Rejet des pourvois formés par Aa Ac et Ae Ag contre l'arrêt correctionnel confirmatif rendu le 13 janvier 1959 par la Cour d'appel de Rabat qui a condamné Aa Ac à 10000 francs d'amende en répression du délit de fraude et déclaré Ae Ag civilement responsable de son préposé Aa Ac.c.
19 novembre 1959
Dossier n° 2389
La Cour,
Sur LE PREMIER MOYEN DE CASSATION pris « de la violation et fausse application des articles 1 et 19 du dahir du 14 octobre 1914, articles 1 et 2 de l'arrêté viziriel du 24 juin 1930 ainsi que de l'article unique du dahir du 26 juillet 1930 complété par la circulaire administrative du Directeur de l'Office chérifien de Contrôle et d'Exportation du 4 avril 1955, en ce que l'arrêt attaqué a considéré que l'utilisation d'huile de sardines dans une proportion approximative de 25% constituait le délit de fraude alimentaire alors(sic) que la législation pour la dénomination de sardines à l'huile exigeait l'utilisation d'huile d'origine végétale à l'exclusion de toute huile de poisson ».
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le fait de tromperie déclaré établi à l'encontre du prévenu ne consiste pas dans l'utilisation de 25 % d'huile de poisson dans la fabrication de la conserve comme l'affirment inexactement les demandeurs au pourvoi, mais dans la vente et la mise en vente sous la dénomination de « sardines à l'huile » de conserves de sardines dont l'huile de couverture contenait de l'huile de poisson dans la proportion de 40 à 45 %;
Attendu d'autre part qu'en déclarant que la dénomination « sardines à l'huile » supposait une huile de couverture d'origine végétale et en admettant une tolérance de 25% d'huile de
poisson, l'arrêt attaqué n'a fait que rappeler la réglementation légale et les normes fixées par l'Office chérifien d'Exportation invoquées par le prévenu lui-même;
D'où il suit que le moyen qui manque partiellement en fait n'est pas fondé;
Et SUR LA PREMIERE PARTIE DU SECOND MOYEN ainsi conçue : «Violation des articles 179, 189 et 191 du Code d'instruction criminelle ainsi que des articles 154, 155 et 156 du même Code et des articles 13 et 14 du dahir du 12 août 1913 rendant applicable au Maroc sous certaines réserves, le Code d'instruction criminelle français, ce, pour violation, fausse application de la loi, défaut ou insuffisance de motifs, dénaturation des faits en ce que l'arrêt attaqué a retenu la responsabilité délictuelle des deux inculpés en fondant cette culpabilité sur l'aveu formulé par eux selon lequel ils avaient reconnu avoir mélangé, au moment de la fabrication, à L'huile de conservation, de l'huile de poisson dans la proportion de 25 %, sans tenir compte de l'apport d'huile provenant de la sardine contenue dans la boîte, phénomène considéré par eux et par les techniciens comme naturel et inévitable, cet aveu constituant la preuve de l'élément intentionnel» ;
Attendu que pour établir l'élément intentionnel de l'infraction l'arrêt attaqué énonce : «Attendu d'autre part que l'élément intentionnel nécessaire pour caractériser le délit en matière de fraude, résulte dans la présente poursuite du fait que les prévenus ayant reconnu avoir déjà . à la fabrication, mélangé à l'huile de couverture de l'huile de poisson dans la proportion de 25 %, ils ont en connaissance de cause négligé de tenir compte de l'apport d'huile provenant de la sardine contenue dans la boîte, phénomène considéré par eux comme par les techniciens comme naturel et inévitable »;
Qu'il ressort de ces énonciations que loin de n'avoir pas tenu compte de l'apport d'huile de poisson par les sardines contenues dans les boîtes la Cour d'appel a au contraire retenu ce phénomène pour caractériser l'élément intentionnel du délit ;
D'où il suit que ce moyen en sa première branche dénature la décision attaquée et manque en fait;
SUR LA SECONDE PARTIE DU DEUXIEME MOYEN de cassation pris de la violation et fausse application de la loi, défaut ou insuffisance de motifs en ce que l'arrêt attaqué aurait laissé sans réponse les conclusions des inculpés prises en cause d'appel et écarté, en fait, sans motif, le rapport du professeur Meesemaecker;
Attendu que dans le dispositif desdites conclusions le prévenu avait sollicité sa relaxe au motif que les faits qui lui étaient reprochés n'auraient pas constitué le délit de fraude alimentaire mais une contravention d'étiquetage inexact prévue et réprimée par le dahir du 26 juillet 1930;
Attendu qu'en déclarant Aa Ac coupable du délit de tromperie, la Cour d'appel dont la décision est régulièrement motivée, a répondu implicitement mais nécessairement aux conclusions déposées;
Attendu en outre que les juridictions ne sont pas tenues de suivre les parties dans le détail
de leur argumentation et qu'en l'espèce, loin d'avoir été écartées, les conclusions du rapport du professeur Meesemaecker concernant les échanges qui se produisent entre les matières grasses des poissons et l'huile de conservation dans les conserves de sardines, ont été au contraires prises en considération par la Cour, ainsi qu'il a été observé dans l'examen de la première branche du moyen;
D'où il suit que ce moyen en sa seconde branche n'est pas fondé;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi
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Vu la témérité du pourvoi, condamne solidairement lesdits demandeurs, par application de l'article 600, alinéa 2, du Code de procédure pénale à une amende civile de 50000 francs, au profit du Trésor;
Président: M. Af. -Rapporteur: M. Ad. -Avocat général: M. Ab. -Avocat: Me Melia.
Observations
Sur le deuxième point: Le premier moyen de cassation manquait partiellement en fait. La première branche du second moyen dénaturait la décision attaquée et manquait totalement en fait (Sur cette notion, v. la note sous Cour supr., Crim., Arrêt n° 308 du 28 mai 1959).
Dans ces conditions la Chambre criminelle a fait application aux demandeurs des dispositions de l'art. 600, al. 2, C. proc. pén. Qui prévoit qu'en cas de pourvoi téméraire ou abusif, la Cour peut condamner le demandeur qui succombe à une amende civile de 10000 à 100000 francs au profit du Trésor.Elle apprécie alors tant en fait qu'en droit, comme juge du fond, le caractère téméraire ou abusif du pourvoi (Sur l'abus de droit dans l'exercice d'une action, v. la note, deuxième point, sous Cour supr., Crim., arrêt n° 229 du 12 mars 1959).
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