COUR SUPREME REPUBLIQUE DU MALI SECTION JUDICIAIRE Un Peuple-Un But-Une Foi CHAMBRE DES REFERES ========== ========== POURVOI N°63 du 22 Octobre 2021.
========== ARRET N°93 du 16 Mars 2023.
========== NATURE : Opposition à Ordonnance de taxation d’honoraires. La Cour Suprême du Mali a, en son audience publique ordinaire du Seize Mars Deux Mille Vingt-Trois, à laquelle siégeaient : Monsieur Fatoma THERA, Président de la Cour Suprême, Président ; Monsieur Bamassa SISSOKO, Conseiller à la Cour, Membre ;
Monsieur Noumadi KANTE, Conseiller à la Cour, Membre ;
En présence de Monsieur Amadou Tidiane DIAKITE, Avocat Général près ladite Cour, occupant le banc du Ministère Public ;
Avec l’assistance de Maître Souleymane SAMAKE, Greffier ; Rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Sur le pourvoi de Maître Hamadoun YATTARA, Avocat inscrit au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de la Société Civile Professionnelle d’Avocats YATTARA-SANGARE, en abrégé SCPA YATTARA-SANGARE, Cabinet d’Avocats inscrits au Barreau du Mali, sise à l’immeuble ABK 1, Avenue Ab Ad, ACI 2000, 2ème étage, Bureau 207 Bamako, demanderesse d’une part ; Contre : l’Ordonnance N°41 du 29 Juillet 2021 du Premier Président de la Cour d’Appel de Bamako ayant infirmé l’Ordonnance de taxation n°009/OA/BAT/MSMC/21 du 06 Mai 2021 du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Mali et la Société Eléphant-Vert Mali-SA, Société Anonyme de droit malien, sise à Hamdallaye, Zone ACI-2000, Avenue de Tombouctou, Immeuble Aa, immatriculée au RCCM sous le n°2012-B-0379 Bamako, BP : E.2805, ayant son siège social à Hamdallaye ACI-2000, immeuble SONAVIE Bamako, ayant pour Conseil Maître Mahamadou TRAORE, Avocat inscrit au Barreau du Mali, défenderesse d’autre Part. Sur le rapport de Monsieur Amadou Abdoulaye SANGHO, Président de la Section Judiciaire de la Cour Suprême et les conclusions écrites de l’Avocat général Karamoko DIAKITE et orales de l’Avocat Général Amadou Tidiane DIAKITE. Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme :
Par acte au greffe en date du 22 octobre 2022 de Maître Hamadoun YATTARA, avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de la Société Civile Professionnelle d’Avocats YATTARA/SANGARE déclare former pourvoi contre l’ordonnance numéro 41 du 29 juillet 2021, rendu par le premier président de la Cour d’Appel de Bamako dans une procédure d’opposition à ordonnance de taxation, opposant celle-ci à la Société « Eléphant vert Mali-sa) Le demandeur a acquitté la consignation prévue par la loi, cf. certificat de dépôt numéro 410 du 26 mai 2022, délivré au greffe.
Son Conseil a produit un mémoire ampliatif, enregistré sous le numéro 1915 du 09 juin 2022 ;
Le pourvoi est recevable, en la forme. Au fond :
A. Faits et procédures :
A Bamako, le 25 juin 2018 fut conclue, entre la Société Eléphant vert Mali-sa et la Société Civile Professionnelle d’Avocats YATTARA/SANGARE une convention d’abonnement d’assistance juridique et judiciaire C’est dans ce cadre que la SCP YATTARA-SANGARE a été chargée par la Société Eléphant vert d’un contentieux l’opposant à la Société Phoenix Group Burkina A ;
Le contentieux a pour objet le recouvrement de sommes d’argent, envers la Société Phoenix Group ;
Les parties, après plusieurs heures d’échange et de discussion, sous l’égide de leurs conseils finirent par s’accorder autour d’un protocole d’accord par lequel Ae Ac s’engagea à payer 344.467.000 de francs Cf au profit de la Société Eléphant vert Mali-SA ;
Aussi la SCP YATTARA sollicita et obtint, suivant ordonnance numéro 009/OD/BAT/MSMC/21 du 06 mai 2021 du bâtonnier de l’ordre des avocats, la taxation à la somme de 34.446.675 de francs de ses honoraires ;
Maître Mahamadou TRAORE, Conseil de la Société Eléphant vert, par lettre, en date du 26 mai 2021, adressée au président de la Cour d’Appel de Bamako déclara former recours en opposition contre ladite ordonnance ;
Le président de la Cour d’Appel, par ordonnance, numéro 41 du 29 juillet 2021 déclara l’opposition bien fondée, infirma l’ordonnance, entreprise et statuant à nouveau débouta YATTARA-SANGARE de sa demande ; Exposé des moyens de cassation La Société Civile Professionnelle d’Avocats YATTARA-SANGARE soulève un seul moyen de cassation, la violation de la loi, en deux branches. Première branche : La violation de l’article 55 du règlement n° 05-CM/UEMOA du 25 septembre 2014, de l’article 68 du règlement intérieur du barreau du Mali, et de l’article 77 de la loi n° 87-31/ANRA du 29 aout 1987 portant régime général des obligations.
Il est fait grief à l’ordonnance n° 41 du 29 juillet 2021 du président de la Cour d’Appel de Bamako d’avoir débouté la SCP YATTARA-SANGARE de sa demande d’honoraires au motif que « l’ordonnance de taxation du bâtonnier n’est pas relative à des honoraires, concernant un recouvrement de sommes d’argent , mais entre dans le cadre de la mission générale d’assistance et de conseil dont tous les frais ont été payés au fur et à mesure du déroulement de ladite mission et que pour les raisons il y a lieu d’infirmer l’ordonnance, entreprise et de débouter la SCP YATARRA-SANGARE de sa demande » ;
Alors qu’il ressort des pièces versées aux débats par la SCP YATTARA-SANGARE qu’elle et sa cliente, la Société Eléphant vert Mali-sa étaient liées par une convention d’assistance juridique et judiciaire qui, en son article 10 a prévu le paiement des honoraires forfaitaires annuels de dix millions payables, en trois règlements trimestriels ;
La même convention, en son article 12 a prévu le paiement d’honoraires complémentaires de résultats, en cas de recouvrement ;
Qu’aux termes de l’article 68 du règlement intérieur du barreau « est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu » ;
Qu’aussi, il ressort de l’article 77 du régime général des obligations que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise ;
Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; Deuxième branche :
La dénaturation de la convention des parties Il est fait grief à l’ordonnance, d’avoir donné au contenu de la convention d’assistance, signée par les parties un sens , autre que celui que les parties ont entendu lui donner ; notamment , en son article 12 ; en soutenant « qu’en l’espèce, il ressort des éléments du dossier que la convention d’abonnement du 25 juin 2018, signée entre la Société Eléphant vert Mali-sa et la SCP YATTARRA-SANGARE a fixé les frais, les conditions de voyage et les montants devant revenir aux conseils en cas de recouvrement de somme d’argent dans ses articles 11 et 12 ;
Que cependant l’article 12 ne parle que de recouvrement de sommes d’argent où les honoraires vont de 10% jusqu’à 500 millions, 5% entre 500 millions et un milliard et 3% au-delà du milliard ;
Que l’ordonnance de taxation querellée n’est pas relative à des honoraires concernant de somme d’argent, mais entre dans cadre de la mission générale d’assistance et de conseil dont tous les frais ont été payés au fur et à mesure du déroulement de ladite mission » d’avoir donné au contenu de la convention d’assistance, signée par les parties un sens autre que celui que les parties ont entendu lui donner, notamment, en son article 12 qui, pourtant a bien précisé « le conseil perçoit, en sus des honoraires complémentaires en cas de recouvrement de somme d’argent » ;
La juridiction du président a, sciemment occulté l’expression ; « en sus » et donné à l’expression « honoraires de recouvrement » un sens qui n’est pas le sien ;
Le demandant, enfin conclut à la cassation sans renvoi de l’ordonnance déférée par application de l’article 651 du code de procédure civile, commerciale et sociale, lequel dispose que « la Cour Suprême peut casser sans renvoi lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond »,
Le présent mémoire, communiqué, le 20 juin 2022 à Maître Mahamadou TRAORE, conseil du défendeur n’a pas fait l’objet de réplique ; III. Analyse de l’unique moyen de cassation :
Le demandeur invoque un seul moyen de cassation, la violation de la loi, en deux branches. Première branche : La violation de l’article 55 du règlement numéro 05-CM/UEMOA du 25 septembre 2014, de l’article 68 du règlement intérieur du barreau et l’article 77 de la loi numéro 87-31/AMRA du 29 aout 1987 portant régime général des obligations :
Vu l’article 55 du règlement numéro 05-CM /UEMOA du 25 septembre 2014, disposant « les honoraires de l’avocat au titre de ses prétentions sont librement fixés par l’avocat et son client.
Ils peuvent faire l’objet d’une convention écrite » ;
Attendu que la Société « Eléphant vert et la SCP YATTARA/SANGARE, le 25 juin 2018 ont conclu une convention d’abonnement d’assistance juridique et judiciaire ;
Que la SCP YATTARA-SANGARE demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt déféré la violation de la loi, par refus d’application de cette convention ; Attendu que des stipulations de l’article 12 de ladite convention, il ressort « qu’en cas de recouvrement de sommes d’argent, le conseil perçoit, en sus des honoraires complémentaires HIVA pour les sommes recouvrées, ainsi qu’il suit :
Jusqu’à 500 millions de francs cf : 10% ;
De 500 millions à un milliard : 5% ;
Au-delà d’un milliard : 3%.
Que le bâtonnier de l’ordre des avocats, par application de ce texte de la loi a taxé et fixé à 34.446.675 de francs cf les honoraires de la SCP YATTARA/SANGARE. Attendu que l’ordonnance, du premier président de la Cour d’Appel a pour motivation que l’ordonnance de taxation « du bâtonnier » n’est pas relative à des honoraires, issus d’un recouvrement de somme d’argent, mais entre dans la mission finale d’assistance et de conseil dont tous les frais ont été payés au fur et à mesure du déroulement de ladite mission ;
Ce qui, selon l’ordonnance revient à dire que le fait pour la SCP YATTARA/SANGARE d’avoir assisté la Société Eléphant vert dans l’élaboration du protocole d’accord, ne peut pas être assimilé à un recouvrement de somme d’argent.
Attendu que la société Eléphant vert et la Société Phoenix Group, étaient en relation d’affaires ; qu’un contrat de distribution de bio fertilisant les liait ;
Que la Société Phoenix Group achetait des produits et en assurait la revente Que la signature du protocole, sous l’égide de la SCP YATTAR/SANGARE est intervenue suite à l’impossibilité, pour Eléphant vert de recouvrer sa créance ;
Que ceci a permis à Eléphant vert de récupérer 2.293 tonnes de produit d’une valeur de 344.446.750 de francs CFA.
Que la signature d’un tel protocole est assimilable à un recouvrement ; Attendu qu’aux termes de l’article 12 de la convention d’abonnement, liant la Société Eléphant vert à SCP YATTARA/SANGARE « en cas de recouvrement de sommes d’argent le conseil perçoit, en sus des honoraires complémentaires HIVA, sur les sommes recouvrées, ainsi qu’il suit ... jusqu’à 500millions :10%... » ; Attendu que la fixation et taxation à 34.446.675 de francs cf des honoraires dus à la SCP YATTARA/SANGARE pour le bâtonnier de l’ordre des avocats procède d’une saine application des clauses de la convention, liant les deux parties ;
Que cette branche du moyen est bien fondée ; Deuxième branche : La dénaturation de la convention.
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance, déférée d’avoir donné à la convention, conclue, entre la société « Eléphant vert » et la SCP YATTARA/SANGARE un sens autre que le sien, en considérant, notamment que l’ordonnance du bâtonnier entre dans le cadre de la mission générale d’assistance et de conseil, qu’elle n’est pas relative à des honoraires concernant un recouvrement de somme d’argent ; Attendu qu’il n’est point contesté que la Société Phoenix Group était débitrice de somme d’argent à l’égard de la Société Eléphant vert ;
Que c’est dans le cadre du recouvrement de cette somme qu’un accord transactionnel, ayant permis à Eléphant vert d’obtenir de Phoenix Group 2.293 tonnes de produits, d’une valeur de 344.446.750 de francs, en paiement de sa créance a été signé, sous l’égide de la SCP YATTARA/SANGARE ; Attendu que la perception par Eléphant vert de ces produits, estimés à 344.446.750, réussi suite à son assistance, par la SCP YATTARA/SANGARE, du point de vue de l’arrêt ne saurait justifier l’attribution à celle-ci des honoraires, prévus à l’article 12 de la convention, liant les parties, au motif que le recouvrement, effectué a porté sur la somme de 344.446.750 de francs CF, payée en nature ;
Qu’il en résulte qu’un tel raisonnement procède d’une pure dénaturation des faits Que le moyen est bienfondé. Sur la cassation sans renvoi Attendu que la Cour Suprême, aux termes de l’article 164 de la loi numéro 046 du 23 septembre 2016 peut casser, sans renvoi « lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond… » ; Attendu, qu’au vu de ce qui précède, l’ordonnance numéro 009/OA/BAT du 06 mai 2021 procéda d’une bonne appréciation des faits et d’une saine application du règlement numéro 05/CM-UEMOA du 25 septembre 2014, du règlement intérieur du barreau du Mali et enfin de la convention d’abonnement, signée le 25 juin 2018, entre la Société Eléphant vert et la Société Civile Professionnelle d’avocats YATTARA/SANGARE ; PAR CES MOTIFS La Cour,
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Casse et annule l’arrêt déféré ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
Dit que l’Ordonnance n°009/OA/BAT/MSMC/21 du 06 Mai 2021 produit ses pleins et entiers effets ;
Ordonne la restitution de l’amende de consignation ;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.