31-58/59
Société Technique et Industrielle de Construction c/ société «Chamil».
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 28 mai 1957.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN:
Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir en violation des articles 185, 189 et 237 du dahir formant Code de procédure civile, omis de mentionner la lecture du rapport écrit établi par le magistrat rapporteur ;
Mais attendu que l'article 185 du dahir susvisé prescrit la lecture du rapport dans les seules affaires ayant fait l'objet d'une instruction conformément aux articles 155, 156 et 156bis, que tel n'étant pas le cas en l'espèce, aucune obligation légale n'imposait la lecture du rapport ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
MAIS SUR LE DEUXIEME MOYEN:
Vu l'article 134, alinéa 4, du dahir formant Code de commerce ainsi conçu: «l'acceptation suppose la provision» ;
Attendu que l'acceptation d'une lettre de change faisant présumer l'existence d'une provision valable dans les rapports du tireur et du tiré, c'est à celui-ci qu'il incombe d'en établir l'absence pour écarter l'action du tireur.
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure que la société «Chamil» a fait exécuter divers travaux dans un garage lui appartenant par la Société Technique et Industrielle de Casablanca (STIC) ; qu'après avoir versé la plus grande partie du prix des travaux, elle a accepté deux lettres de change émises par la STIC, s'élevant au total à 2010283 francs et représentant le solde de ce prix ;
Qu'elle n'en a pas réglé le montant à l'échéance fixée à la suite d'une prorogation de délai au 7 mars 1956 ;
Que la STIC l'a alors assignée en paiement de la somme ci-dessus indiquée ; que la société «Chamil», se prévalant alors de malfaçons qui auraient été découvertes postérieurement à l'exécution des travaux confiés à la STIC, a formé contre celle-ci une demande en dommages- intérêts en concluant qu'il fût sursis à statuer sur l'action de la STIC tant que le litige relatif auxdites malfaçons n'aurait pas reçu solution ; que l'arrêt confirmatif attaqué a fait droit à ces conclusions ; qu'il a donné pour motifs que la société «Chamil», tiré, déniant que les lettres de change avaient provision à la date du 7 mars 1956, la STIC, tireur, était tenue de prouver l'existence de la provision à cette date, qu'elle n'établissait pas qu'à l'échéance elle était créancière du montant des lettres de change, eu égard à la demande en dommages-intérêts introduite à son encontre par la société «Chamil» ;
Attendu qu'en statuant ainsi l'arrêt attaqué a renversé la charge de la preuve au préjudice du tireur, et en conséquence violé la disposition légale précitée ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi,
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Denoits-Avocat général: M CA B Aa, Mélia.
Observations
I-Dans le même sens, notamment arrêts: 72-58/59 du 14 janv 1959 ; 14-59/60 du 3 nov 1959 ; 82-60/61 du 17 nov 1961.
II-Sur la présomption établie par l'art 134, al 4 et 5, C com dont les dispositions sont identiques à celles de l'art 116 C com Français, et conformes à la «loi uniforme» adoptée par la conférence de Genève le 7 juin 1930, vnotamment Lescot n. 388 et s ; Rép.com, V° Lettre de change, n 154 et s.