105-59/60 16 février 1960 1926
Ahmed ben Ad c/ Aa Ab et autres.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 11juillet 1958.
(Extrait)
La Cour,
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SUR LE SECOND MOYEN
Vu l'article 98 du dahir des obligations et contrats ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les dommages, dans le cas de quasi-délit, sont la perte effective éprouvée par le demandeur, les dépenses nécessaires qu'il a dû ou devrait faire afin de réparer les suites de l'acte commis à son préjudice, ainsi que les gains dont il est privé dans la mesure normale en conséquence de cet acte.
Attendu que pour ramener de 2000000 à 1300000 francs l'indemnité allouée à Ahmed ben Ad par les premiers juges en raison de l'amputation au niveau du tiers moyen du bras droit, qui ne lui permettait plus, suivant les renseignements donnés au dossier, de remplir son ancienne activité d'ouvrier agricole rémunérée mensuellement à raison de 10000 francs, la Cour d'appel a relevé que la victime exerce la profession de berger de tribu, que son invalidité ne lui a pas fait abandonner cet emploi et que le préjudice qu'il subit consiste en une atteinte importante à son intégrité physique sans grand retentissement réel sur ses facultés de travail et ses gains ;
Or, attendu qu'en s'abstenant de tenir compte de l'activité de la victime antérieure à l'accident, et de déterminer la consistance du dommage à partir de la date de l'événement qui l'a provoqué, en vue de réparer la perte effective par elle éprouvée, la décision a faussement appliqué, donc violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: Mme A général:M Bocquet-Avocats: MMTramini et Lorrain.
Observations
Si l'obligation de réparer le préjudice existe, en son principe, dès le jour où le dommage a été causé, l'obligation de verser une indemnité réparatrice ne naît que le jour où est rendue la décision qui en fixe le montant: déclaratifs en ce qui concerne le principe du droit à réparation, les jugements rendus en matière de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle sont constitutifs en ce qui concerne le montant de cette réparation (v Rép civ, V° Responsabilité civile, n 337 et s Ac B, Chr 89). Il en résulte que les dommages et intérêts alloués à la victime doivent
être évalués par le juge en fonction du préjudice existant à la date où la décision est rendue.
L'arrêt rapporté ne décide pas le contraire: il casse en effet l'arrêt de la Cour d'appel, non
parce que celle-ci avait évalué le dommage à la date de sa décision, mais parce que, dans son évaluation, elle n'avait pas tenu compte d'un chef de préjudice existant à cette date: la nécessité dans laquelle se trouvait la victime de se contenter d'un métier moins rémunérateur que celui que, sans l'accident, elle aurait continue à exercer.