La Cour,
Vu l'article 1er,alinéa 6, du dahir du 2 rebia I 1377, disposant que « La Cour suprême connaît des règlements de juges entre juridictions n'ayant au-dessus d'elles aucune juridiction supérieure commune autre que la cour suprême » ;
Attendu que par ordonnance du 30 janvier 1957, du juge d'instruction du tribunal de Marrakech, Ahmed ben Bouchaib ben seddik a été renvoyé devant le tribunal de paix de Marrakech statuant en matière correctionnelle, comme prévenu d'infraction au code de la route , blessures par imprudence, délit de fuite défaut de certificat de capacité ;
Attendu que par jugement du 8 octobre 1957, ce tribunal s'est déclaré incompétent par le motif que le prévenu était domicilié à Safi, que les faits incriminés avaient été commis à Safi, et que d'autre part le prévenu n'avait pas été trouvé dans le ressort du tribunal de paix de Marrakech ;
Attendu que le jugement du tribunal de paix de Marrakech est devenu définitif par la renonciation du Procureur général à son droit d'appel ;
Attendu que, de l'ordonnance du juge d'instruction et de la décision susmentionnée, contraires entre elles et qui ne sont plus susceptibles d'être réformées par les voies ordinaires, résulte un conflit négatif de juridiction ;
Que par requête du 8 janvier 1958, le procureur, commissaire du Gouvernement près le tribunal de première instance de Marrakech s'est pourvu en règlement de juge devant la chambre criminelle de la Cour suprême,
Mais attendu que les deux juridictions dont les décisions contradictoires forment le conflit négatif, sont l'une et l'autre des juridictions situées dans le ressort de la Cour d'appel de Rabat dont elles relèvent toutes deux hiérarchiquement en application de la législation sur l'organisation judiciaire ; que cette Cour d'appel constitue donc leur juridiction supérieure commune, au sens de l'article 1er, alinéa 6, du dahir du 2 rebia I 1377 ;
Que cette constatation suffit à justifier l'incompétence de la Cour suprême ;
PAR CES MOTIFS
Constate qu'il existe pour régler de juges une juridiction supérieure autre que la Cour suprême.
Se déclare en conséquence incompétente.
Renvoie le ministère public, demandeur. à se pourvoir ainsi qu'il avisera.
Président : M. Ad. - Rapporteur : M. Ab. - Avocat général : M. Aa.a.
Observations
L'arrêt ci dessus rapporté, rendu avant l'entrée en vigueur du dahir du 1er chaabane 1378 (10 février 1959) formant Code de procédure pénale, fait application de l'art. 1er, 60 du dahir du 2 rebia I 1377 (27 septembre 1957), en vertu duquel la Cour suprême connaît des règlements de juges, en cas de conflit positif ou négatif, entre juridictions n'ayant au dessus d'elles aucune autre juridiction supérieure commune.
Cette règle a été reprise par l'al. 3 de l'art. 264 du dahir du 1er chaabane 1378 (10 février 1959) formant C. proc. pén, qui dispose que « à défaut de juridiction supérieure commune, tout conflit entre juridictions d'instruction et de jugement, ordinaire ou d'exception, est porté devant la Chambre criminelle de la Cour suprême ».
Sur le règlement de juges en cas de conflit négatif de juridiction, v.Rép. Crim, V° Règlement de juges par Ae Ac, nos 14 à 20, Rép. prat. et Nouv. Rép, eod. v° ; Donnedieu de Vabres, n° 1203 ; Bouzat, n° 1055.
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