Rejet des pourvois formés par Ak Ab Am, Driss ben Larbi et la Cie d'Assurances « L'Urbaine et la Seine » contre un jugement correctionnel du tribunal de première instance de Casablanca qui, statuant sur appel d'un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud, a ordonné la réduction de la rente allouée à la partie civile Benaïm et a déclaré que cette réduction ne profiterait qu'aux appelants, à l'exclusion de leurs codébiteurs, Ak Ab Am, Driss ben Larbi et la Cie d'Assurances « L'Urbaine et la Seine » qui n'ont pas relevé appel.
26 mars 1959
Dossiers nos 583 à 585
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION pris de la violation de la loi, manque de base légale, fausse application des articles 168, 177 et 178 du dahir des obligations et contrats en ce que le jugement attaqué a déclaré que la réduction de rente qu'il a prononcée ne profiterait qu'aux appelants Af Ai, la Société Henne et Bonici et la Société marocaine d'Assurances, à l'exclusion des demandeurs au pourvoi, alors que les uns et les autres avaient été condamnés solidairement par le jugement du tribunal de paix frappé d'appel, et que par le jeu des principes de la solidarité les demandeurs au pourvoi auraient dû bénéficier de l'appel interjeté par leurs codébiteurs solidaires ;
Attendu que par jugement du 14 janvier 1957 le tribunal de paix avait prononcé contre Ak Ab Am et Af Ai, reconnus coauteurs de blessures involontaires sur la personne de Benaïm, une condamnation solidaire à des dommages intérêts que, sans avoir interjeté appel de ce jugement, Driss ben Larbi et 1' « Urbaine et la Seine » se sont bornés à déclarer à l'audience du tribunal de première instance vouloir bénéficier du recours exercé par les appelants que Ak Ab Am a fait défaut ;
Attendu que la solidarité entre coauteurs condamnés à la réparation civile d'une même infraction est uniquement celle édictée par l'article 55 du Code pénal, qui ne repose pas sur une présomption de volonté de ces coauteurs d'assurer leur représentation mutuelle mais a pour but de sanctionner leur faute commune ; qu'en ce cas, il appartient à chacun des coprévenus d'user des voies de recours ouvertes par la loi, faute de quoi le jugement de condamnation acquiert à son encontre l'autorité de la chose irrévocablement jugée, sans qu'il puisse bénéficier des voies de recours exercées par un autre coprévenu ;
Que dès lors, abstraction faite du motif surabondant par lequel il a cru devoir écarter un mandat de représentation mutuelle qui n'existe pas entre coprévenus solidairement tenus aux
réparations civiles d'une infraction, le jugement attaqué, en énonçant que « chacun d'eux doit user par lui-même des voies de recours ouvertes par la loi, et s'il ne l'a pas fait, ne saurait se prévaloir des décisions plus favorables qui interviendraient ultérieurement entre ses obligés plus diligents et le créancier », a légalement justifié sa décision, conforme aux règles découlant de l'article 55 précité seul applicable en matière de solidarité entre individus condamnés pour un même crime ou délit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette les pourvois.
Président : M. Al. - Rapporteur : M. Ah. - Avocat général : M. Ag. -Avocat : Me Cagnoli.i.
Observations
En ce qui concerne l'effet, en matière de solidarité, de l'exercice des voies de recours, V. Rép. civ., V° Solidarité, par Ac Aa, nos 105 s., et notamment le n° 110 Civ. 10 nov. 1941, D.C. 1942. 99 et la note très complète de M. Ad Aj ; Ae. 30 avr. 1949, B.C. 151. Ce dernier arrêt décide que si les co-obligés solidaires sont censés se représenter mutuellement, il n'en est pas ainsi de coprévenus condamnés solidairement à la réparation civile d'une infraction et pouvant invoquer par suite des exceptions et moyens de défense personnels. Chacun d'eux doit user par lui-même des voies de recours ouvertes par la loi, faute de quoi il est censé acquiescer au jugement.
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