10-58/59
Consorts Aa c/ société «Boulangerie pâtisserie Viennoise».
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 19 juin 1957.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN:
Attendu qu'il est fait grief à cette décision d'avoir violé l'article 19 du dahir de 5 rebia I 1367 (17 janvier 1948) en opposant aux propriétaires la fin de non recevoir à l'exercice du droit de résipiscence tirée du fait que la société locataire s'était «relogée», alors que cette fin de non recevoir ne peut être opposée que si le «relogement» est postérieur à la fixation de l'indemnité d'éviction et qu'en l'espèce la société avait installé son nouveau fonds de commerce plusieurs mois avant que n'intervienne le jugement qui devait lui accorder l'indemnité ;
Mais attendu qu'il suffit, pour que l'exercice du droit de résipiscence soit paralysé, que le locataire ait déjà, au moment où le propriétaire manifeste le désir d'exercer ce droit, loué ou acheté un autre local, et que cet achat ou cette location ait été provoqué par le refus de renouvellement du bail ; que rien n'impose au locataire l'obligation d'attendre, pour prendre des dispositions en vue de sa réinstallation, que le montant de l'indemnité à laquelle il peut prétendre ait été fixé ;
Or attendu que l'arrêt attaqué énonce que le congé a été donné le 15 avril 1949 et que le 3 janvier 1950 la société a obtenu la permission de construire un immeuble en vue d'y exercer un commerce de boulangerie ; qu'il constate en outre que les consorts Aa ont reconnu, au cours de la procédure à laquelle avait donné lieu en 1953 leur appel de l'ordonnance de référé, que la société exploitait dans l'immeuble qu'elle avait fait bâtir un fonds de commerce de boulangerie dit «Boulangerie Viennoise» ;
Que la Cour d'appel a ainsi constaté de manière non équivoque que la société avait fait construire pour se réinstaller à la suite du refus de renouvellement de son bail que lui avaient signifié les consorts Aa ;
D'où il suit que le premier moyen n'est pas fondé ;
SUR LE SECOND MOYEN:
Attendu que les consorts Aa reprochent d'autre part à l'arrêt attaqué d'avoir également violé le texte visé au pourvoi en ce que, alors qu'il prévoit seulement l'achat ou la location d'un nouveau local par le locataire évincé, la Cour d'appel a considéré que la construction d'un immeuble entraînait les mêmes conséquences. ;
Mais attendu que la Cour d'appel a déclaré à bon droit «qu'il n'existait aucune bonne raison de refuser au locataire évincé qui fait construire le bénéfice des dispositions légales protégeant le locataire qui a loué ou acheté un autre local puisque, en bâtissant, il sert l'intérêt général.».
Que le second moyen n'est donc pas mieux fondé que le premier ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: MMazoyer-Rapporteur: MHauw-Avocat général: M Af,-Avocats: MM Hazan, prat Espouey et Blain.
Observations
L'arrêt rapporté a été rendu sous l'empire de l'art 19 Dh. 17 janv 1948 qui a été abrogé et remplacé par le Dh. 24 mai 1955 ; mais les deux solutions adoptées sont valables sous la législation actuelle; en effet, sous réserve d'une modification du délai accordé au propriétaire pour manifester son intention de revenir sur son refus de renouveler le bail, les dispositions de l'art 32, al.5, Dh. 24 mai 1955 sont identiques à celle de l'art 19 susvisé.
Sur le droit de repentir du propriétaire, v notamment Rép Com V° Louage - Baux commerciaux par Ac Ab, René Mauss, Ad Ae, n. 297 et s.