Irrecevabilité de la plainte déposée par la dame Ae Ac au parquet de la Cour suprême et tendant à ce qu'il soit requis et ordonné l'ouverture d'une information à raison de la séquestration ou détention arbitraire de son époux Ae Ac, par des officiers de police judiciaire.
17 mars 1960
Dossier n°4966
La Cour,
Vu les articles 266 et suivants du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale ;
Attendu que la compétence en matière de crimes ou délits imputés à des officiers de police judiciaire est en principe régie par les articles 270, alinéa 1er et 269 du Code de procédure pénale, et qu'une seule exception à ce principe est prévue par le second alinéa de l'article 270 à l'égard des officiers de police judiciaire habilités à exercer leurs fonctions sur tout le territoire du Royaume ;
Qu'il s'ensuit que la compétence attribuée par le second alinéa de l'article 270 à la Chambre criminelle de la Cour suprême est exceptionnelle, et qu'il n'y a lieu à informer, pour cette Chambre, si l'infraction n'est pas formellement imputée à un personne ayant la qualité énoncée audit alinéa ;
Attendu que la plainte de dame Ac Ae tendant à obtenir de la Chambre criminelle de la Cour suprême l'ouverture d'une information se fait uniquement l'écho de « rumeurs persistantes » selon lesquelles son mari se trouverait « à l'heure actuelle arbitrairement détenu ou séquestré par des officiers de police judiciaire, dans des conditions non prévues et non autorisées par la loi » ;
Mais attendu que ces officiers de police judiciaire, non dénommés dans la plainte, ne sont pas identifiés, et qu'il n'existe aucune preuve ou présomption qu'ils aient été habilités à exercer leurs fonctions sur tout le territoire du Royaume, et qu'ils se trouvent de ce fait relever exceptionnellement de la compétence de la Cour suprême ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu pour la Chambre criminelle de ladite Cour d'ordonner, en l'état, que l'affaire sera instruite ;
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à ordonner en l'état que l'affaire sera instruite par un ou plusieurs membre de la Chambre criminelle de la Cour suprême.
Président : M Ad. -Rapporteur : M. Ab. -Avocat général : M. Aa. -Avocat : Me Luigi.i.
Observations
Les art. 266 à 270 du dahir 1er chaabane 1378 (10 févr. 1959) formant Code de procédure pénale, fixent les règles exceptionnelles de compétence relatives au jugement des crimes et délits imputés à certains magistrats ou fonctionnaires.
Lorsque le crime ou le délit est imputé à un officier de police judiciaire, il est en principe, par application de l'alinéa premier de l'art. 270, procédé dans les formes prévues par l'art. 269 : « le premier président de la Cour d'appel, saisi par le ministère public ou la partie civile, ordonne, s'il y a lieu, que l'affaire soit instruite par un juge d'instruction choisi hors de la circonscription où l'inculpé exerce ses fonctions ».
L'al. 2 de l'art. 270 prévoit cependant que « lorsque l'officier de police judiciaire est habilité à exercer ses fonctions sur tout le territoire du Royaume, la Cour suprême est compétente à son égard dans les formes prévues à l'art. 267».
Cette compétence de la Cour suprême est, ainsi que le relève l'arrêt, exceptionnelle et il
n'y a donc lieu à informer, pour la chambre criminelle, si le crime ou le délit n'est pas formellement imputé à une personne ayant la qualité d'officier de police judiciaire habilité à exercer ses fonctions sur tout le territoire marocain.
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