Cassation sur le pourvoi formé par Af et la Société Marocaine d'Assurances contre un jugement correctionnel confirmatif rendu par défaut contre le prévenu et contradictoirement à l'égard des autres parties en cause par lequel, d'une part, Verseillie a été condamné à 20000 francs d'amende pour blessures involontaires et contravention au Code de la route ainsi qu'à des réparations civiles, d'autre part Riportella a été déclaré civilement responsable de Verseillie, et la Société Marocaine d'Assurances substituée à Riportella.
La Cour,
SUR LA RECEVABILIE :
Attendu que Verseillie a été condamne par défaut à 20000 francs d'amende pour blessures par imprudence sur les personnes de Ah et de Guardiola ; que le tribunal a prononce diverses réparations envers ces parties civiles, et retenu contradictoirement la responsabilité civile du demandeur au pourvoi ;
Attendu que ce jugement a été signifié régulièrement au curateur de Verseillie le 1juillet 1958 ; qu'il n'y a pas été formé opposition dans les cinq jours, conformément à l'article 187, par.1er, du Code d'instruction criminelle ; que s'il est encore loisible au prévenu de former, en vertu du paragraphe 3 de ce texte, son opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine, cette opposition serait limitée aux dispositions purement pénales du jugement ; que d'autre part, ces dispositions civiles non susceptibles d'opposition, ont statué en dernier ressort sur la responsabilité de l'accident ; que dès lors le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre ces dispositions civiles, satisfait aux exigences de l'article 39 du dahir du 27 septembre 1957 sur la Cour suprême (1) ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE POURVOI :
Vu les articles 163 (2) et 174 du Code d'instruction criminelle, 73 du dahir formant Code de procédure civile ;
Attendu que les jugements doivent être motivés, que le défaut de réponse aux conclusions équivaut à l'absence de motifs ;
Attendu que pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel de paix de Casablanca, lequel retenant la responsabilité pénale de Verseillie, l'avait condamné, envers Ah et Guardiola, parties civiles, à des réparations pécuniaires dont Riportella était déclaré civilement responsable avec substitution de son assureur, le tribunal de première instance, statuant comme juridiction d'appel, sans faire Etat des conclusions prises par le demandeur, se borne à énoncer que le premier juge a fait une saine appréciation des faits de la cause et des droits des parties et une juste application de la loi, encore que le tribunal de paix ait seulement affirmé qu'il résultait de l'enquête officieuse et des débats, la preuve que le prévenu avait commis les faits qui lui étaient reprochés ;
Attendu que les conclusions écrites de Riportella, visées par le président à l'audience, tendaient à une exonération totale et subsidiairement partielle de la responsabilité de l'accident, fondée sur la faute que Ah aurait commise en contrevenant aux dispositions de l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, de telle sorte que la responsabilité de la collision entre sa voiture et le camion du demandeur lui serait imputable ;
Attendu que ces conclusions régulières, nettes et formelles, constituaient un véritable moyen de défense tendant à faire échec à la demande des parties civiles, auquel le tribunal avait l'obligation de répondre pour motiver régulièrement sa propre décision et satisfaire aux exigences des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, mais en ce qui concerne les intérêts civils seulement, le jugement du tribunal correctionnel de première instance de Casablanca du 2 juin 1958 ;
Et dans la mesure de la cassation limitée prononcée, renvoie la cause et les parties devant le tribunal correctionnel de première instance de Casablanca autrement composé pour être statué conformément à la loi.
(1) les dispositions de l'article 39 du dahir du 2 rebia I 1377 (27 septembre 1957) relatif à la cour suprême, ont été reprise dans l'article 571 du Code de procédure pénale.
(2)L'obligation de motiver les décisions de justice en matière pénale est actuellement prescrite par l'article 347 du Code de procédure pénale.
Président: M. Ad. - Rapporteur : M. Ab. - Avocat général : M. Aa. - Avocats : MM. Pajanacci, Khiat.
Observations
I. - SUR LE PREMIER POINT : V. la note sous Cour supr., Crim., arrêt n° 175 du 8 janv. 1959.
II. -SUR LE DEUXIEME POINT : L'absence de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs et il importe peu, à ce sujet, qu'il s'agisse de conclusions du prévenu ; du civilement responsable et de la partie civile et qu'elles portent sur l'infraction ou sur les intérêts civils. V. à ce sujet : Faye, nos 83 s., Le Poittevin, Art. 190, nos 204 s., Le Clec'h, Fasc. III, nos 313, 319 s. ; Rép pr. civ., V° Cassation, par Ae Ac, n os
2119 et 2172 s. ; Rép crim., V°Cassation, par Ai Ag, n° 339 ; Crim, 28 avr. 1911, B.C.221 ; 4 mai, 1911, B.C. 232 ; 26 oct. 1912, B.C. 519 ; 27 janv. 1913, B.C. 39 ; 31 janv.1913, B.C. 55 ; 12 juin 1913, B.C. 286 ; 22 sept. 1921, B.C. 376 ; 20 juin 1931, B.C. 182 ; 25 juillet 1913, B.C. 219 ; 23 avr. 1932, B.C. 114 ; 24 mars 1933, B.C. 66 ; 30 nov. 1933, B.C. 221 ;12 déc. 1935, B.C. 141 ; 21 févr. 1936, B.C. 28 ; 16 mars 1944, B.C. 70 ; Civ. 23 mars 1949, D. 1949. 280 ; Crim., 20 juin 1952, B.C. 160.
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