Rejet du pourvoi formé par Fournioux contre un jugement, rendu le 3 décembre 1959 par le tribunal de première instance de Casablanca, qui a mis les sociétés Michaud et Cie et Ai Ag hors de cause et a condamné Fournioux aux peines de 600 francs d'amende pour dépôt d'objet sur la voie publique et 6000 francs d'amende avec sursis pour blessures involontaires.
2 juin 1960
Dossier n°4922
La Cour,
SUR LE MOYEN PREALABLE SOULEVE D'OFFICE par le ministère public,et «pris de la violation de l'article 348, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale, en ce que le tribunal de première instance de Casablanca, saisi d'une poursuite basée sur les articles 2 paragraphe 2, et 16 du Code pénal, dont l'un est inexistant et l'autre vise l'emploi des femmes condamnées aux travaux forcés, a cru cependant, sans rectifier ces textes, pouvoir prononcer une condamnation, confirmant une décision du tribunal de paix, basée sur ces articles manifestement erronés, en visant lui-même des textes non précisés»;
Attendu que s'il ressort des dispositions combinées des articles 352, numéro 3°, et 348, alinéa 2, du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale que les jugements de condamnation doivent à peine de nullité énoncer les textes de loi appliqués, l'article 589 du même code précise toutefois expressément que l'erreur dans les textes de loi visés ne peut donner ouverture à cassation dans le cas où la peine prononcée est la même que celle édictée par la loi applicable à l'infraction commise;
Attendu que Fournioux a été cité et condamné pour avoir déposé sur la voie publique ou ses dépendances un compresseur, objet gênant la sécurité ou la commodité de la circulation: que les fait ainsi qualifiés constituent en réalité la contravention définie sous le numéro 5° du paragraphe 2 de l'article 2 du dahir du 19 janvier 1953 sur la police de la circulation et du roulage ; que, par application du paragraphe 2 de l'article 15 de ce dahir, l'auteur d'une telle contravention, est passible de la peine d'amende, comprise entre 700 et 1200 francs, qu'édicte le paragraphe premier de l'article 16 du même dahir;
Attendu que le tribunal de paix s'est borné à reproduire les dispositions légales, inexistantes ou inapplicables en matière de dépôt d'objet sur la voie publique, qui avaient été indiquées par erreur dans la citation ; que les juges d'appel ont visé d'autres articles de loi, dont ils ont seulement indiqué les numéros, en omettant de désigner le dahir auquel ils se référaient ; que néanmoins ces références erronées ou cette omission n'ont point affecté la légalité de la peine de 600 francs d'amende à laquelle Fournioux a été effectivement condamné, une telle peine étant bien celle qui pouvait être infligée en vertu des articles précités du dahir du 19 janvier 1953, compte tenu des circonstances atténuantes expressément accordées par le jugement du tribunal de paix, confirmé sur ce point par les juges d'appel;
Que dès lors, en exécution des dispositions de l'article 589, alinéa premier, du Code de procédure pénale, le moyen ne saurait donner ouverture à cassation;
SUR LE MOYEN UNIQUE, en ses deux branches, pris par le demandeur de la violation des articles 347 et 352 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, et de l'article 18 du dahir du 19 janvier 1953 modifié par le dahir du 8 juillet 1954;
1° en ce que le jugement d'appel attaqué, croyant à tort rectifier une erreur matérielle inexistante du premier juge, a mis hors de cause en qualité de civilement responsable la société « Michaud et Cie », alors que celle-ci n'avait pas été appelée au procès;
2° en ce que Fournioux a été déclaré seul gardien responsable du compresseur et la société « Ital-Diesel » mise hors de cause en qualité de civilement responsable, alors d'une part que Ah avait été attrait au procès ès qualités de directeur de la société « Ital-Diesel » à qui le compresseur avait été confié par la société « Michaud et Cie », et alors d'autre part qu'aucun motif n'est énoncé pour justifier l'attribution à Fournioux de la garde du compresseur;
Attendu que, même en admettant avec le demandeur que les juges d'appel se soient mépris sur la portée de la décision du premier juge et aient par erreur mis hors de cause la société « Michaud et Cie » non appelée au procès, cette mise hors de cause d'un tiers étranger au litige, ne saurait faire grief au demandeur ; qu'ainsi le moyen est irrecevable en sa première branche ;
Attendu, en ce qui concerne la seconde branche, qu'il est établi par les énonciations du jugement du tribunal de paix et du jugement d'appel que, contrairement aux affirmations du demandeur, ce dernier a été attrait personnellement au procès, sa qualité de directeur de société n'étant mentionnée que pour définir sa profession ; que d'autre part, les juges d'appel ont estimé que Fournioux était seul responsable du compresseur laissé sans éclairage sur la voie publique et ont énoncé les motifs de cette appréciation, en la déclarant résulter « tant des déclaration de Fournioux du 10 décembre 1957 que de celles du syndic de la société Michaud à l'audience du 23 février 1959 » ; que par leur constatation motivée de la seule responsabilité de Fournioux, les juges du fait ont légalement justifié la mise hors de cause de la société « Ital-Diesel »;
Que par suite le moyen n'est pas fondé en sa seconde branche;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Ac. - rapporteur : M. B A. - Avocat général : M. Ad. - Avocat : Me Clouet
Observations
I.-Sur le premier point : L'art. 589, al. Ier, C. Proc. Pén. Prévoit que « lorsque la peine prononcée est la même que celle édictée par la loi applicable à l'infraction commise, nul ne peut demander l'annulation de la décision pour le motif qu'il y aurait erreur dans la qualification retenue par cette décision ou dans les textes de loi qu'elle a visés ».
s Sur la peine justifiée, v. Garraud, 2, n°1837 s. ; Ab Aa, Essai sur la peine justifiée, thèse, Paris, 1936 ; Rép. Crim., V° cassation, par Af Ae, n°
s309 s. ; Ab Aa, étude à la Rév. ScienceCrim. 1948, p ; 541, n°7 ; Donnedieu de Vabres, n°1520 ; Bouzat, n°1357.
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