247-58/59 30 juin 1959 378
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 3 avril 1957.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE
Vu les articles 246 et 247 du Code de commerce ;
Attendu que les délais édictés par les articles 246 et 247 constituent des délais distincts l'un de l'autre sans continuité entre eux ;
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué que la société «Leduca» ayant été déclarée en faillite par jugement du 16 mai 1951, le syndic a, par requête du 28 août 1951, saisi le tribunal de Meknès d'une demande tendant au report de la cessation des paiements de la société et à l'annulation de nantissements consentis par celle ci pendant la période suspecte à la Banque Populaire de Meknès ; que sur l'appel interjeté par la banque, du jugement faisant droit à ladite demande, la requête du syndic a été déclarée non recevable, au motif qu'elle avait été déposée après expiration des délais de trois mois et huit jours prévus par la loi, non indépendants l'un de l'autre, mais formant sans discontinuité possible un seul délai de trois mois et huit jours ;
Mais attendu que si le délai de huit jours imparti par l'article 247 est consécutif au délai de
trois mois à l'expiration duquel le syndic doit, en vertu de l'article 246, avoir déposé l'état des créances vérifiées, il ne peut commencer à courir qu'autant que le dépôt a eu lieu et à partir seulement de la date, susceptible de variation, des insertions dans les journaux destinées à rendre public l'accomplissement de cette formalité par le syndic ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé par fausse application les textes précités ;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président et rapporteur: M B général: M C A Ab, Lorrain.
Observations
L'article 329 C. com. dispose qu' «aucune demande des créanciers» tendant à un report de la date de cessation des paiements «n'est recevable après le délai fixé par l'article 247, à l'expiration duquel l'état des créances est définitivement clos». Bien que cet art. ne vise que les créanciers, il est certain qu'il a une portée générale et que dès que le juge commissaire a arrêté définitivement l'état des créances, le tribunal ne peut plus, ni à la demande d'un créancier, ni à celle du syndic, ni d'office, modifier la date de cessation de paiement. Cette question n'était d'ailleurs pas discutée et le problème que la Cour suprême avait à résoudre concernait seulement le délai.
Selon l'art 246 l'état des créances doit être déposé au greffe au plus tard dans les trois mois
du jugement déclaratif de faillite, et le greffe doit avertir «immédiatement» les créanciers de ce dépôt par des insertions dans les journaux. L'art 247 fixe d'autre part à huit jours à dater de ces insertions le délai pour formuler les contredits et les réclamations (le contredit consiste à protester contre l'admission d'une créance la réclamation consiste pour un créancier à protester contre la non admission ou le rejet partiel de sa propre créance). L'arrêt rapporté décide à juste titre que ces deux délais de trois mois et de huit jours sont distincts: en effet, le second court, non de l'expiration du premier, mais de la date des insertions, lesquelles peuvent avoir lieu plus ou moins de trois mois après le jugement déclaratif de faillite, selon la date du dépôt de l'état des créances et selon le temps matériel nécessaire écoulé entre ce dépôt et sa publication (V R. Aa, Rev Trim dr com, 1954, p 149 ; n 8).