170-59/60 27 avril 1960 1773
Brisabois René c/ consort Ad.d.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 27 juin 1958.
La Cour,
SUR LE MOVEN UNIQUE PRIS IN SES TROIS BRANCHES
Attendu que René Brisabois, contestant que les consorts Ad soient les légataires universels d'Hector Brisabois aux termes du testament mystique laissé par celui-ci, et soutenant qu'ils étaient légataires à titre universel, leur a demandé compte des fruits comme n'ayant pas requis la délivrance de leurs legs dans l'année du décès ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Rabat 27 juin 1958) d'avoir en un motif dubitatif et en violation des articles 3, § I du Code d'instruction criminelle, 209 du dahir de procédure civile et 451 du dahir des obligations et contrats, refusé de surseoir à statuer sur la requête de René Brisabois alors qu'il avait saisi le juge d'instruction de Bougie d'une plainte arguant le testament de faux et alors que l'arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 17 février 1954, auquel la décision attaquée a attaché l'autorité de la chose jugée, ne se prononçait pas en son dispositif sur la validité de l'acte de suscription du testament seul incriminé dans la plainte ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 209 du dahir de procédure civile n'obligeaient
pas les juges du fond à surseoir à leur décision, aucune instance en faux incident civil n'étant pendante «indépendamment» de l'action pénale, comme l'envisage ce texte ;
Que d'autre part il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que René Brisabois a «postérieurement à son assignation devant la juridiction civile saisi le juge d'instruction de Bougie d'une plainte en faux avec constitution de partie civile visant le testament mystique d'Hector Brisabois» que dès lors la règle «le criminel tient le civil en état», ne s'imposait pas davantage, à défaut pour la juridiction devant laquelle était mise en mouvement l'action publique et pour celle appelée à statuer sur la contestation civile, de relever d'une même souveraineté ;
Attendu que ce motif de pur droit, tiré des énonciations de la décision déférée elle-même, et substitué aux motifs critiqués de l'arrêt attaqué qui peuvent être considérés comme surabondants suffit à le justifier ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Houel-Avocat général: M XA C Ac,
Lacoste-Sabas, de Brun du Bois Noir, Renisio.
Observations
I-Aux termes de l'article 10, al 2, C proc pén, le juge civil doit surseoir au jugement de l'action-civile «tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, lorsque celle-ci a été mise en mouvement» (dans le même sens C inst crim français, art 3 ; et C proc pén français, art. 3) Cette règle qui a pour but d'éviter un risque de contradiction entre la décision du juge civil et celle du juge pénal n'est que le corollaire nécessaire du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil (v Rép pr civ, V° Questions préjudicielles, par Aa Ab, n 27) ; il est donc logique de soumettre son application aux mêmes conditions. Or, la chose jugée par une juridiction répressive étrangère n'a pas autorité devant les juridictions civiles nationales (v Rép pr civ, V° Chose jugée, par Roger Perrot n 228 et s.).
II-V supra, note V, sous l'arrêt n°75.