226-58/59 10 juin 1959 1223
Am Aa Am Aa Ap An C/ Ad Aj Ae et autres
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 14 mars 1958.
(Extrait)
La Cour,
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SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SA DEUXIEME BRANCHE
Vu l'article 106 du Code de commerce ;
Attendu que les juges du fond ne peuvent modifier ni l'objet ni la cause de la demande et doivent statuer dans les limites fixées par les conclusions des parties ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que le 17 juillet 1953, Af ben Ameur, qui avait pris place dans un camion appartenant à Am Aa Am Aa Ap An, assuré à «La Protectrice» et conduit par un préposé, à trouvé la mort dans un accident survenu sur la piste de Zagora à Agdz ; qu'un jugement correctionnel du 28 avril 1955 a condamné le conducteur pour transport de voyageur sans autorisation ;
Attendu que sur les demandes de Ak bent El Al Aa Ar et Ad Aj Ae Aa Ah, ayants droit de la victime, la décision attaquée a condamné Am Aa Ap An à réparer le préjudice subi par celles-ci en raison de ce qu'il n'avait «pu s'exonérer de la présomption de responsabilité que faisait peser sur lui l'article 88 du dahir des obligations et contrats» ; que d'autre part, elle a, motif pris de l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 28 avril 1955, prononcé la mise hors de cause de «La Protectrice», la garantie de la police ne s'étendant pas aux tiers transportés à titre onéreux ;
Mais attendu que la Cour d'appel était saisie par les héritières de la victime de conclusions tendant à la condamnation du transporteur à des dommages et intérêts en vertu de l'article 106 du Code de commerce, qui déclare le voiturier responsable des accidents survenus aux voyageurs pendant le transport s'il n'établit pas l'une des causes d'exonération prévues par ce texte ; qu'en appréciant la responsabilité du transporteur, non telle qu'elle pouvait résulter du contrat, mais selon les conditions où est engagée la responsabilité du gardien des choses qui ont causé un dommage, et alors que les règles de l'article 88 du dahir des obligations et contrats ne sont pas applicables en cas de transport à titre onéreux, la Cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa
décision ;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Houel-Avocat général: M CA B Ao, Cohen.
Observations
I-Le juge n'a pas le droit de modifier l'étendue, la cause et l'objet du litige. Cette interdiction est également imposée aux parties sous réserve des exceptions prévues à l'art 233, al. 2 et 3, C proc civ Sur le principe de l'immutabilité du litige et ses applications, v notammentRép. Pr civ, v° Action, par Ai Ab, n°170 ; Ag Aq et Ag Ac, RevTrim.dr.civ, 1955, p. 699 Civ IV, 18 mars 1955, B. 268 ; Civ II, 25 oct. 1956, B. 544 ; Civ I, 16 juin 1964, B. 320 ; Civ III, 1er févr. 1965, B. 81.
II. La responsabilité contractuelle ne se cumule pas avec la responsabilité délictuelle, et lorsque le dommage est causé à l'un des contractants par l'inexécution des obligations de son cocontractant, ce sont les règles de la responsabilité contractuelle qui doivent s'appliquer (V Mazeaud, n 190 et s). La question avait en l'espèce un grand intérêt: en effet, pour s'exonérer de sa responsabilité le voiturier pouvait, sur le plan contractuel, se borner à prouver que le dommage était dû à un cas fortuit ou de force majeure (art 106 c com) alors que, pris en tant que gardien du véhicule il devait, sur le plan délictuel démontrer en outre qu'il avait fait tout ce qui était nécessaire pour éviter le dommage (art 88 C obl Contr).