Rejet du pourvoi formé par la société « Stocks et Marchés » contre un arrêt correctionnel rendu le 10 novembre 1959 par la Cour d'appel de Rabat qui, après cassation partielle d'un précédent arrêt ayant relaxé S. du chef d'abus de confiance et renvoyé devant elle pour être statué sur les intérêts civils seulement, s'est déclarée incompétente de ce chef.
19 mai 1960
Dossier n°4703
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la violation des articles 12, 686 etsuivants du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, en ce que la Cour d'appel, devant laquelle la cause avait été renvoyée après cassation pour être statué uniquement sur les intérêts civils, s'est déclarée incompétente de ce chef, démontrant ainsi qu'elle considérait l'action civile impossible puisque l'action pénale était éteinte, alors que la demande de la partie civile entrait parfaitement dans la compétence de la Cour d'appel car elle était basée sur la convention liant les parties qui avait elle-même servi de fondement à la poursuite, et que tout au plus, la Cour d'appel aurait pu, si elle n'avait pas subi l'influence de l'absolution de l'infraction, la déclarer mal fondée ou irrecevable ;
Mais attendu que, loin de refuser d'examiner l'action civile en raison de l'extinction de l'action publique, la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Rabat a au contraire recherché à bon droit si le dommage dont il était demandé réparation trouvait sa cause dans l'infraction, bien que celle-ci ne soit plus pénalement punissable ; que c'est seulement après avoir décidé que l'intention frauduleuse, élément constitutif du délit d'abus de confiance, faisait défaut, et avoir ainsi constaté l'inexistence de l'infraction appréciée en tant que fait générateur de dommage, que la Chambre précitée a refusé d'accueillir l'action civile portée devant la juridiction répressive ;
Attendu que si ladite Chambre s'est alors déclarée incompétente pour statuer sur l'action civile, au lieu de déclarer cette action irrecevable ou mal fondée comme le suggère la société demanderesse au pourvoi, cette société, dont l'action civile n'eût en aucune de ces hypothèses reçu une solution plus favorable, ne saurait, faute d'intérêt, se prévaloir d'un tel grief devant la Cour suprême ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par la société Stocks et Marchés contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 10 novembre 1959.
Président : M. Ac. - Rapporteur : M. Ab. - Avocat général : M. Aa. - Avocats : MM. Gaudens-Ravotti, Bliah.
Observations
Poursuivi sur plainte avec constitution de partie civile de la société Stocks et Marchés, du chef d'abus de confiance, S. avait été acquitté en première instance au motif que la convention qui le liait à la société ne constituait pas l'un des contrats limitativement énumérés par l'art. 408 C. Pén. Sur les appels de la partie civile et du ministère public, le jugement avait été confirmé par la Cour d'appel de Rabat ; Mais l'arrêt avait été cassé le 28 mai 1959 par la Chambre criminelle qui avait décidé que la convention conclue entre les parties était un mandat. L'affaire avait été renvoyée devant la même cour d'appel autrement composée pour qu'il soit statué uniquement sur les intérêts civils, l'absence de pourvoi du ministère public ayant rendu irrévocable l'acquittement du prévenu.
La Cour d'appel avait, dans les limites de la cassation prononcée, et pour fonder sa décision sur les intérêts civils, recherché si le prétendu dommage dont il était demandé réparation trouvait sa cause dans une infraction. Elle avait décidé que S. n'avait pas agi avec intention frauduleuse et elle s'était, en conséquence, déclarée incompétente pour connaître de l'action civile.
La partie civile n'avait aucun intérêt à critiquer la décision d'incompétence au motif que la Cour aurait dû déclarer l'action civile mal fondée ou irrecevable puisque, de toute façon une décision ainsi rendue lui aurait été aussi défavorable.
Sur l'étendue de la cassation, en cas de pourvoi de la seule partie civile, v. Rép ; Crim., V° cassation, par Ae Ad, n°378 et la note, deuxième point, sous Cour supr.,Crim., arrêt n°110 du 17 juill. 1958 ; Sur les pouvoirs de la juridiction de renvoi dans ce cas, v. Rép. Crim., eod. V°, n°s 418 et 419 ; Sur la notion d'intérêt, v. la note, premier point, sous Cour supr., Crim., arrêt n°460 du 3 déc. 1959.
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