Rejet du pourvoi formé par Ae Ad Ae ben Aomar contre un arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Rabat du 18 juillet 1958 qui l'a condamné à 500 francs d'amende pour destructions d'objets mobiliers appartenant à autrui et trois mois d'emprisonnement pour complicité d'abus de confiance et recel.
3 décembre 1959
Dossier N° 1480
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, EN SA PREMIERE BRANCHE prise de la violation des articles 227 du Code d'instruction criminelle, 6 du dahir du 12 août 1913 sur l'organisation judiciaire et 20 du dahir du 19 janvier 1953 formant Code de la route, défaut de motifs, manque de base légale et contradiction de motifs en ce que la Cour d'appel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'appelante, au motif que les dispositions de l'article 20 du dahir du 19 janvier 1953 font obstacle, à l'égard des infractions connexes à celles prévues par ledit dahir, aux règles ordinaire de compétence et prévoient la compétence exclusive des juridictions modernes, alors que les faits reprochés au prévenu Lahoucine ben Lahoucine ne comportent aucune infraction au dahir du 19 janvier 1953 et que les délits de droit commun retenus à son encontre ne présentent aucun caractère de connexité avec les infractions au Code de la route reprochées à un autre prévenu ;
Vu lesdits articles, notamment l'article 20 du dahir du 19 janvier 1953 attribuant aux juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913 compétence pour connaître des infractions à la police du roulage et des infractions connexes quel qu'en soit l'auteur ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence desdits juridictions que soulevait Lahoucine ben Lahoucine en invoquant l'absence de connexité entre les infractions qui lui étaient reprochées et celles commises par Ab Ad Aa, le jugement de première instance confirmé par l'arrêt attaqué constate que, venant d'occasionner un accident ayant entraîné la mort d'un passager du véhicule qu'il conduisait, Mohamed ben Lahcen, auquel le permis de conduire avait été retiré, a détourné des fonds qu'il transportait dans la voiture pour le compte de son patron, et a remis sur les lieux de l'accident à Lahoucine ben Lahoucine autre passager du véhicule une somme de 283000 francs que celui-ci a sciemment acceptée, à charger d'endosser la responsabilité de l'accident et d'en donner une version mensongère, puis que tous deux ont mis le feu au véhicule pour simuler la destruction par incendie de l'argent détourné ;
Attendue que le jugement du 5 juillet 1956 confirmé par adoption de motifs énonce que les délits d'abus de confiance et recel ont été commis immédiatement après la contravention de défaut de maîtresse, pour égarer la justice sur la responsabilité pénale de l'accident, que l'arrêt confirmatif du 18 juillet 1958 précise qu'il y a unité de temps, de lieu et d'auteurs des infractions, et que les infractions à la police de la circulation ont été la cause déterminante des autres infractions,
Attendu que par ces constatations et appréciations les juges du fond, réserve faite de motifs surabondants, ont légalement justifié leur décision retenant l'existence d'un lien de connexité ;
SUR LA DEUXIEME BRANCHE DU MOYEN prise du défaut de motifs et manque de base légale ;
Vu les articles 60 et 61 du Code pénal promulgué par le dahir du 12 août 1913 ;
Attendu que pour déclarer Lahoucine ben Lahoucine coupable de complicité d'abus de confiance et de recel, le jugement du 5 juillet 1956, dont les motifs ont té adoptes par l'arrêt attaqué, énonce que ce prévenu, sachant que Ab Ad Aa détenait en dépôt une somme de 31500 francs appartenant à son patron, s'est rendu complice de l'abus de confiance en acceptant 285000 francs pour donner une version fausse de l'accident et qu'il s'est également rendu coupable de recel en dissimulant cette somme qu'il savait provenir d'un abus de confiance ;
Attendu qu'en retenant ainsi la complicité d'abus de confiance en dehors des cas constitues de complicité limitativement énumérés par les articles 60 et 61 du Code pénal, la Cour d'appel n'a pas sur ce point donné de base légale à sa décision ; que toutefois la peine de trois mois d'emprisonnement prononcée par la Cour pour les délits de complicité d'abus de confiance et de recel se trouvant justifiée en ce qui concerne ce dernier chef d'inculpation pour lesquels la loi prévoit une peine de un à cinq ans d'emprisonnement, il convient de
déclarer que la peine prononcée par la Cour d'appel de Rabat s'applique uniquement au délit de recel légalement retenu ;
PAR CES MOTIFS
Déclare que la peine de ce trois mois d'emprisonnement prononcée contre Lahoucine ben Lahoucine par arrêt de la Cour d'appel de rabat du 18 juillet 1958 ne s'applique qu'à la répression du délit de recel, seul légalement retenu, à l'exclusion de la complicité d'abus de confiance ; pour le surplus rejette le pourvoi ;
Président : M.Deltel. -Rapporteur : M. Ac. - Avocat général : M.Ruolt. - Avocat : Me Vallet.
Observations
I.-Sur le premier point : Sur la connexité, v. la note sous Cour supr, Crim, arrêt n° 422 du 5 nov.1959.
II.- Sur le deuxième point : le conducteur du camion, en détournant les fonds qu'il transportait dans le véhicule, commettait un abus de confiance, Mais le fait par un passager dudit véhicule d'accepter ces fonds qu'il savait provenir du délit d'abus de confiance constituait un recel, prévu par l'art.460 C.pén. modifié par la loi du 22 mai 1915, rendue applicable par le dahir du 23 juin 1915, mais non une complicité d'abus de confiance (Rép.crim, V° Recel, par Ag Ai, n°s 16 s ; v. également : Alfred légall'individu qui, assistant à un vol s'engage vis-à-vis de l'auteur principal à égarer les soupçons sur une fausse piste, moyennant partage du produit du vol, est-il complice du délit ? note sous Crim.15 janv.1948. s. 1949. I. 81 ; cet arrêt qui figure au BC s. 1949. I. 81 ; cet arrêt qui figure au Bc. 10 a été publié par D (1948.100) et analysé à la rev. science crim.1948.294).
Tout acte postérieur à la consommation de l'infraction, même s'il apparaît qu'il a en pour seul but d'entraver la répression de cette dernière t s'il révèle une collusion avec le coupable, ne constitue pas un acte de complicité (Rép.crim, V° Complicité, par Af Ah, n°s 96 s.).
III.- Sur le premier point : sur la peine justifiée, V. la note, troisième point, B, sous Cour supr, crim arrêt n° 400 du 22 oct.1959.
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