Dossier n° 811
45-58/59
Ab Ac ben M'Bark c/ société des Anciens Ad Aa.a.
Cassation partielle d un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 22 octobre 1957.
(Extrait)
La Cour,
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MAIS SUR LE TROISIEME MOYEN:
Vu l'article 77 du dahir formant Code des obligations et contrats ;
Attendu que la défense à une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à réparation que Si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou une erreur équivalente au dol ;
Attendu que sans relever aucun fait de cette nature la Cour d'appel a condamné Ab Ac au paiement de la somme de 10000 francs à titre de dommages-intérêts envers les «Anciens Ad Aa» en se bornant à déclarer que cette société avait subi un préjudice du fait de la résistance du débiteur à l'action introduite contre lui ;
D'où il suit que de ce chef, l'arrêt attaqué manque de base légale ;
PAR CES MOTIFS
Casse... en ce que l'arrêt attaqué a condamné Ab Ac à payer aux «Anciens Ad Aa» la somme de 10000 francs à titre de dommages-intérêts.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Denoits-Avocat général: M Bocquet-Avocats: MM Portet, Couesnon.
Observations
Aux termes de l'art 94 C. obl. Contr. «il n'y a pas lieu à responsabilité civile lorsqu'une personne, sans intention de nuire, a fait ce qu'elle avait le droit de faire» ; cette disposition consacre législativement en droit marocain la théorie de l'abus de droit: il en résulte en effet, a contrario, que l'exercice d'un droit avec intention de nuire donne ouverture à une action en réparation au profit de celui qui en est la victime.
La Cour suprême a fait de nombreuses applications de ce principe à l'exercice d'une action en justice (notamment arrêts: 23-58/59 du 4 nov 1958 ; 70-59/60 du 13 janv 1960) ou à la résistance à une demande en justice (notamment arrêts 62-59/60 du 20 déc 1960 ; 56-63/64 du 26 nov 1963). Ainsi que cela résulte des termes de l'arrêt rapporté, elle exige que la condamnation indemnitaire de l'auteur de l'abus soit justifiée par des constatations de fait établissement que cette action ou cette résistance ont été exercées avec intention de nuire, malice ou mauvaise foi, ou constituent une faute équivalente au dol.
Elle emploie les mêmes formules lorsque, en application de l'art 36 du dahir du 27 sept 1957 relatif à la Cour suprême, elle se prononce sur la demande de dommages et intérêts formée devant elle, par le défendeur au pourvoi, pour recours abusif (v infra arrêts n 39, 114 et 130 et les arrêts cités sous l'arrêt n°39, note II). Ces formules sont d'ailleurs celles de la Cour de cassation française (v notamment Civ I, 5 avr 1954, Gaz.Pal.1954 1 379 ; Civ II, 6 févr 1957, D 1957 211 ; Civ IV, 4 févr 1960, B 129 Civ II, 20 mars 1961, B 252).