241-58/59 23juin 1959 1115
Le «Lloyd Continental Français»
C/ Aa Ae et la Régie des Exploitations Industrielles
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 25 février 1958.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES
Vu les articles 226 et 227 du dahir de procédure civile ;
Attendu que le délai d'appel des jugements rendus en premier ressort par le tribunal de première instance, est de deux mois ; que ce délai court à l'égard de celui qui a notifié le jugement du jour de cette notification, et à l'égard du «signifié» à compter de la notification qui lui est faite par l'une quelconque des parties en cause, soit à personne, soit à domicile réel ou élu ; que la recevabilité de l'appel incident, qui peut être formulé en tout état de la cause, est subordonnée à l'existence d'un appel régulier que l'appel incident d'intimé à intimé ne vaut ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 28 août 1954, Ae Aa, conduisant une automobile lui appartenant et se disant assuré par le «Ac Ab Af», est entré en collision avec une motocyclette pilotée par un gardien de la paix ; qu'à la demande de la Régie des Exploitations Industrielles (R.E.I.), propriétaire de la motocyclette, le tribunal de première instance a estimé que la responsabilité de l'accident incombait également aux deux conducteurs et a prononcé la mise hors de cause du Lloyd, en accueillant l'exception de non assurance qu'il soulevait ;
Que Aa, qui a assorti son acte d'appel de la justification de la notification avec mise en demeure qui lui avait été faite à la requête de la R.E.I. le 29 août 1956 de ce jugement, l'a déféré à la Cour d'appel le 19 octobre 1956, intimant la Régie des Exploitations Industrielles et le «Lloyd» et concluant seulement à l'entière responsabilité du conducteur de la motocyclette ; que la Régie des Exploitations Industrielles a formulé un appel incident aux fins de s'entendre déchargée de toute responsabilité dans l'accident et de voir rejeter l'exception de non assurance opposée par le «Lloyd» ;
Attendu que l'arrêt infirmatif attaqué, qui a reçu ces deux appels comme réguliers en la forme, a imputé l'entière responsabilité de l'accident Aa, a maintenu le «Lloyd» en la cause et a ordonné sa substitution dans le paiement des condamnations intervenues contre Aa au profit de la Régie des Exploitations Industrielles ;
Mais attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et du dossier de la première instance (produit) communiqué à la Cour d'appel et ainsi soumis à son examen, qu'antérieurement à la notification du 29 août 1956, effectuée à domicile réel de Aa, en conformité de l'article 295 du dahir de procédure civile, le jugement déféré lui avait été notifié le 10 juillet 1956, selon l'article 77 du dahir de procédure civile suivant un certificat de remise N. S. 15. 555, à la requête du «Lloyd» à domicile élu en le cabinet de ses avocats, Me Part et Me Blain ; que la Régie des Exploitations industrielles avait elle-même notifié le jugement le 29 Août 1956 et reçu notification de celui-ci le 12 juillet 1956 ; qu'ainsi en faisant droit à l'appel incident du 1er février 1957, alors d'une part qu'il était dirigé partiellement contre un intimé, le «Lloyd», et que, d'autre part, sa recevabilité était subordonnée à l'existence de l'appel principal de Aa, lui-même tardif, comme interjeté le 19 octobre 1956, dès lors que la notification du 10 juillet 1956 avait fait Courir le délai d'appel de deux mois, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 226 et 227 du dahir de procédure Civile ;
D'où il résulte que le moyen d'ordre public qui eût dû être soulevé d'office par les juges du fond, bien que présenté pour la première fois devant la Cour suprême, est recevable et doit être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: Mme A général: M BX C Ad, Lorrain.
Observations
I. et Il-Les termes clairs et précis des art. 266 et 221 C. proc. Civ ne prêtent à aucune interprétation l'appel principal avait manifestement été formé hors délai et 1'appel incident était en conséquence également irrecevable.
III-Le moyen tiré de la tardiveté d'un appel n'est pas recevable en cassation s'il n'a pas été invoqué devant la juridiction du second degré, ou si, faute d'avoir en communication du procès verbal de notification, cette juridiction n'a pas été mise en mesure de constater 1'irrégularité de l'appel. C'est pourquoi la Cour suprême a pris soin de constater dans l'arrêt rapporté que le dossier complet de la procédure avait été soumis à l examen de la Cour d'appel.
V Besson n. 1239 et s.