Dossier n°3298
96-59/60
El Aa Ac c/ Sau Emile.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 6 mars 1959.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE:
Vu l'article 222 du dahir de procédure civile
Attendu que le juge des référés n'est pas compétent pour trancher une contestation préjudiciant au fond du droit ;
Attendu que l'arrêt infirmatif attaqué, retenant sa compétence en matière de référé, déclare que Sau, propriétaire, est fondé à demander l'application à Aa de «la clause résolutoire habituelle en cas de non paiement de loyer» insérée au bail qu'il lui avait consenti le 1er juillet 1957, d'un appartement sis à Rabat, et prononce l'expulsion de Aa ainsi que de tous occupants de son chef, les loyers d'avril et mai 1958 n'ayant pas été réglés malgré la mise en demeure en date du 16 mai 1958 à lui adressée ;
Or attendu qu'il résulte de la procédure produite et des énonciations de l'arrêt attaqué que pour prétendre que la clause dont Sau se prévalait ne lui était plus opposable, El Aa a fait état de quittances de loyer délivrées depuis le 1er août 1957 à dame Aa par le gérant mandataire du propriétaire ; qu'il a soutenu qu'eu égard à cette circonstance, un contrat locatif verbal régulier s'était substitué au bail du 1 er juillet 1957 du fait de ce mandataire, auquel il avait toujours eu à faire, même pour la conclusion du bail écrit, à l'exclusion du propriétaire ;
Que dès lors en décidant que «la clause résolutoire devait produire effet, tant à l'égard de Aa que de dame Aa» comme «occupante de son chef et son titulaire d'un nouveau bail», «la délivrance de quittances à son nom par le gérant de Sau sans raison apparente», ne suffisant «pas à détruire la validité du bail litigieux» non dénoncé par Sau qui en est le signataire, la juridiction des référés a tranché une contestation sérieuse touchant au fond du droit et a ainsi violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: Mme A général: M Bocquet- Avocats: MM Cohen, Sabas.
Observations
Aux termes de l'article 222 C proc civ «les ordonnances de référé ne statuent qu'au provisoire et sans préjudice de ce qui sera décidé au fond» ; il en résulte que la juridiction des référés est incompétente pour trancher une contestation sérieuse touchant au fond du droit. Le caractère «sérieux» de la contestation soulevée par la partie défenderesse est apprécié par la juridiction des référés, mais sous le contrôle du juge de cassation (V Rép.pr.civ, V° Référé civile, par Ab Ad, n 75 et s).
En l'espèce, le locataire avait invoqué une novation ayant mis fin au bail initial et ayant entraîné en conséquence la caducité de la clause résolutoire qui y était incluse et sur laquelle le propriétaire fondait sa demande d'expulsion. La Cour suprême a estimé, contrairement à l'opinion du juge d'appel, que, compte tenu des éléments de fait relevés par ces derniers, cette contestation était suffisamment sérieuse pour échapper à la compétence du juge des réfères.