La Cour,
Vu les dahirs des 2 rebia I 1377, relatif à la Cour suprême (article 51) et 25 rebia II 1378 (6 novembre 1958), relatif à l'extradition des étrangers ;
Vu la lettre du Ministre de la Justice, en date du 18 février 1959, portant transmission de la demande d'extradition adressée au Ministre des Affaires étrangères par les autorités helvétiques ;
Vu les procès-verbaux dressés à Tanger le 17 janvier l959, en exécution des prescriptions de l'article II du dahir du 25 rebia II 1378 précité ;
Attendu que la demande d'extradition concernant Farber, sujet allemand, né le … … …, à Ad a été présentée au Gouvernement marocain dans les formes prévues par l'article 9 du dahir du 25 rebia II 1378 ;
Attendu que mandat d'arrêt a été décerné le 19 janvier 1959, par M. le juge d'instruction de la République et Canton de Genève, contre ledit Farber, sans précision d'inculpation, mais avec visa des articles du Code pénal suisse punissant l'abus de confiance (article 140) et l'escroquerie (article 148) ;
Attendu que Si les faits exposés à l'appui de la demande d'extradition peuvent au regard de la loi suisse justifier les qualifications d'abus de confiance et d'escroquerie, par contre ne sont pas réunis les éléments constitutifs de ces infractions telles qu'elles sont définies par les articles 408 et 405 du Code pénal rendus applicables au Maroc par les dahirs des 12 janvier 1939 et 4 juillet 1938 ;
Qu'en effet, d'une part le contrat dont la violation serait à la base de l'abus de confiance imputé à Farber est un prêt de consommation, alors que le seul prêt visé à l'article 408 du Code pénal actuellement en vigueur au Maroc est le prêt à usage ; que d'autre part Farber se serait fait remettre la somme litigieuse en usant d'affirmations fallacieuses qui ne sauraient
être assimilées aux manouvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie défini à l'article 405 du Code pénal en vigueur au Maroc ;
Attendu en définitive que les faits, tels qu'ils sont succinctement relatés dans le mandat d'arrêt émis à l'encontre de Farber, n'étant pas punissables par la loi pénale marocaine, ne permettent pas, en vertu de l'article 4 (4e alinéa) du dahir du 25 rebia II 1378, d'accorder l'extradition.
PAR CES MOTIFS
Emet un avis défavorable à l'extradition de Farber (Joseph) ;
Dit qu'une expédition de la présente décision sera transmise sans délai à M. le Procureur général près la Cour suprême.
Président : M. Af. - Rapporteur : M. Ac. - Avocat général : M. Aa.a.
Observations
L'art. 4, al. 4, du dahir du 25 rebia I 1378 (8 nov. 1958), relatif à l'extradition des étrangers, prévoit qu'en «aucun cas l'extradition n'est accordée si le fait n'est pas puni par nos dahirs d'une peine criminelle ou correctionnelle ».
Un prêt de consommation ne donne pas lieu à abus de confiance (Crim. 11 juill. 1935, D.H. 1935.494 ; Rép. crim., V° Abus de confiance, par L. Saint-Laurens, n° 44).
Les « manouvres frauduleuses » constitutives de l'escroquerie sont des faits positifs, une combinaison d'actes extérieurs, une machination préparée avec plus ou moins d'adresse, une ruse ourdie avec plus ou moins d'art. Le simple mensonge, qu'il soit écrit ou oral, n'est pas suffisant (Rép. crim., V° Escroquerie, par Ab Ae, nos 152, 168 s.).
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