La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/1960 | MAROC | N°P547

Maroc | Maroc, Cour suprême, 11 février 1960, P547


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par le procureur commissaire du Gouvernement près le tribunal de première instance de Casablanca, contre un jugement rendu le 29 juin 1959 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, statuant sur appel d'un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud, s'est déclaré compétent et a relaxé Ah du chef de non-représentation d'enfant.
11 février 1960
Dossier n°3844
La Cour,
SUR LE MOYEN DE CASSATION EN SES DEUX BRANCHES :
Violation de l'article 581, 5°, du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, pour défaut de

base légale ; violation de l'article 6 du dahir du 12 août 1913, ensemble de l...

Rejet du pourvoi formé par le procureur commissaire du Gouvernement près le tribunal de première instance de Casablanca, contre un jugement rendu le 29 juin 1959 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, statuant sur appel d'un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud, s'est déclaré compétent et a relaxé Ah du chef de non-représentation d'enfant.
11 février 1960
Dossier n°3844
La Cour,
SUR LE MOYEN DE CASSATION EN SES DEUX BRANCHES :
Violation de l'article 581, 5°, du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, pour défaut de base légale ; violation de l'article 6 du dahir du 12 août 1913, ensemble de l'article 259 du dahir précité du 10 février 1959, en ce que les juges d'appel, pour se déclarer compétents ont invoqué l'article 2 du dahir du 12 août 1913 complété par le dahir du 1er septembre 1920 ;
Alors que d'une part le texte de l'article 2 est inapplicable en matière pénale, ne régissant que les matières civiles et commerciales, et que les règles de compétence pénale sont fixées par l'article 6, et qu'ainsi, la décision du tribunal de première instance de Casablanca, retenant sa compétence en vertu des dispositions de l'article 2, manque de base légale ;
Et que d'autre part, l'article 6 du dahir du 12 août 1913 dispose que « les crimes, délits et contraventions commis par des sujets marocains contre l'exécution des arrêts . de la justice française .sont justiciables des tribunaux français », et que l'infraction reprochée à
Ah constituant seulement une abstention et non un acte positif tendant à mettre en échec une décision de justice, le tribunal de première instance, en l'absence de tout autre texte visé à la poursuite, ne pouvait connaître de cette affaire sans violer les dispositions de l'article 6, paragraphe 2, 3°, du dahir du 12 août 1913 précité ;
Vu les dits articles ;
Attendu qu'il résulte des constatations des juges du fait, que part arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 2 mai 1958, rendu sur appel d'une ordonnance de non-conciliation avant divorce des époux Cherkaoui-Weber, la garde de l'enfant mineur Ae a été confiée provisoirement à la mère, avec droit de visite accordé à Ah ;
Que dame Weber, alléguant que son mari après avoir exercé le droit de visite s'était refusé à lui rendre l'enfant, et avait ainsi commis le délit prévu et réprimé par l'article 357 du Code pénal, a cité directement Ah, de nationalité marocaine, devant le tribunal correctionnel de paix : que cette juridiction s'est déclarée incompétente :
Que le jugement attaqué, réformant celui du tribunal de paix, a retenu sa compétence en vertu des dispositions du dahir du 1er septembre 1920 aux termes du quel les tribunaux français institués par le dahir du 12 août 1913 « seront encore compétents. Quelles que soient la nationalité des parties et la nature du litige, dans tous les cas se rattachant à l'exécution ou à l'interprétation ou à d'une décision ou d'un acte de l'autorité judiciaire française », et a constaté que les faits reprochés à Ah se rattachaient bien « à l'exécution d'une décision de l'autorité judiciaire française, devenue aujourd'hui autorité judiciaire marocaine moderne
Mais attendu que les dispositions légales retenues par le juge d'appel, sont insérées au second alinéa de l'article 2 du dahir sur l'organisation judiciaire ; que ce dahir règle successivement et dans des articles distincts, la compétence en matière civile et commerciale immobilière, pénale, administrative, de sorte que le dahir du 1er septembre 1920 inséré dans l'article 2 dont l'application est restreinte aux affaires civiles et commerciales, ne saurait être étendu à la matière pénale qui fait l'objet de l'article 6 ; que cet article 6, après avoir énuméré les cas d'infractions pour lesquels les tribunaux français étaient compétents, dispose que « ces mêmes tribunaux connaîtront également de tous crimes, délits ou contraventions, commis dans leur ressort par des sujets de Notre Empire. ou avec leur complicité 3° contre l'exécution des arrêts, jugements, sentences, ordonnances ou mandats de le justice française» ;
Que pour connaître des faits reprochés à Ah et qui eussent constitué le délit prévu et réprimé par l'article 357 du Code pénal, le tribunal correctionnel moderne, dévolutive des attributions des juridictions françaises, devait donc fonder sa compétence sur les dispositions de l'article 6, paragraphe 2 - 3°, précité ;
Qu'en effet Ah s'était fait remettre l'enfant pour exercer le droit de visite qui lui
était accordé, et avait par là même exécuté l'arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 2 mai 1958 qu'en conservant son fils au delà de la durée de visite autorisée, il accomplissait un acte positif faisant échec à l'exécution dudit arrêt, en ce qu'il avait attribué à la mère le droit de garde de l'enfant ;
Attendu que ce motif de droit pur, s'appuyant sur les éléments de faits fournis par le jugement attaqué, peut être suppléé par la Cour suprême et suffit à justifier légalement la décision rendue, qui est par ailleurs suffisamment motivée ;
D'où il suit que le pourvoi doit être rejeté ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Ad. -Rapporteur : M. Ab. -Avocat général : M. Aa. -Avocat : Me Sabas.s.
Observations
I -Sur le premier point : La chambre criminelle fait, dans l'arrêt rapporté, application des dispositions de l'art. 6, paragraphe 2, 3° du dahir du 12 août 1913 relatif à l'organisation judiciaire, aux termes duquel, les tribunaux qu'il a institués « connaîtront également de tous crimes, délits ou contraventions commis dans leur ressort par des sujets de Notre Empire, non protégés étrangères, ou avec leur complicité . 3° contre l'exécution des arrêts, jugements, sentences, ordonnances ou mandats de la justice française » (moderne ).
Les cas d'application de ce paragraphe sont rares. Il avait été jugé le 22 mai 1930 par le tribunal de première instance de Fès (D.H. 1930, somm. 2,penant. 1932. 90, Gaz. Trib. M. 1930. 285 ) que les juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913 étaient compétentes pour connaître du délit d'abandon de famille reproché à un Af qui avait contracté mariage devant l'officier de l'état civil et qui avait été condamné par le président du tribunal français au paiement d'une pension alimentaire. Le tribunal avait estimé que le délit avait été commis « contre l'exécution d'une ordonnance de la justice française ». Mais la Cour de cassation (Crim. 12 juill. 1938, B.C. 315 ) a décidé qu'en s'abstenant d'exécuter l'ordonnance, le prévenu n'avait pu commettre une telle infraction qui ne peut s'entendre que d'un acte positif tendant à mettre en échec une décision de la justice française.
En l'espèce, la garde d'un enfant mineur, né d'un Af et d'une Française, avait été confiée à la mère, par arrêt de la Cour d'appel statuant sur l'appel de l'ordonnance de non- conciliation rendue en matière de divorce. Le père, qui s'était fait remettre l'enfant pour exercer le droit de visite à lui accordé, avait par là-même exécuté l'arrêt de la Cour.« En conservant son fils, précise la Chambre criminelle, au-delà de la durée de visite autorisée, il accomplissait un acte positif faisant échec à l'exécution dudit arrêt, en ce qu'il avait attribué à la mère le droit de garde de l'enfant ». La juridiction moderne était, en conséquence, compétente pour connaître du délit de non-représentation d'enfant qui lui était reproché.
II-Sur le deuxième point : L'erreur dans les motifs d'une décision ne donne pas ouverture à cassation si la décision se justifie par d'autres motifs de droit qu'il appartient à la juridiction
de cassation de suppléer (Faye, n°113 ;Rép. Pr. Civ., V° cassation, par Ac Ag, n°s 2180 s. ). V. la note, deuxième point, sous cour supr.,Crim., Arrêt n°687 du 30 juin 1960.
________________


Synthèse
Numéro d'arrêt : P547
Date de la décision : 11/02/1960
Chambre pénale

Analyses

1° NON REPRESENTATION D'ENFANT - Compétence - Juridictions modernes.2° CASSATION - Arrêts de rejet - Substitution de motif - Dispositif justifié - Motif erroné.

1° Le prévenu de nationalité marocaine qui, après s'être fait remettre l'enfant pour exercer le droit de visite à lui accordé par une juridiction moderne, le conserve au-delà de la durée de visite autorisée, accomplit un acte positif faisant échec à l'exécution de cette décision en ce qu'elle a attribué à la mère le droit de garde de l'enfant.Le délit de non-représentation d'enfant qui lui est reproché relève, en conséquence, de la compétence du tribunal moderne par application de l'article 6, al. 2, 3°, du dahir relatif à l'organisation judiciaire .2°La Cour suprême peut substituer, au motif erroné, le motif de pur droit qui suffit à justifier légalement la décision rendue, suffisamment motivée par ailleurs.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1960-02-11;p547 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award