169-58/59 22 avril 1959 1475
Af Aj Af c/ Ag Ac Ad ben Amar.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Tanger du 5 juillet 1958.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN
Attendu qu'il résulte des qualités et motifs de l'arrêt attaqué (Tanger, 5 juillet 1958) qu'Ahmed ben Ad Ac Ak Aa, marocain musulman, a saisi la Cour d'appel de Tanger d'une demande en rétractation d'un arrêt prononcé le 15 mars 1958 aux termes duquel cette même Cour, confirmant un jugement du 5 mars 1957, s'était déclarée incompétente pour connaître de l'action incidente en nullité de mariage introduite par conclusions reconventionnelles d'Ahmed ben Ad Ac Ak Aa, qui avait été condamné à payer à son épouse, dame Af Af Aj, de nationalité espagnole, une pension alimentaire mensuelle de 28000 francs ;
Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, alors que la Cour avait confirmé ce jugement du 5 mars 1957 par lequel le tribunal s'était déclaré incompétent sur le demande en nullité du mariage, accueilli par la voie extraordinaire de la rétractation, une demande identique ayant fait l'objet d'une décision définitive ;
Mais attendu qu'Ahmed ben Ad Ac Ak Aa avait fondé sa demande en rétractation sur l'existence d'un certificat de baptême de l'épouse, découvert après l'arrêt, selon lequel sa femme avait été baptisée suivant le rite catholique romain ;
Qu'aux termes de l'article 222 du Code de procédure civile de Tanger, la voie de la rétractation est ouverte aux parties lorsque depuis la décision envisagée ont été recouvrées des pièces décisives et qui avaient été retenues par la partie adverse, ce qui a été établi en l'espèce ;
Qu'il n'y a lieu d'accueillir le moyen ;
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MAIS SUR LE MOYEN SOULEVE D'OFFICE
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Attendu que les juges du fond ne peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, donner au ministère public ou aux parties, mission de rechercher s'il appartenait à une juridiction autre que la leur de ce déclarer compétente ;
Attendu que par arrêt du 15 mars 1958, la Cour d'appel de Tanger a confirmé un jugement
du 5 mars 1957 qui avait condamné Ag Ac Ad Ac Ak Aa à payer une pension alimentaire à son épouse et s'était déclaré incompétent sur la demande incidente en nullité du mariage ;
Attendu que si, statuant au vu du certificat nouveau et décisif, d'après lequel le mari rapportait la preuve que le serment d'a-catholicité que sa femme avait prêté pour faciliter son mariage civil était une affirmation dolosive rendant nul, d'après le statut personnel espagnol, le mariage ainsi contracté, la Cour d'appel a, à bon droit, énoncé que «cette fraude était de nature à avoir une influence déterminante sur l'opinion des juges» et ainsi décidé que la demande en rétractation formée par Ag Ac Ad Ac Ak Aa était recevable et bien fondée, elle ne pouvait en revanche par jugement avant dire droit qui emportait implicitement dessaisissement, donner mission au ministère public et aux parties de rechercher Si une autre juridiction s'estimait compétente ;
Qu'en s'abstenant ainsi d'apprécier, elle seule, sa propre compétence, la Cour d'appel n'a pas donné une base légale à cette décision ;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Morère-Avocat général: M Bocquet-Avocats: MM Monleon de la Lluvia, Toledano-Laredo.
Observations
I-La solution eut été la même dans l'ex-zone sud puisque les dispositions de l'article 240 C proc Civ sont les mêmes que celles de l'article 222 C proC Civ de l'ex-zone de Tanger visé par l'arrêt rapporté.
Il-Toute juridiction est tenue de statuer sur sa propre compétence (v Rép pr.civ, V° Incompétence, par Ai Ah, n 52) ; d'autre part le principe de l'indépendance du ministère public interdit aux juges d'adresser à celui-ci des injonctions (vRép.pr.Civ,V° Ministère public, par Ab Ae, n 39).
III-Sur les moyens d'ordre public susceptibles d'être soulevés d'office par le juge de cassation, v Besson, n 1126 et s.