Rejet du pourvoi formé par G . contre un jugement rendu le 27 novembre 1958 par le tribunal de première instance de Rabat qui, après cassation d'un jugement du tribunal de première instance de Casablanca, en date du 16 décembre 1957, l'a condamné à 20000 francs d'amende pour exercice illégal de la profession d'avocat, et à payer un franc de dommages- intérêts à l'ordre des Avocats au Barreau de Casablanca.
7 Avril 1960
Dossier n°2818
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 10 du dahir du 20 janvier 1951 (modifié par le dahir du 27 mars 1956 ), et fausse application des articles 65, 66 66 bis du dahir du 10 janvier 1924 (modifié par le dahir du 18 février 1950 ) en ce que le tribunal a interprété l'article 10 du dahir du 20 janvier 1951 comme ayant eu seulement pour effet, en ce qui concerne la phase préliminaire des procédures d'injonction, de supprimer, pour les personnes exceptionnellement habilitées à représenter les parties en justice, la nécessité de la permission du juge alors que ce texte, de portée beaucoup plus générale, aurait pour conséquence d'autoriser quiconque, agissant soit personnellement, soit ès qualité, à poursuivre lesdites procédures, jusqu'à l'introduction d'un contredit, sans l'assistance d'un avocat et sans la permission du juge ;
Attendu que le dahir du 10 janvier 1924, modifié par dahir du 18 février 1950, réserve aux avocats, dans son article 65, le monopole de la représentation en justice, mais prévoit, dans son article 66, que les parties peuvent exceptionnellement, avec l'autorisation du juge, se faire représenter par un de leurs parents ou alliés jusqu'au troisième degré ;
Attendu que le dahir du 20 janvier 1951, modifié par dahir du 17 mars 1956, qui a institué une procédure simplifiée pour les actions en paiement de créances résultant d'un titre ou d'une promesse reconnue, dispose dans son article 10 que ces procédures peuvent « dans la phase antérieure à l'introduction éventuelle d'un contredit, se poursuivre sans l'assistance obligatoire d'un avocat, et sans qu'il soit besoin des autorisations spéciales prévues par l'article 66 » précité ;
Attendu que cet article 10 se borne ainsi à accorder à la partie poursuivante la faculté soit d'agir seule sans l'assistance d'un avocat, soit de se faire représenter sans autorisation du juge par les parents ou alliés visés à l'article 66 ; qu'en effet d'une part la non-obligation d'assistance par un avocat n'implique aucunement la possibilité de se faire représenter par un mandataire non avocat, d'autre part il eût été parfaitement inutile de dispenser expressément de l'autorisation du juge les parents et aillés visés à l'article 66, si la non-obligation d'assistance par un avocat avait déjà pour conséquence nécessaire, comme le soutient le demandeur au pourvoi, de permettre la libre représentation des parties par tout mandataire non avocat de leur choix ;
D'où il suit que loin d'avoir violé les textes visés au moyen le tribunal en a fait une exacte application ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, pris d'une violation des articles 488, 112, 113 et 114 du Code des obligations et contrats, dénaturation des conventions des parties, défaut de motif et manque de base légale, en ce que le tribunal aurait d'une part insuffisamment motivé sa décision, se contentant, pour affirmer le caractère illicite des endossements consenti à G., d'une référence aux pièces versées au dossier, à l'information pénale et aux débats, d'autre part, aurait dénaturé les conventions passés entre G. et ses clients ;
Attendu que les constatations matérielles et l'appréciation des faits, ayant servi de base à la poursuite, relèvent du pouvoir souverain des juges du fond lorsqu'elles ne sont, ni contradictoires entre elles, ni en opposition avec la caractère légal des faits constatés ; que les faits ainsi souverainement constatés et appréciés ne peuvent, sous prétexte de dénaturation, être remis en discussion devant la Cour suprême à l'aide d'éléments pris en dehors du jugement attaqué ;
Attendu qu'en l'espèce, les juges du fond ont dans la limite de leur pouvoir d'appréciation, par une décision motivée, estimé «qu'il était établi par les pièces versées au dossier par l'information préalable et par les débats que la cause des endossements » . consentis à G. « était illicite puisqu'elle n'avait pour but que de tourner la loi » en lui permettant « d'agir en justice . dans un domaine soumis au monopole des avocats » . ; que d'autre part G., « qui n'avait aucun risque à courir dans l'opération . se comportait non comme propriétaire des effets » qui lui avaient été remis, « mais comme mandataire chargé de représenter les créanciers en justice ». ;
Attendu que le tribunal a ainsi, par des motifs non contradictoires, caractérisé la fictivité d'endossements consentis pour dissimuler un mandat judiciaire illicite, et a fondé sa
conviction sur l'ensemble des élément de preuve qui lui étaient fournis, parmi lesquels figurent les documents visés au moyen et dont il avait la libre appréciation ; qu'il a, par ces constatations et appréciations souveraines, légalement justifié sa décision ;
Qu'en conséquence le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Berry.-Avocat général : M. Ruolt.-Avocats : MM. Lorrain, Luigi, Machwitz.
Observations
I. - Sur le premier point :Aux termes des art. 65, 66 et 66 bis du dahir du 2 joumada II
1342 (10 janv. 1924 ) sur l'organisation du barreau et l'exercice de la profession d'avocat, modifié par le dahir du 18 févr. 1950, en vigueur à l'époque des faits reprochés au prévenu, « les avocats inscrits au tableau ou sur la liste de stage d'un barreau peuvent, seuls, être choisis comme mandataires des parties devant les juridictions.(instituées par le dahir du 12 août 1913 ) et dans leurs secrétariats et bureau » (Art 65 ). __ « toutefois, la disposition qui précède ne fait pas obstacle à ce que, exceptionnellement, les parties se fassent, avec la permission du juge, représenter en justice par un de leurs parents. » (art. 66 ). __ «quiconque est convaincu d'accomplir de manière habituelle, des actes de procédure, sans avoir le titre d'avocat ou sans y être autorisé en application des positions de l'article précédent est passible d'une amende de ."(art. 66 bis ).
Ce dahir a été abrogé par le dahir du 10 kaada 1378 (18 mai 1959 ) ayant le même titre.
Ses art. 32 et 33, al. 1er, reproduisent les dispositions précitées des anciens art. 65 et 66 et l'art. 65 prévoit que « quiconque et convaincu d'accomplir de manière habituelle des actes de procédure sans y être autorisé, en application des dispositions de l'article 33, est passible d'une amende de . ».
Le dahir du 11 rebia II 1370 (20 janv. 1951 ), instituant une procédure simplifiée pour les actions en paiement de créances résultant d'un titre ou d'une promesse reconnue, modifié par le dahir du 17 mars 1956, prescrit dans son art. 10 que les procédures suivies en cette matière « peuvent, dans la phase antérieure à l'introduction éventuelle par le débiteur, de son contredit, se poursuivre sans l'assistance obligatoire d'un avocat et sans qu'il soit besoin des autorisations spéciales prévues par l'article 66 du dahir du 2 joumada II 1342 (10 janv. 1924 ) sur l'organisation du barreau et l'exercice de la profession d'avocat ».
Si l'art. 10 du dahir du 20 janv. 1951 autorise une partie à agir sans l'assistance d'un avocat, il ne lui permet cependant pas de se faire représenter par tout mandataire de son choix.
II.- Sur le deuxième point : En ce qui concerne le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et l'impossibilité de remettre en discussion, devant la Cour suprême à l'aide
d'éléments pris en dehors de la décision attaquée, les faits souverainement constatés et appréciés, v. l'art. 568 C.proc. Pén, cité dans la note sous Cour supr,Crim, arrêt n°548 du 11 févr. 1960.
Par ses constatations matérielles et ses appréciations souveraines des faits, qui caractérisaient la fictivité des endossements consentis pour dissimuler un mandat judiciaire illicite, le tribunal avait donné une base légale à sa décision.
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