203-59/60 31 mai 1960 3283
Société «Bucover» c/ Société Française loiret et Haentjens, et autres
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 11 mars 1959.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat
11 mars 1959) que par contrat en date à Casablanca du 25 mars 1954 la Société Marocaine Loiret et Haentjens, agissant pour le compte de la Société Française Loiret et Haentjens, a vendu à la Société Commerciale de la Seine cent caisses de boîtes de sardines du Maroc, marque «opéra» moule 6/8, livrables de mars à mai ; que les sardines qui ont été expédiées le 29 mai étaient de la marque «mirentchu» et du moule 8/10 ;
Attendu que par requête déposée le 3 mai 1955 la Société commerciale de la Seine, invoquant la non conformité à la Commande de la marchandise livrée, a assigné la Société Loiret et Haentjens en résiliation du marché devant le tribunal de première instance de Casablanca ; que celle-ci a appelé en garantie son vendeur la Société Anonyme de Pêcheries et de Ac Ab qui a excipé de la forclusion édictée par les articles 553 et 573 du dahir des obligations et contrats et a appelé en garantie la société «Les Voiles Blanches»
Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif déféré d'avoir, en violation des dispositions des articles 553 et 573 du dahir des obligations et contrats, prononcé la résiliation du marché du 25 mars 1954 aux torts de la Société Loiret et Haentjens et condamné la Société Bucover à la relever et garantir du montant des condamnations prononcées au profit de la Société Commerciale de la Seine, au motif que la marchandise litigieuse était de marque et de catégorie différentes de celles précisées au contrat et qu'il s'ensuivait qu'il n'y avait pas eu accord des parties sur celles-ci ; alors que les énonciations de l'arrêt, qui constatait que la Société Loiret et Haentjens avait vendu cent caisses de boîtes de sardines marque «opéra» moule 6/8 et que l'expédition avait porté sur des sardines du moule 8/10 marque «mirentchu», démontraient qu'il s'agissait en réalité d'une marchandise manquant des qualités promises ; que ce défaut des qualités substantielles était soumis au délai de forclusion des articles susvisés ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la marchandise litigieuse était de marque et de catégorie différentes de celles stipulées au contrat de vente, l'arrêt déféré relève que l'action de la Société Commerciale de la Seine est fondée sur la livraison d'une marchandise non conforme à celle pour laquelle s'était fait l'accord des parties et non point sur l'absence de la qualité saine, loyale et marchande précisée au marché ; qu'ainsi en décidant que la forclusion des articles 553 et 573 du dahir des obligations et contrats ne s'appliquait pas en la cause, la Cour d'appel, dont l'arrêt est régulièrement motivé, n'a pas violé ces textes et a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M B général: M C A Aa, Hodara.
Observations
Aux termes de l'article 553 C ob. cont., l'acheteur est tenu d'examinerl'état de la marchandise vendue, dès sa réception, et de notifier au vendeur dans les sept jours de cette réception tout défaut dont celui-ci doit répondre ; l'article 573 dispose, d'autre part, que toute action résultant des vices rédhibitoires ou du défaut des qualités promises est subordonnée à l'existence de cette notification et se prescrit par trente jours à dater de la délivrance de la marchandise. Il résulte des expressions ainsi employées par le législateur que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l'action de l'acheteur est fondée, non sur l'état,les défauts ou les vices rédhibitoires de la marchandise livrée, mais sur la nature même de celle-ci.
En l'espèce, la demanderesse au pourvoi soutenait que la différence entre la marque et la catégorie de la marchandise prévue au contrat et celles de la marchandise effectivement livrée, entrait dans le cadre du défaut des qualités promises et que dès lors la forclusion prévue aux articles susvisés était applicable. En décidant le contraire, l'arrêt rapporté assimile ces différences de marque et de catégorie a une différence de nature.