229-58/59 10 juin 1959 2021
Ac Ae c/ la municipalité de Fès.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 12 mars 1958.
La Cour,
SUR LES DEUX MOYENS REUNIS
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et de l'arrêt infirmatif attaqué (Rabat 12 mars 1958) que le service des Domaines a requis le 19 avril 1919 la délimitation d'un groupe de propriétés domaniales et que par avis publié auBulletin officiel du 15 septembre 1919, le public a été informé du dépôt du procès-verbal de délimitation en date du 22 juillet 1919, ainsi que du délai de trois mois imparti pour former opposition ; que par arrêté viziriel du 23 chaoual 1340 (20 juin 1922) l'Administration des Domaines a été autorisée à remettre à la municipalité de Fès plusieurs immeubles destinés à constituer son domaine privé que parmi ces immeuble se trouvait la parcelle litigieuse dénommée «Aa Ad» dont Lopez a requis l'immatriculation le 24 février 1945, en ne produisant pour justifier de ses droits qu'un acte adoulaire de témoignages en date du 2 hijja 1362 (30 novembre 1943), en se fondant sur sa longue possession, et en prétendant remplacer ainsi l'acte qui constatait l'acquisition consentie en 1932 par un vendeur de nationalité marocaine ;
Attendu que le pourvoi fait grief à la Cour d'appel, d'une part, d'avoir en violation de l'article 8 du dahir du 26 safar 1334 (3 janvier 1916) prescrivant l'homologation par arrêté viziriel du procès-verbal de délimitation qui fixé d'une manière irrévocable la consistance matérielle et l'état juridique de l'immeuble, reconnu un effet légal à la procédure délimitation administrative suivie en 1919, alors qu'elle n'avait pas été homologuée et se trouvait ainsi entachée de nullité ; d'autre part, d'avoir déclaré la longue possession de lopez inopposable à la municipalité de Fès, motif pris de ce que les biens du domaine public municipal sont imprescriptibles, alors que la municipalité, tenu de la charge de la preuve en sa qualité d'opposante à l'immatriculation, ne pouvait justifier
Mais attendu que la procédure de délimitation et de purge instituée par le dahir du 26 safar 1334 (3 janvier 1916) portant règlement spécial sur la délimitation du domaine de l'Etat, apure définitivement, et avant même que soit pris l'arrêté viziriel d'homologation, dont le délai d'intervention n'est pas fixé, la situation juridique des immeubles à l'égard de tout contestent qui n'a pas observé la formalité substantielle de l'opposition dans les formes et délais prescrits, dont la seul expiration entraîne déchéance ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, alors que Lopez ne justifiait pas d'une revendication du vendeur et se trouvait forclos pour exercer tout recours administratif ou judiciaire, la Cour d'appel, abstraction faite d'autres motifs qui sont surabondants, n'a pas violé les textes visés au pourvoi et a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M X général: M CA B Ab et Botbol, Jacob.
Observations
Le Dh 3 janv 1916 a institué une procédure spéciale de délimitation et de purge relative aux immeubles prétendus domaniaux. Un délai de trois mois, courant de l'insertion auB O annonçant le dépôt du procès-verbal de délimitation, est imparti aux opposants pour se faire connaître à l'autorité administrative. Passé ce délai aucune opposition, ni revendication, n'est admise et les opérations de délimitation deviennent définitives (art 5). L'opposition ne peut produire effet qu'à charge pour les opposants de déposer une réquisition d'immatriculation dans les trois mois qui suivent l'expiration du délai d'opposition.
Le demandeur au pourvoi, qui n'avait pas formulé dans les délais l'opposition prévue à l'art
5, soutenait que la délimitation administrative était entachée de nullité, et en tous cas dépourvue d'effet légal, faute d'avoir été homologuée par arrêté viziriel conformément aux dispositions de l'art 8.
Mais, les termes de l'art 5 sont précis et formels aucune opposition, ni revendication n'est
plus admise à l'expiration du délai imparti pour les formuler et les opérations de délimitation deviennent définitives à l'égard de l'opposant forclos ; d'autre part, l'homologation du procès- verbal de la commission, qui fixe la consistance et l'état juridique de l'immeuble délimité, sous réserves des surfaces des immatriculations à intervenir sur les réquisitions déposées par les opposants, n'a pas à être prononcée dans un délai déterminé, et ne concerne pas l'opposant forclos qui ne figure pas au procès-verbal.
A noter que le revendiquant, qui pour valider son opposition à une délimitation administrative doit requérir l'immatriculation du terrain litigieux, n'en conserve pas moins dans la procédure immatriculation la qualité d'opposant auquel incombe la charge de la preuve.