9-57/58
Ag A Af ben Ali c/ Aa Ad Ab et Aa ben Saïd.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 26 octobre 1957.
(Extrait)
La Cour,
SUR LES DEUXIEME ET QUATRIEME MOYENS REUNIS:
Vu l'article 230 du dahir des obligations et contrats et le dahir du 2 chaoual 1374;
Attendu que par acte adoulaire, produit, de 14 joumada I 1375 (29 décembre 1955) Ag A Af ben Ali de nationalité française, propriétaire d'un fonds de commerce de café maure sis à Fès, a donné ce fonds à bail à deux associés, Aa Ad Ab Ad Ae Ac et Aa Ad Ae Ac ; que le bail était consenti pour un an ;
Attendu qu'après l'expiration du bail les locataires se sont maintenus dans les lieux; que la Cour d'appel a infirmé l'ordonnance de référé, expulsant les consorts Ac comme occupants sans droit ni titre, au double motif qu'ils étaient «locataires d'un local à usage de café maure» et que «pour tous les baux que régit le dahir du 24 mai 1955, le bail même à durée déterminée, ne peut cesser que par l'effet d'un congé notifié.au moins six mois à l'avance» ;
Mais attendu, d'une part que la location portait, non sur un local à usage de café maure, mais sur un fonds de commerce ; que la Cour d'appel n'a pu statuer ainsi qu'elle l'a fait sans dénaturer l'acte adoulaire et, par suite, violer l'article 230 de dahir des obligations et contrats
Attendu, d'autre part, que le dahir de 2 chaoual 1374 (24 mai 1955) relatif aux baux d'immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal, ne régit pas les baux des fonds de commerce ; qu'ainsi la Cour d'appel a faussement appliqué, et par suite violé le dahir précité ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il soit besoin de statuer sur le troisième moyen, Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Hauw-Avocat général: M Bocquet. Avocats: MM Benchétrit.
Observations
I-La dénaturation par les juges de fait des stipulations claires et précises d'un contrat donne ouverture à cassation.
Echappe au contraire à la censure de la Cour suprême l'interprétations des clauses obscures, ambiguës ou contradictoires d'un contrat (V infra note I sous l'arrêt n°135). Cependant le juge de cassation conserve le contrôle des conséquences juridiques que les juges du fait ont tirées de leur interprétation de la commune intention des parties et en particulier de la qualification qu'ils ont donné au contrat en fonction de cette interprétation. V Besson, n°1510 et s ; Rép.civ, V° Contrats et conventions, n.91 et s).
II-Le Dh. 24 mai 1955 régit les baux d'immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal et ses dispositions ne peuvent être étendues aux locations de fonds de commerce (dans le même sens, notamment: arrêt 234-58/59 du 16 juin 1959).