Rejet du pourvoi formé par la compagnie «la Concorde » contre un jugement du tribunal de première instance de Meknès du 8 janvier 1959 qui a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la compagnie «la Concorde » d'un jugement du tribunal correctionnel de paix de Meknès du 24 juin 1958.
Cassation par voie de retranchement sur le pourvoi formé dans l'intérêt de la loi par M. L'Avocat général près la Cour suprême.
10 décembre 1959
Dossier n° 2410
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la violation de l'article 188 du Code d'instruction criminelle et fausse interprétation de l'article 200 du même Code(1), en ce que le tribunal a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la demanderesse ;
Attendu que, statuant sur les poursuites dirigées contre C Ac Ae et Ad Ac Ab, prévenus l'un et l'autre d'infraction au Code de la route et de blessures homicide involontaires, à la suite d'une collision entre leurs camions, le tribunal correctionnel de paix de Meknès avait condamné Mekki déclaré seul coupable des faits qui lui étaient reprochés à 1000 francs d'amende pour croisement défectueux, 40000 francs d'amende pour blessures et homicide involontaires, avait relaxé C Ac Ae des fins de la poursuite, et sur l'action
(1)L'article 199 du Code d'instruction criminelle a été remplacé par les articles 409 et 410 du Code de procédure pénale du 1er chaabane 1378 (10 févr. 1959) qui, plus explicites sur l'effet dévolutif des appels du ministère public, du prévenu, de la partie civile et du civilement responsable, consacrent les solutions jurisprudetielles antérieures dont le présent arrêt fait une application nuancée.
Les dispositions de l'article 200 du Code d'instruction criminelle d'où résultait l'irrecevabilité de l'appel des jugements, soit préparatoires ou interlocutoires, soit statuant sur des incidents ou exeptions, ont été reprises dans l'article 386 du Code de procédure pénale avec, toutefois, un aménagement en ce qui concerne l'appel contre les jugements statuant sur une exception d'incompétence en raison de la matière.
civile de ce dernier contre son co-inculpé Mekki aux fins de réparation de dommages subis par son véhicule, avait sursis à statuer en raison de l'exception de non-assurance soulevée par la compagnie « La Concorde » mise en cause par C, et ordonné enquête pour l'audition de l'agent de cette compagnie ;
Que sur les seuls appels du ministère public, restreint à la condamnation prononcée contre Mekki, et de « La Concorde » contre toutes dispositions tant pénales que civiles du jugement, le tribunal de première instance, après avoir relaxé C Ac Ae, déclaré Ad Ac Ab coupable des faits qui lui étaient reprochés et aggravé sa condamnation, a déclaré irrecevable par application de l'article 200 du Code d'instruction criminelle, l'appel de « La Concorde»;
Que «La Concorde"reconnaît l'irrecevabilité de son appel quant aux dispositions civiles à caractère provisoire du jugement de paix, mais reproche au jugement déféré d'avoir déclaré irrecevable son appel du chef des dispositions par lesquelles le tribunal de paix avait déclaré Mekki seul coupable des faits qui lui étaient reprochés et prononcé la relaxe de C Ac Ae ;
Attendu qu'un assureur n'a aucune qualité pour exercer un recours à l'encontre de dispositions purement pénales concernent tant son assuré que le co-inculpé de ce dernier;
Qu'en l'espèce, ayant contesté le principe même de sa substitution qui demeure subordonnée au résultat d'une mesure d'instruction, la compagnie « La concorde» ne justifie quant à présent que d'un intérêt hypothétique qui ne lui permettait pas d'interjeter appel des dispositions du jugements relatives au fond du litige;
D'où il suit qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, le tribunal de première instance n'a pas violé les textes visés au moyen ;
SUR LE POURVOI DANS L'INTERET DE LA LOI formé par M. B général, pris de la violation des articles 202 et suivants du Code d'instruction criminelle;
Attendu que la saisine du juge d'appel est limitée par les termes de l'acte d'appel;
Attendu que la déclaration d'appel à minima du ministère public en date du 1er juillet 1958, était expressément restreinte aux condamnations prononcées contre Ad Ac Ab, et qu'ainsi le tribunal de première instance de Meknès, juge d'appel, ne pouvait examiner à nouveau les dispositions devenues définitives du jugements du tribunal de paix de Meknès du 24 juin 1958 qui avaient relaxé C Ac Ae, co-inculpé de Ad Ac Ab;
Qu'en faisant bénéficier C Ac Ae d'une seconde décision de relaxe, alors que celle prononcée par le premier juge était déjà définitive, le jugement d'appel attaqué a violé les textes visés au moyen ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par la compagnie d'assurances « La Concorde»,
....................................
Et sur le pourvoi formé par M. B général;
Casse et annule, dans l'intérêt de la loi seulement, par voie de retranchement et sans
renvoi, le jugement du tribunal de première instance de Meknès du 8 janvier 1959, mais uniquement en ce qu'il a statué à l'égard de C Ac Ae ou Smaïl, et prononcé à nouveau sa relaxe;
Président: M. Ag. -Rapporteur: M. Af. -Avocat général: M. Aa. -Avocats:MM. Couesnon, Lorrain.
Observations
I. Sur le premier point : Aux termes de l'art. 2, al. Ier et 2, du dahir du 29 rebia II 1356 (8 juill. 1937), relatif au règlement des frais et indemnités dus à la suite d'accidents d'automobiles et aux contrats d'assurances de responsabilité civile des propriétaires de véhicules automobiles sur route, modifié par les dahirs des 27 janv. 1941 et 23 mai 1943, «S'il y a assurance; l'assureur est substitué de plein droit à l'assuré, dans les limites de la garantie prévue au contrat, pour le paiement des indemnités ou des rentes allouées aux voyageurs transportés aux tiers ou à leurs ayants droit et de tous autres frais résultant de l'accident ».
« Dans le cas où une juridiction civile ou pénale est saisie d'une action en dommages- intérêts, l'assureur doit être obligatoirement appelé en cause par le demandeur en indemnité ou, à son défaut, par l'assuré. La décision attribuant une indemnité ou une rente doit mentionner la substitution de l'assureur à l'assuré dans les limites de la garantie prévue au contrat d'assurances ».
Lorsqu'une personne, victime d'un accident d'automobile, se constitue partie civile contre l'auteur de l'accident, l'assureur du prévenu doit être mis en cause et, bien qu'il ne figure pas parmi les parties énumérées par l'art. 405 du dahir du Ire chaabane 1378 (10 févr. 1959) formant Code de procédure pénale, il a le droit d'interjeter appel de la décision de condamnation. Il ne peut cependant remettre en question, devant la juridiction d'appel, les dispositions purement pénales qui concernent son assuré ou le coprévenu de ce dernier. (V. la note, premier point, sous Cour supr., Crim., arrêt n° 402 du 29 oct. 1959).
II. Sur le deuxième point: Sur l'effet dévolutif de l'appel, v. la note sous Cour supr., Crim., arrêts nos 563 et 698 des 25 févr. 1960 et 7 juill. 1960.
Lorsque l'appel interjeté par le ministère public ne contient aucune restriction quant à l'objet et à l'effet de cet appel, l'acte s'applique à tous les chefs de la prévention, à l'ensemble du jugement et à toutes ses dispositions, (Crim. 20 juill. 1934, B.C. 148). Mais le juge d'appel n'étant saisi que par l'acte d'appel et sa juridiction étant circonscrite par les termes de cet
acte, si un jugement contient des dispositions distinctes et s'il n'y a eu appel que d'une seule, il ne peut réformer les autres. Ce principe général et absolu s'applique à l'appel a minima du ministère public (Crim. 4 nov. 1937, B.C. 195; 17 avr. 1947. B.C. 104).
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