Cassation sur le pourvoi formé par Aa Ac Af ben Mohammed contre un jugement du tribunal criminel de Fès du 4 mai 1959 qui l'a condamné à cinq années d'emprisonnement pour vol qualifié.
22 juillet 1959
Dossier n° 3138
La Cour,
Vu l'article 581 (alinéa 2) du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, aux termes duquel est dispensé de consignation préalable le condamné effectivement détenu pendant le délai du pourvoi ;
Vu l'article 579 (alinéa 2) du même Code, qui rend facultatif en matière criminelle le dépôt d'un mémoire exposant les moyens de cassation du condamné demandeur au pourvoi ;
Attendu qu'aucun moyen n'est soulevé par le demandeur, mais sur le moyen pris d'office par le ministère public de la violation de l'article 498 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en exécution dudit article doit être dressé dans chaque affaire, et signé du président et du greffier, un procès-verbal qui constate notamment les diverses opérations de formation du jury de jugement, et résume l'essentiel des réponses des accusés et des dépositions;
Attendu que l'établissement d'un tel procès-verbal, dont ne sauraient tenir lieu ni le procès-verbal d'ouverture des débats ni le procès-verbal de tirage des assesseurs qui ne fournissent aucune indication relative aux réponses des accusés ou aux dépositions, constitue une formalité substantielle dont le non- accomplissement, en privant la Cour suprême de son contrôle, porte atteinte aux droits de la défense ;
Attendu que le procès-verbal qui eut dû être dressé en application des dispositions impératives de l'article 498 sus-visé, ne figure pas au dossier de la procédure ; qu'en conséquence, les conditions exigées par l'article 769 du Code de procédure pénale se trouvant remplies, il échet d'annuler le jugement attaqué ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties le jugement rendu par le tribunal criminel de Fès le 4 mai1959 ;
Renvoie la cause et l'accusé devant le tribunal criminel de Meknès, pour être statué conformément à la loi;
Président: M. Ad. - Rapporteur: M. Ab. - Avocat général: M. Ae.e.
Observations
I.- Sur le Premier point: L'art. 579 du dahir du 1er chaabane 1378 (10 févr. 1959) formant Code de procédure pénale, dispose que:
«Le demandeur au pourvoi doit, à peine de déchéance de ce dernier, Soit en faisant sa déclaration, soit dans les vingt jours suivant celle-ci, déposer au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée un mémoire exposant ses moyens de cassation. Ce mémoire doit être signé par un avocat ou défenseur agréé près la Cour suprême.
«Toutefois en matière criminelle, le mémoire prévu à l'alinéa précédent est facultatif et peut être déposé par l'avocat ou le défenseur qui a effectivement assisté le condamné, même si cet avocat ou ce défenseur n'est pas agrée près la Cour suprême.
« Tout mémoire déposé doit être assorti d'autant de copies qu'il existe de parties intéressées à la solution du pourvoi ».
L'article 581 du même Code prescrit que:
« A peine de déchéance, les parties autres que le ministère public ou les administrations publiques sont tenues, dans les vingt jours de la déclaration de leur pourvoi, de consigner au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, la somme de 10000 francs. Cette somme est restituée au demandeur en cas de cassation même partielle. Elle est acquise à l'Etat dans tous les autres cas.
«Sont dispensés de cette consignation, les condamnés effectivement détenus pendant le délai de pourvoi et les demandeurs au pourvoi qui présentent au moment de leur déclaration un certificat d'indigence ou de non-imposition. La somme non consignée est, en cas de rejet du pourvoi, recouvrée comme frais de justice criminelle».
II. - Sur le deuxième point: L'art. 498, al. 1er, C. proc. Pén. Prévoit que, dans chaque affaire criminelle, «le greffier dresse un procès-verbal qui constate les diverses opérations de formation du jury de jugement, résume l'essentiel des réponses des accusés et des dépositions, relate succinctement les incidents de procédure auxquels auraient donné lieu les débats, et mentionne les demandes de donner acte ainsi que la suite qui leur a été réservée. Ce procès-verbal est signé par le président et le greffier», et l'art. 769 du même Code, que « à titre transitoire et pendant la première année d'application de . (ce) Code, seule la violation des formalités substantielles, ayant effectivement porté atteinte aux droits de la défense, est frappée de nullité».
Faisant application de ces textes, la Chambre criminelle décide que l'établissement du procès-verbal constitue une formalité substantielle dont le non-accomplissement porte atteinte aux droits de la défense et que, par suite, le jugement du tribunal criminel doit être annulé.
Sous l'empire du C. instr. crim., un procès-verbal dés débats devait également être dressé en application de l'art. 372. Mais, contrairement à ce qui est actuellement prescrit par l'art. 498, al. 1er, C. proc. pén., il était interdit, à peine de nullité, d'y faire mention des réponses des accusés (Crim. 10 juin 1852, D.P. 1852.3.171; 14 mars 1856 D P 1856. 5.126; 6 mai 1864, D.P. 1864.5.219; 10 juin 1875, BC. 184 ; 10 janv. 1889, D.P. 1889 I. 386; 16 janvier 1891, D.P. 1892.1.108 ; 21 févr. 1891, D.P. 1893. I. 101; 5 mai 1899, B.C. 110) et des déclarations des témoins (Crim. 1er oct. 1857, 1.454; 11 mars 1864, D.P. 1865. 5.102; 18 déc. 1871, B.C. 180; 17 avr. 1873; D.P. 1873.1.94).
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