214-58/59 26 mai 1959 2125
Aa Ab Ac et consorts c/ les héritiers de Ai et Ag Ah Ad.d.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 22 octobre 1958.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu que les jugements doivent être motivés et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et de l'arrêt infirmatif attaqué que Aa Ab Ac et autres, opposants à la réquisition 11942 M, ont conclu devant la Cour d'appel que le défaut de possession qui leur était opposé avait pour cause la dépossession par la violence dont leur auteur avait été victime de la part d'une autorité locale, comme l'établissaient la lettre du Caïd Abdelmalek du 12 ramadan 1334 (13 juillet 1915) et l'acte d'instimrar avec témoignage de prépotence en date du 22 joumada II 1372 (8 mars 1953) ; qu'ils ont prétendu encore justifier de leurs droits de propriété sur le terrain par l'ensemble des documents anciens produits, concordants et confirmés par l'acte d'instimrar ;
Attendu que l'arrêt s'est borné à énoncer «que les appelants n'ont pu justifier par des titres réguliers de leurs droits prétendus, qu'ils ont au surplus reconnu lors du transport sur les lieux n'avoir exercé aucune possession sur le bornage depuis cinquante ans» ; qu'en ne s'expliquant pas sur les raisons pour lesquelles les deux actes des 12 ramadan 1334 et 22 joumada II 1372 n'étaient pas réguliers non plus que sur celles pour lesquelles la prépotence invoquée ne pouvait être retenue, la Cour d'appel a violé les dispositions substantielles d'ordre public qui imposent de motiver les jugements et arrêts et auxquelles doivent se conformer les juridictions qui statuent sur le contentieux de l'immatriculation
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M X général: M AB C Ae, Cavillon et Af.f.
Observations
I-V supra, note sous l'arrêt n°40, etinfra, arrêt n°85.
II-La qualification de «non régulier» donnée à un titre est une qualification juridique dont la
Cour suprême a le contrôle. En ne donnant pas les motifs de fait qui lui paraissaient justifier son appréciation à cet égard, la Cour d'appel empêchait l'exercice de ce contrôle et sa décision manquait de base légale (v supra, note II sous l'arrêt n°43). L'arrêt rapporté annule néanmoins la décision attaquée, non pour manque de base légale, mais pour défaut de motifs ce qui montre que la chambre civile de la Cour suprême, comme la Cour de cassation française, n'observe pas toujours la distinction entre ces deux ouvertures à cassation (v Besson, n 1453 et s).