Rejet du pourvoi formé par Ag Ae Ah et la compagnie d'assurances « la Protectrice » contre un jugement rendu le 20 juillet 1959 par le tribunal de première instance de Fès qui a condamné Ag Ae Ah, sous la substitution de sa compagnie d'assurances, à payer à Bauer la somme de 2 500000 francs de dommages- intérêts en réparation définitive du préjudice subi.
11 février 1960
Dossier n°3673
La Cour,
SUR L'EXCEPTION D'IRRESEVABILITE du pourvoi invoquée par le défendeur au motif que la violation de l'autorité de la chose jugée ne constituerait pas l'un des cas de cassation limitativement prévus par l'article 586 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la violation de l'autorité de la chose jugée constitue un excès de pouvoirs, et une violation de la loi en ce qu'elle fait échec aux dispositions de l'article 451 du dahir des obligations et contrats ; qu'ainsi, elle entre dans les prévisions de l'article 586 précité ;
Que dès lors l'exception doit être rejetée ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION : violation de l'autorité de la chose jugéepar le jugement du 29 janvier 1957, en ce que le tribunal de première instance, écartant les conclusions de ben Ah, a déclaré recevable la demande additionnelle par laquelle Bauer, qui avait formé une demande en 2500000 francs de dommages- intérêts basée sur une incapacité permanente partielle de cinquante pour cent, a porté cette demande à 3333333 francs postérieurement audit jugement, alors que son incapacité ayant été évaluée par l'expert à cinquante pour cent, cette demande additionnelle non justifiée et dépourvue de cause, n'avait d'autre but que d'éluder les conséquences du partage de responsabilité fixé par le jugement et dont un quart demeurait ainsi à sa charge ;
Mais attendu que le jugement du 29 janvier 1957 qui opère partage de responsabilité entre les parties ne contient aucune disposition à caractère définitif statuant sur l'incapacité permanente partielle et le pretium doloris ; qu'il ne saurait donc rendre irrecevable une majoration de la demande initiale tendant à la réparation de ces deux chefs de préjudice ;
D'où il suit que le pourvoi n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Af. - Rapporteur : M. Ac. - Avocat général : M. Ak. - Avocats : MM. Vandal, Gayet et Viaque.
Observations
I- Sur le premier point : Si l'art.451 du dahir formant Code des obligations et contrats attribue à la chose jugée la force d'une présomption légale, l'art. 586 du dahir du 1er chaabane 1378 (10févr. 1959 ) formant Code de procédure pénale prévoit que les pourvois en stantielles de procédure ; -2° ) Excès de pouvoirs ; -3° ) Incompétence ; -4° ) Violation de la loi sur le fond ; -5° ) Manque de base légale ou défaut de motif. Cette énumération ne comporte pas la violation de la chose jugée.
On ne saurait cependant soutenir que la violation de la chose jugée ne donne pas ouverture à cassation.
En effet cette violation constitue un excès de pouvoir puisque la juridiction ne peut remettre en cause un litige ou une partie d'un litige jugé définitivement. Elle est également une violation de l'art. 451 sus-visé. « On regarde généralement, écrit Faye (n°114 ), l'excès de pouvoir comme des causes spéciales de cassation. Il n'y a, en réalité, que des violations de la loi dans le dispositif. (n°115 ) Il en est de même de la contrariété d'arrêts. )
II-Sur le second point : Le jugement du 29 janv. 1957 avait partagé la responsabilité de l'accident entre le prévenu et la partie civile, condamné le premier à payer à Bauer une somme représentant la réparation d'un chef du préjudice subi par ce dernier et, les chefs de demande relatif à la réparation de l'incapacité permanente partielle de travail et au « prix de la douleur » étant réservés, avait, avant dire droit au fond, ordonné une expertise médicale.
Il s'agissait donc d'un jugement mixte, à la fois définitif, en ce qui concerne le partage de responsabilité et la réparation d'un chef du préjudice, etpréparatoire, en ce qui concerne le montant total de la créance délictuelle (Sur les jugements mixtes, v. Rép. pr. Civ., V° Jugement, par Am Ab, n°17 ; Rép. Crim., V° Cassation, par Aj Ai, n°104 ; Nouv. Rép., V° Jugement avant dire droit, n°3 ; Morel, n°552 ; Cuche et Vincent, n° s
74, 354 et 424 bis ; R. Meurisse, Les dispositions définitives et avant dire droit d'un m^me jugement, Gaz. Pal. 1954. I. Ad. p. 10 ; Al Aa, Les jugements dits « mixtes », Rev. trim. dr. Civ. 1960, pp. 5 à 32 ).
En pareil cas il convient, ainsi que l'a fait la Cour suprême, d'appliquer distributivement aux divers chefs du jugement les règles particulières relatives aux jugements définitifs d'une part et aux jugements avant dire droit d'autre part (Crim. 4 mars 1938, B.C. 65 ; 22 juill. 1943, B.C. 80 ; 17 févr. 1944,B.C. 48, D.A. 1944. 61 ; 25 mars 1947, B.C. 92 ).
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