les conclusions écrites et orales de l’avocat général Tamba Namory KEITA et orales de l’avocat général Yaya KONE ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME :
Par acte N°166 en date du 04 Mai 2016 reçu au Greffe de la Cour d’appel de Bamako, les nommés Ba Ac dite Ac B, Ae B et Aj B, par le canal de leur Conseil Maître Tiéssolo KONARE, Avocat à la Cour- Bamako, ont déclaré former pourvoi en cassation contre l’arrêt N°54 du 13 Janvier 2016 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Bamako dans une instance en réclamation de parcelle de terre les opposant au sieur Am Ah.
Les demandeurs au pourvoi se sont acquittés de l’amende de consignation au Greffe de la Cour Suprême comme l’atteste le certificat de dépôt de consignation N°1010 en date du 07 Décembre 2016 délivré par le Greffier en Chef de ladite Cour.
En outre, ils ont, par le canal de leur Conseil Maître Tiéssolo KONARE, produit au dossier de la procédure un mémoire ampliatif qui, notifié au défendeur au pourvoi, a fait l’objet de réplique de la part du Conseil de ce dernier.
Le pourvoi ayant satisfait aux conditions légales de sa recevabilité, il y a donc lieu de le déclarer recevable.
AU FOND :
I – FAITS ET PROCEDURES :
Il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué les faits suivants :
Le 11 Mai 2011, le nommé Am Ah, tailleur à la retraite domicilié à Ad Al, s’estimant propriétaire de la parcelle de terrain N° TY/ 7 suite au redressement effectué au niveau dudit quartier par les Services Techniques de la Commission Domaniale de la Mairie de la Commune I du District de Bamako, a attrait les nommés Ac dite Ac B, Ae B et Aj C tous domiciliés à Aa Af Ab devant le Tribunal Civil de la Commune I du District de Bamako aux fins de réclamation de parcelle, d’expulsion et de démolition.
Par jugement N°162 en date du 03 Septembre 2012, ledit Tribunal faisait droit à la requête de Am Ah et ordonnait l’expulsion des défendeurs ainsi que la démolition des ouvrages faits par ces derniers.
Suite à l’appel interjeté par Ac dite Ac B et autres, la chambre civile de la Cour d’appel de Bamako, par arrêt N°54 rendu le 13 Janvier 2016, a confirmé le jugement entrepris après avoir reçu ledit appel et après l’avoir déclaré mal fondé.
C’est contre cet arrêt qu’est dirigé le présent pourvoi en cassation.
II – EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION SOULEVES :
Les demandeurs au pourvoi ont soulevé trois (3) moyens de cassation à l’appui de leur recours à savoir la violation de la loi, le défaut de base légale et enfin le manque de motivation.
-Sur le premier moyen de cassation : la violation de la loi :
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de la loi, par refus d’application de l’article 544 du code civil français en ce que les Juges d’appel ont confirmé la propriété privée du défendeur sur la parcelle de terrain N°TY/7 du lotissement de Ad, ont ordonné l’expulsion des demandeurs de ladite parcelle et ont ordonné la démolition des réalisations faites par ces derniers alors même que ceux-ci détiennent, à leur profit, une décision administrative, non annulée, attributive de propriété sur ladite parcelle d’une part et, d’autre part, alors même que le rapport d’expertise des Services Techniques de la Commission Domaniale de la Mairie de la Commune I du District de Bamako atteste de l’existence de ladite parcelle distincte de celle du défendeur portant le N° TY/ 6 portant ainsi atteinte à la propriété privée des demandeurs ;
Que le moyen est en conséquence établi et doit être favorablement accueilli ;
-Sur le deuxième moyen de cassation : Le défaut de base légale :
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de ne s’être fondé sur aucun texte légal mais plutôt sur des correspondances (n°0596 du 22 Juillet 2011 et n°4579 du 15 Juillet 2011) produites respectivement par le Chef d’Antenne de l’IGM et le Directeur Régional de l’Urbanisme et de l’Habitat du District de Bamako alors même que :
Les demandeurs disposent, à leur profit, de la décision non annulée n°26/AS du 15 Juin 2004 attributive de propriété (la Concession Urbaine à Usage d’Habitation) du Maire de la Commune I du District de Bamako ;
Que les Services Techniques de la Commission Domaniale de ladite Mairie attestent dans leur rapport d’expertise de l’existence de la parcelle N°TY/ 7 au nom de l’auteur des demandeurs distincte, elle, de la parcelle contiguë N°TY/ 6 au nom du défendeur;
Qu’aussi, en déclarant le défendeur au pourvoi propriétaire de la parcelle TY/7 de Ad sur le fondement unique de l’absence d’un plan non approuvé de lotissement de Ad dont se prévalent les demandeurs à l’exclusion de toute autre preuve produite dans le dossier de la procédure à la demande du premier Juge notamment les rapports d’expertise des Services Techniques de la Commission Domaniale de la Mairie de la Commune I du District de Bamako), les Juges d’appel, à l’instar du premier Juge, motivent insuffisamment leur décision et exposent ainsi leur arrêt à la censure de la Cour Suprême pour défaut de base légale ;
Que le moyen étant bien fondé, soutiennent-ils, il doit être favorablement accueilli.
-Sur le troisième moyen de cassation : Le manque ou le défaut de motivation :
Il est enfin reproché à l’arrêt attaqué le manque de motivation en ce sens que les Juges d’appel, dans leur motivation, ont écarté le rapport d’expertise technique produit dans le dossier de la procédure en exécution du Jugement Avant Dire Droit n°640 en date du 30 Octobre du premier Juge au profit des correspondances versées au dossier par l’Institut Géographique du Mali (IGM) et la Direction Régionale de l’Urbanisme et de l’Habitat de Bamako et qu’ils font dès lors encourir à leur arrêt la censure de la Cour Suprême pour manque de motivation ;
Que les demandeurs soutiennent que le moyen doit être favorablement accueilli.
II – ANALYSE DES MOYENS :
1-Sur le premier moyen : la violation de l’article 544 du Code Civil Français :
Attendu qu’aux termes de l’article 88. 1 de la Loi N°2016-046 du 23 Septembre 2016 portant sur L’Organisation, les Règles de Fonctionnement de la Cour Suprême et la Procédure Suivie devant Elle, la violation de la loi constitue un cas d’ouverture à cassation ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir retenu que l’intimé Am Ah est propriétaire de la parcelle N° TY/7 du lotissement de Sirakoro et d’avoir fait droit à la demande de celui-ci en ordonnant l’expulsion des appelants et en ordonnant la démolition des ouvrages faits par eux bien que, d’une part, ces derniers disposent d’une décision administrative attributive de propriété non annulée et bien que, d’autre part, les rapports d’expertise des Services Domaniaux de la Mairie de la Commune I du District de Bamako concluent à l’existence distincte et contiguë des parcelles N° TY/6 et N° TY/7 au nom respectivement de l’intimé et de feu Ak A, auteur des appelants et d’avoir ainsi violé, par refus d’application, l’article 544 du Code Civil Français ;
Attendu que l’article 544 du Code Civil dispose que : «La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ;
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt dont pourvoi la motivation suivante : « Considérant qu’aux termes de l’article 9 du CPCCS : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; Considérant que Ac B se prévaut du plan projet de Ad, objet de la décision N°26/AS du 15 Juin 2004 de la Commune I du District de Bamako ; Que ledit plan n’étant pas encore approuvé ainsi qu’il résulte des correspondances N°4579 du 15 Juillet 2011 et 0596 du 22 Juillet 2011 respectivement du Directeur Régional de l’Urbanisme et de l’Habitat du District de Bamako et du Chef d’Antenne de l’IGM, Ac B est mal fondée à réclamer quelque droit sur la base dudit plan projet ; Qu’il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris comme procédant d’une bonne analyse des faits de la cause et d’une saine application de la loi » ;
Mais attendu que les Juges d’appel n’étaient pas saisis, à titre principal d’une action en cessation de trouble à la jouissance d’une propriété privée, mais plutôt d’une action en réclamation de parcelle et donc d’une action en déclaration de propriété ;
Que les Juges d’appel ayant retenu que les appelants n’ont pas apporté la preuve de leur propriété sur la parcelle litigieuse, le plan projet ayant servi de fondement à la décision administrative dont se prévalent ces derniers, n’en étant pas une, n’ont pas violé l’article 544 du code précité par refus d’application dudit texte de loi puisque les faits de la cause ne rentrent pas dans son champ d’application mais qu’ils rentrent plutôt dans celui de l’article 9 du CPCCS ;
Que le moyen soulevé est inopérant et doit être écarté ;
-Sur le deuxième moyen : le manque ou le défaut de base légale :
Attendu que le défaut de base légale, aux termes de l’article 88. 4 de la Loi Organique sur la Cour Suprême, est un cas d’ouverture à pourvoi et qu’il est constitué chaque fois qu’il y a une insuffisance de motivation qui touche, non la forme de la décision, mais plutôt le fond de celle-ci ; qu’il se conçoit tant en jurisprudence qu’en doctrine sous trois formes à savoir : l’incertitude quant au fonctionnement juridique de la décision, l’absence de constatation d’une condition d’application de la loi et enfin, l’insuffisance de recherche de tous les éléments de faits qui justifient l’application de la loi ;
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué la motivation suivante : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions » ; Considérant que Ac B se prévaut du plan projet de Ad, objet de la décision n°26/AS du 15 Juin 2004 de la Commune I du District de Bamako ; Que ledit plan n’étant pas encore approuvé ainsi qu’il résulte des correspondances n°4579 du 15 Juillet 2011 et 0596 du 22 Juillet 2011 respectivement du Directeur Régional de l’Urbanisme et de l’Habitat du District de Bamako et du Chef d’Antenne de l’IGM, Ac B est mal fondée à réclamer quelque droit sur la base dudit plan projet ; Qu’il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris comme procédant d’une bonne analyse des faits de la cause et d’une saine application de la loi » ;
Qu’ en motivant ainsi leur arrêt, les Juges d’appel s’ils indiquent le fondement du refus de reconnaître la propriété des appelants à savoir l’absence de plan projet approuvé, ils n’indiquent pas pour autant les éléments de droit et de fait justifiant l’octroi de la propriété réclamée à l’intimé Am Ah conformément à l’article 9 du CPCCS qui dispose que : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; Qu’en conséquence, cette insuffisance de de motivation de l’arrêt met la Cour dans l’impossibilité de vérifier la régularité de la règle de droit appliquée et établit le défaut de base légale ;
Que le moyen est bien fondé et doit en conséquence être retenu ;
-Sur le troisième moyen : le défaut de motivation :
Les demandeurs reprochent enfin à l’arrêt attaqué le défaut de motivation ;
Mais attendu que le défaut de motivation n’est pas prévu comme un cas d’ouverture à cassation par l’article 88 de la Loi Organique sur la Cour Suprême ;
Qu’il ne saurait être reçu, comme cela est admis en jurisprudence qu’en doctrine, que comme étant un vice de forme touchant la décision ou une insuffisance de motivation constitutive d’un défaut de base légale ; qui touche le fond de la décision et se distingue en conséquence du défaut de motifs ;
Que c’est pourquoi, analysé sous l’angle de l’insuffisance de motivation ou de défaut de base légale, le articulé moyen est sans objet puisque déjà développé dans le précédant moyen ;
Qu’il y a lieu de le rejeter.
PAR CES MOTIFS :
La Cour :
En la Forme : Reçoit le pourvoi ;
Au Fond : Casse et annule l’arrêt déféré
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Bamako autrement composée
Ordonne la restitution de l’amende de consignation
Met les dépens à la charge du trésor public.
Ainsi fait jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER
Suivent les signatures
Signé illisible
Gratis
Enregistré à Bamako, le 22/10/2020
Vol 44 Fol 39 N°1 Bordereau 1821
Reçu : Gratis
Le Chef de Centre III
Signé Illisible.
Pour Expédition Certifiée Conforme
Bamako, le 16 novembre 2020
LE GREFFIER EN CHEF
Maître OULARE Assanatou SAKILIBA
Médaillé du Mérite National