Cassation sur le pourvoi formé par Ab ben Messaoud contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Rabat du 4 avril 1959 qui a ordonné sa mise en accusation du chef de vol qualifié.
8 juillet 1959
Dossier n° 2822
La Cour,
Attendu qu'aucun moyen n'est soulevé par le défendeur, mais SUR LE MOYEN, PRIS D'OFFICE, du défaut de motifs, manque de base légale ;
Attendu que les jugements et arrêt doivent être motivés ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs : que tout arrêt de renvoi de la Chambre d'accusation doit indiquer la qualification donnée aux faits retenus à l'encontre de l'accusé, et permettre de déterminer la peine qu'il encourt légalement en raison de ces faits ; que le visa de l'article de la loi applicable complète utilement la formule de qualification, et permet parfois de combler ses insuffisances ;
Attendu que Ab ben Messaoud était prévenu d'avoir, avec port d'armes apparentes ou cachées, frauduleusement soustrait à la ferme de Mechrikha ben Messaoud le 25 novembre 1956, un fusil de chasse et divers objets mobiliers au préjudice de Le Roy qui en était propriétaire, faits constituant le crime que l'article 381 (premier alinéa) du Code pénal, punit de mort ;
Attendu que l'arrêt de renvoi de la Chambre d'accusation visa seulement l'article 379 du Code pénale, et retient trois autres circonstances aggravantes (nuit, réunion, violence) qui ne peuvent se combiner légalement ni entre elles ni avec le port d'armes ;
Qu'en adoptant ainsi une formule de qualification qui retient une combinaison de trois circonstances non prévues par la loi, et en omettant en outre le visa de l'article 381 (premier alinéa) du Code pénal qui eût apporté à cette qualification inadéquate l'indispensable précision permettant de restituer aux faits leur qualification légale et de déterminer la peine
légalement encourue, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision et a porté atteinte aux droits de la défense ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, l'arrêt de la Cambre des mises en accusation du 24 février 1959 ;
Renvoie la cause et les parties devant la Chambre d'accusation de la Cour de Rabat autrement composée pour être statué conformément à la loi.
Président : M. Ac. - Rapporteur : M. Af. - Avocat général : M. Aa. -Avocat : Me Moutot.t.
Observations
L'art. 381, al. 1er,C. pén., modifié par la loi du 23 nov. 1950, rendue applicable par le dahir du 15 juillet 1952, prévoit que « seront punis de la peine de mort les individus coupables de vol Si les coupables ou l'un d'eux étaient porteurs d'une arme apparente ou cachée, même Si le vol a été commis le jour et par-une seule personne. Il en sera de même Si les coupables ou l'un d'eux avaient l'arme dans le véhicule motorisé qui les aurait conduits sur les lieux de leur forfait ou qu'ils auraient utilisé pour assurer leur fuite ».
L'art. 382 du même Code punit de la peine des travaux forcés à temps tout individu coupable de vol commis à l'aide de violence. « Si la violence à l'aide de laquelle le vol a été commis a laissé des traces de blessures ou de contusions, cette circonstance suffira pour que la peine des travaux forcés à -perpétuité soit prononcée ».
L'arrêt de renvoi de la Chambre des mises en accusation ou l'ordonnance de prise de corps devait contenir, aux termes de l'art. 232, al, 2, de l'ancien C. instr. crim., « La qualification légale du fait, objet de l'accusation ».
Il était utile d'indiquer les textes de loi applicables car le rapprochement des faits constatés et des dispositions légales permettait de contrôler la qualification. « Parfois même, l'indication des textes rapprochée de l'exposé des faits permet de combler les lacunes d'une formule de qualification qui n'a pas relevé tous les éléments essentiels du crime » (Le Poittevin, Art. 234, n0 44). V. également :Rép. Crim., V°Chambre des mises en accusation, par Ae Ad, n 83 ;
En l'espèces, l'arrêt de la Chambre des mises en accusation avait adopté une formule de qualification inexacte puisqu'elle retenait, en matière de vol, une combinaison, non prévue par la loi, des trois circonstances de nuit, de réunion et de violence. Il avait, en outre, omis de viser l'art. 381, al. 1er,C. pén., qui réprime le vol avec port d'arme. L'arrêt manquait donc de base légale et devait être cassé (Sur le manque de base légale. v. la note sous Cour supr., Crim. arrêt n° 251 du 22 févr. 1959).
L'art. 236, al. 1er, du dahir du 1er chaabane 1378 (10 févr. 1959) formant Code de procédure pénale, aujourd'hui applicable, prescrit que « l'arrêt de mise en accusation contient, à peine de nullité, l'exposé et la qualification légale des faits, objet de l'accusation ». La doctrine de l'arrêt ci-dessus rapporté est donc toujours valable.
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