COUR SUPREPME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple- Un But- Une Foi
==========
CHAMBRE SOCIALE ============
==========
POURVOI N°40 du 02/06/2020
===========
ARRET N°06 du 09/03/2021
==========
NATURE : Réclamation de droits, restitution de reliquat
de salaire et application de la nouvelle grille et dommages-intérêts .
LA COUR SUPREME DU MALI
En son audience publique ordinaire du Mardi Neuf Mars deux mille Vingt et Un à laquelle siégeaient :
Monsieur Mohamadou BAKAYOKO, Président de la Chambre Sociale, Président ;
Monsieur Yacouba KONE, Conseiller à la Cour, membre ;
Monsieur Amadou Abdoulaye SANGHO, Conseiller à la Cour, membre ;
En présence de Monsieur Yaya KONE, Avocat Général de ladite Cour occupant le banc du Ministère public ;
Avec l’assistance de Maître Diènèba FOFANA, Greffier ;
A Rendu l’arrêt dont la teneur suit :
SUR LE POURVOI DE : Cabinet TOUREH et Associés, Avocats au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de ses clients Ad Aa A et autres, demandeurs ;
D’UNE PART,
CONTRE : L’arrêt n°125 du 31/10/2019 rendu par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako et la Poste du Mali, ayant pour conseil Maître Tidiane MANGARA, Avocat au Barreau du Mali, défenderesse ;
D’AUTRE PART,
Sur le rapport de Monsieur Mohamadou BAKAYOKO, Président de la Chambre Sociale, les conclusions écrites et orales de l’Avocat Général Yaya KONE ;
I- EN LA FORME :
Par acte de pourvoi n°40 du 02 Juin 2020 du Cabinet TOUREH et Associés , Avocats au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de ses clients Ad Aa A et autres, lequel déclare former pourvoi contre l’arrêt n°125 du 31/10/ 2019 rendu par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako dans une instance en assignation aux fins de réclamation de droits, restitution de reliquat de salaire et application de la nouvelle grille et dommages-intérêts qui oppose ses clients à la Poste du Mali ;
Les demandeurs au pourvoi étant dispensé du versement de l’amende de consignation s’agissant de la matière sociale, ont déposé un mémoire ampliatif, lequel notifié à la défenderesse y a répliqué ;
Le pourvoi en l’état est recevable pour avoir satisfait aux exigences de la loi.
II- Au fond :
Faits et procédure :
Par assignation en date du 13 Février 2018, Dame Ad Aa A et 25 autres ont saisi le tribunal du travail de Bamako aux fins de réclamation de droits, restitution de reliquat de salaire et application de la nouvelle grille et dommages-intérêts contre la Poste du Mali.
Par jugement n°225 du 19 Novembre 2018, le tribunal du travail de Bamako reçoit en la forme la demande de Ad Aa A et autres et au fond, la déclare mal justifiée et les en déboute ;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Sur appel de Ad Aa A et autres, la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako par arrêt confirmatif n°125 du 31 Octobre 2019 dispose en ses termes : En la forme : reçoit l’appel de Ad Aa A et autres
Au fond : confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Met les dépens à la charge du Trésor Public.
C’est contre cet arrêt dont pourvoi.
III- Exposé des moyens du pourvoi en cassation :
Attendu que les demandeurs au pourvoi reprochent à l’arrêt attaqué quatre moyens de cassation qui sont : la violation de la loi, le défaut de base légale, la dénaturation de l’écrit et le défaut de réponse aux conclusions des intimés.
A- Premier moyen tiré de la violation de la loi :
Attendu que les mémorants sollicitent l’application des dispositions légales de l’article L.77 du code du travail qui dispose : « Dans tous les établissements compris dans le champ d’application d’une convention collective, les dispositions de cette convention s’imposent, sauf dispositions moins favorables pour les travailleurs aux rapports nés des contrats individuels » ;
Que le jugement lui-même reconnait un déséquilibre notoire dans l’application de la décision d’augmentation de salaire pour laquelle une diminution drastique des salaires des mémorants a été constatée ;
Qu’ailleurs les mémorants ont évoqué l’application des dispositions de l’article L.95 nouveau de la loi n°2047-021 du 12 Juin 2017 portant modification du code du travail qui dispose : « Tout employeur est tenu d’assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’égalité de la rémunération entre les salariés quel que soit leur origine, leur sexe, leur âge, leur statut, leur handicap, dans les conditions prévues au présent chapitre » ;
Qu’il y a lieu de faire constater que le salaire de base des mémorants a bel et bien fait l’objet de diminution ; qu’en conséquence l’arrêt querellé mérite la censure pour violation de la loi sociale.
B- Deuxième moyen tiré du défaut de base légale :
Qu’en l’espèce une simple lecture même superficielle de l’arrêt entrepris permet de se rendre compte que la décision du juge n’est adossée à l’application d’aucune disposition légale, ni aucune règle de droit qui lui serve de fondement comme l’exige la loi ;
Que l’arrêt de la Cour d’Appel manque de base légale car il est caractérisé par une absence totale de motif qui permet pas de dire qu’elle a été la règle de droit appliquée par les juges du fond ;
Qu’il convient alors pour la cour d’accueillir favorablement ce second moyen.
C- Troisième moyen tiré de la dénaturation de l’écrit :
Qu’on entend par « dénaturation » le fait par le juge de modifier sous prétexte de l’interpréter le sens clair et précis d’une clause d’un contrat, d’un fait clairement établi ou d’une disposition légale ;
Qu’en l’espèce, il est indéniable que la preuve de la diminution du montant du salaire de base des mémorants a été clairement établie à travers les bulletins de salaire versés au dossier ;
Qu’il ressort des pièces produites au dossier, une diminution réelle des salaires des mémorants ;
Qu’il convient de casser l’arrêt n°125/2019 du 31/10/2019 pour dénaturation de l’écrit ;
D- Quatrième moyen tiré du défaut de réponse aux conclusions des travailleurs :
En ce qu’en l’espèce, il est indéniable que l’arrêt n°125/2019 du 31/10/2019 ne s’est jamais prononcé sur la méconnaissance totale des recommandations de l’administration du travail qui a rapporté dans sa correspondance, le déséquilibre et même l’inadéquation de cette grille tout en l’invitant à réparer ce préjudice manifestement illégal causé, mais sans succès ;
Que ni le jugement d’instance, encore moins en cause d’appel il n’a été question sur cette rubrique ;
Que cette omission constitue le défaut de réponse aux conclusions au sens de l’article 88 précité qui mérite la censure de la cour ;
Que le 4ème moyen doit être accueilli ;
Attendu que la défenderesse au pourvoi a conclu au rejet pur et simple du pourvoi.
III- Analyse des moyens du pourvoi en cassation :
1er moyen tiré de la violation de la loi :
Attendu que les demandeurs au pourvoi invoquent comme violation de la loi notamment celle de l’article L.77 du code du travail qui dispose que « sont soumises aux obligations de la convention collective toutes les personnes qui l’ont signées ou qui sont membres des organisations signataires. La convention lie également les organisations qui lui donnent leur adhésion, ainsi que tous ceux qui, à un moment quelconque, deviennent membres de ces organisations ;
Lorsque l’employeur est lié par une convention collective, les clauses de cette convention s’appliquent aux contrats de travail conclus par lui ;
Dans tout établissement compris dans le champ d’application d’une convention collective, les dispositions de cette convention s’imposent sauf disposition moins favorable pour les travailleurs aux rapports nés des contrats individuels » d’une part et d’autre part celle de l’article L.95 nouveau qui est relative à l’égalité de traitement entre tous les salariés d’une même entreprise.
Or dans le cas de l’espèce la violation des articles 77 et L.95 n‘est pas une violation car l’arrêt querellé n’a nullement violé ces articles suscités.
Attendu que comme indiqué dans le dossier il n’a jamais été question d’une quelconque augmentation de salaire ni dans les correspondances encore moins dans les rapports produits par les experts ; qu’il était question de litige de correction de la grille salariale ;
Que c’est pour corriger un écart de traitement, une injustice sociale, que l’adoption d’une grille corrigée fut non seulement sollicitée par les syndicats, acceptée par le ministre d’alors et appliquée par la Direction de la Poste et cela à bon droit.
Que l’arrêt incriminé qui a confirmé le premier jugement rendu sur la base de cette grille corrigée n’a au demeurant commis aucune violation des articles suscités ;
Que cette grille corrigée n’a jamais été une grille d’augmentation, qu’en tout état de cause ce moyen de violation des articles 77 et L.95 est inopérant et ne peut être accueilli.
- Deuxième moyen tiré du défaut de base légale :
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de n’être pas adossé à une disposition légale et qu’en conséquence il mérite la censure de la cour ;
Or, contrairement à l’argumentaire de Ad Aa A et autres d’innombrables arguments au demeurant ont été évoqués ; qu’il suffit de faire une lecture attentive pour s’en rendre compte ; qu’à cet effet pour rejeter les demandeurs au pourvoi de leurs recours, l’arrêt querellé a précisé : « Considérant qu’il est incontestable que ce sont les appelants qui ont bénéficié de ces salaires exorbitants et injustifiés au détriment des 300 autres travailleurs de la poste. Que naturellement, avec la correction, d’ailleurs sollicitée à l’époque par l’ensemble des salariés ; ceux-ci ont vu leurs salaires de base plus valorisés par rapport à celui des autres ;
Que parallèlement, cette hausse a varié tant à l’intérieur d’une même catégorie qu’entre catégorie selon le niveau du salaire de base incriminé ; qu’en l’espèce, il n’y a eu aucun coefficient uniforme appliqué ; que dans le souci de ne pas recréer et de réinstaurer l’ancienne discrimination salariale décriée à la poste » ;
Qu’en tout état de cause une telle décision si bien structurée ne peut nullement être qualifiée de décision non motivée ou insuffisamment motivée ;
Qu’il sied de rejeter ce second moyen.
- Troisième moyen tiré de la dénaturation de l’écrit :
Attendu que ce 3ème moyen est aussi impertinent que les deux premiers, après analyse des pièces produites la cour a indiqué « Que l’analyse de quelques bulletins de salaire produit par Ad Aa A at autres pour justifier leurs prétentions la preuve d’une dénaturation de leurs salaires de base n’est pas établie ; qu’il ne saurait en être autrement dans la mesure où tous les travaux des experts des deux commissions chargées d’équilibrer les salaires ont strictement recommandé la SAUVEGARDE DES ACQUIS ; que la réalité est que les appelants tentent de créer la confusion en produisant des bulletins de salaire relatif à la nouvelle grille corrigée et aussi pendant la période de suspension de cette grille quand les salariés sont retournés à l’ancienne grille avant Novembre 2015 . Qu’il est aussi vérifié qu’aucune diminution de salaire ne figure sur la grille corrigée même s’il est exact que la correction apportée a varié en taux de hausse selon le montant des salaires de base ; que tel est le propre d’une correction ou d’un réajustement de salaire initié en vue de corriger les écarts énormes et injustifiés qui existaient tant à l’intérieur d’une même catégorie qu’entre les différentes catégories qu’il aurait fallu tout simplement pour que chaque appelant de fournir ses bulletins de salaire d’Octobre 2015 (ancienne grille) et de Novembre 2015 (date d’application de la grille corrigée pour permettre de constater ; s’il y a effectivement des diminutions à la suite de l’avènement de la grille consensuelle ;
Qu’en s’abstenant de le faire, les demandeurs n’offrent pas d’élément suffisant d’appréciation ; qu’en ne portant pas atteinte aux droits acquis, l’employeur qui porte correction sur des écarts exorbitants et injustifiés entre le salaire de base de ses travailleurs pour les réajuster afin de mettre un terme à une injustice sociale, ne dénature aucun écrit au demeurant ;
C’est cette analyse juridique des corrections et réajustement apportées qui paraissent aux yeux de Ad Aa A et autres comme une dénaturation de l’écrit ; qu’en tout état de cause ce 3ème moyen est inopérant et est à rejeter.
- Quatrième moyen tiré du défaut de réponse aux conclusions :
Attendu qu’il appert clairement que c’est en désespoir de cause que ce dernier moyen quand bien même inopérant est soulevé ; qu’il ressort aussi bien dans le jugement adopté que les juges ont indiqué que les droits acquis des travailleurs sont préservés ;
Or l’inspecteur du travail n’avait rien d’autre signalé que la préservation des droits acquis des travailleurs, laquelle préservation des droits des travailleurs a été reprise dans l’arrêt querellé au profit de Ad Aa A et autres ; en ce moment il devient inutile sinon incompréhensible de dire que l’arrêt querellé n’a pas répondu aux conclusions des appelants quant aux droits acquis ; qu’en conséquence il faut en tirer la conclusion que ce dernier moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Le rejette purement et simplement ;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et ans que dessous.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
Suivent les signatures
Signé illisible
GRATIS
Enregistré à Bamako, le 18/03/2021
Vol.45 Fol 12 N°04 Bordereau 430
Reçu : GRATIS
Le Chef de Centre III
Signé illisible
En conséquence, la République du Mali mande et ordonne à tous Huissiers et Agents sur ce requis de mettre à exécution ledit arrêt aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les Cours et les Tribunaux de Première Instance d’y tenir la main, à tous Commandants et Officiers de la force Publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé, scellé et délivré par nous, Maître OULARE Assanatou SAKILIBA Greffier en Chef de la Cour Suprême pour servir de première grosse à la Poste du Mali, ayant pour conseil Maître Tidiane MANGARA, Avocat inscrit au Barreau du Mali.
Bamako, le 25 Mars 2021
LE GREFFIER EN CHEF
Mme OULARE Assanatou SAKILIBA
Médaillée du Mérite National