Dossier n° 666
94-59/60
Malvoisin Maurice c/ société «Compagnie Asiatique et Africaine»
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 17 mai 1957.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu que Malvoisin a, le 27 avril 1956, assigné la «Compagnie Asiatique et Africaine» en paiement d'une indemnité au motif qu'elle avait fait fraude à son droit en refusant, sous prétexte qu'elle voulait démolir pour reconstruire, de renouveler le bail en vertu duquel il occupait un terrain dont elle était propriétaire et qui comportait des constructions à usage commercial, puis, sans reconstruire, en vendant ce terrain à un tiers après en avoir fait expulser Malvoisin ;
Attendu qu'il fait grief à l'arrêt attaqué confirmatif (Rabat 17 mai 1957) d'avoir déclaré son action en paiement d'une indemnité d' «éviction» prescrite en vertu de l'article 33 du dahir du 2 chaoual 1374 (24 mai 1955), plus de deux ans s'étant écoulés, lors du dépôt de sa requête, depuis que la vente caractérisant la fraude avait été inscrite sur le titre foncier afférent à l'immeuble (16 mai 1950), alors qu'il avait fondé sa demande sur les dispositions des articles 77 et 78 du dahir des obligations et contrats et qu'en conséquence la prescription de droit commun était seule applicable ;
Mais attendu qu'il avait invoqué à la fois dans sa requête introductive les dispositions de l'article 20 du dahir du 24 mai 1955 et celle des articles 77 et 78 du dahir des obligations et contrats ; que le jugement, dont la Cour d'appel a adopté les motifs, sous seule réserve qu'elle a fait application de l'article 33 du dahir de 1955 alors que le tribunal avait appliqué l'article 42 du dahir du 17 janvier 1948, énonce que «la demande de Malvoisin s'analyse en une demande d'indemnité d'éviction puisqu'elle trouve son fondement dans le refus du propriétaire de lui consentir le renouvellement du bail qu'il avait sollicité», et en tire à bon droit cette double conséquence qu'il n'était pas recevable à invoquer les dispositions des articles 77 et 78 du dahir des obligations et contrats, et que son action fondée sur le dahir de 1955 était prescrite;qu'il importe peu, en effet, quant à la prescription, que l'indemnité prévue par l'article 20 soit différente de l'indemnité d'éviction ordinaire, les dispositions de l'article 33 étant applicables dans l'un et l'autre cas ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Hauw-Avocat général: M CA B Aa, Benarrosch.
Observations
Le bailleur d'un immeuble soumis au régime du Dh 24 mai 1955 peut toujours refuser de renouveler le bail, mais à la condition de verser à son locataire une indemnité d'éviction. Par exception à ce principe, les articles 11 et suivants de ce Dh prévoient des cas où cette indemnité n'est pas due, par exemple lorsque le propriétaire reprend les locaux pour les habiter (art 16) ou fait démolir l'immeuble pour le reconstruire (art. 12) ; mais, dans tous ces cas, par application de l'article 20 le locataire évincé peut obtenir «une indemnité égale au montant du préjudice subi», s'il établit que le bailleur a agi en vue de faire échec à ses droits.
L'arrêt rapporté décide, conformément à l'arrêt attaqué, que l'art 33 dh 24 mai 1955 qui limite à deux ans la prescription de «toutes les actions exercées en vertu» de ce Dh est applicable à cette action en indemnité. Le locataire avait tenté d'échapper à cette disposition en fondant également sa demande sur les dispositions générales des articles 77 et 78 C obl contr ; mais il ne pouvait, par le seul visa de ces deux articles, enlever à son action le caractère particulier que lui conféraient sa cause et son objet.