Rejet du pourvoi formé par Af contre un jugement confirmatif, rendu le 30 juin 1959 par le tribunal de première instance de Casablanca, qui a relaxé dame Ac des chefs de blessures involontaires et délits de fuite, et s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de Kopieff, partie civile.
7 juillet 1960
Dossier n°4175
La Cour,
SUR L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITE soulevée par les défenderesses, et prise de
ce que l'article 585, alinéa 4, du Code de procédure pénale, qui limite, quant à son effet dévolutif, le pourvoi de la partie civile aux dispositions relatives à l'action civile, rendrait Kopieff irrecevable à critiquer le jugement en ce qu'il a prononcé en faveur de la prévenue une relaxe qui devait nécessairement entraîner l'incompétence du tribunal à statuer sur les conclusions de la partie civile.
Attendu que, quelque soit l'attitude du ministère public, le pourvoi en cassation est en matière délictuelle ouvert à la partie civile contre les décision définitives et en dernier ressort de nature à léser ses intérêts ; que l'article 585, alinéa 4, du Code de procédure pénale se borne à limiter aux seuls intérêts civils les effets du pourvoi de la partie civile mais ne
concerne pas la recevabilité de pourvoi, que bien que la décision de relaxe, dont a bénéficié Marie Illouze, soit devenue irrévocable du point de vue pénal, en l'absence d'un pourvoi du ministère public, le pourvoi de Kopieff, partie civile, soumet à la Cour suprême l'appréciation de toutes les dispositions a effets civils du jugement attaqué, ce qui implique l'examen mais uniquement en fonction de ses incidences civiles de la partie du jugement relative à l'action publique qui sert de base à la décision rendue sur l'action civile ;
Attendu en conséquence que l'exception d'irrecevabilité soulevée par les défenderesse ne saurait être retenue ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation des articles 347 et 586 du Code de procédure pénale, en ce que le jugement attaqué n'indiquerait ni les antécédents judiciaires de la dame Illouze inculpée, ni le mode et la date de la citation concernant les parties, et ce qu'il ne contiendrait pas le motif de droit sur lequel il est fondé, alors qu'en vu de l'article 347 du Code de procédure pénale, ces diverses mentions constitueraient des formalités substantielles de la procédure ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier qu'Illouze Marie, épouse Ac, n'a pas d'antécédents judiciaires : que l'article 347 du Code de procédure pénale édicte que tout jugement ou arrêt doit préciser les antécédents judiciaires de l'inculpé, il ne fait par contre nulle obligation de celui-ci, que le demandeur ne saurait se prévaloir de l'omission d'une formalité qui n'est pas prescrite par la loi ;
Attendu que si ledit article 347 dispose que tout jugement doit indiquer le mode et la date de la citation concernant les parties, il ne résulte pas de ses termes que ces mentions, qui ne figurent pas parmi celles prescrites à peine de nullité par l'article 352 du même Code constituent des formalités substantielles de la procédure, que d'autre part leur omission n'a pas porté atteinte aux droits de la partie civile ;
Attendu enfin que les juges d'appel ont énoncé les motifs de fait et de droit sur lesquels ils se sont fondés, puisqu'ils ont caractérisé les éléments ayant déterminé leur conviction en précisant notamment dans le jugement attaqué : « une confrontation est faite entre Illouze Aa Ac et le gardien de la paix Vincent René, qui ne la reconnaît pas comme étant la conductrice vue au moment de l'accident ; qu'en conséquence un doute subsiste sur l'indemnité de la personne qui conduisait la 9512MA.21 ; qu'il échet avec le premier juge, de constater qu'il n'est pas suffisamment établi à l'encontre de Illouze Aa Ac, qu'elle ait commis les faits qui lui sont reprochés » ;
Qu'ils s'ensuit que le premier moyen de cassation ne saurait être accueilli ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, pris d'une violation des articles 19 et 11 du dahir du 19 janvier 1953, sur la police de la circulation et du roulage, violation de la loi de fond, défaut de motifs et manque de base-légale, en ce que le jugement attaqué, tout en admettant qu'en raison des témoignages recueillis la dame Illouze pouvait matériellement se trouver sur les lieux au moment de l'accident, a relaxé la prévenu au motif que la gardien de la paix Vincent ne la reconnaît pas comme étant la conductrice vue par lui, alors que les
procès-verbaux dressés par les agents de police pour la constatation des contraventions et délits prévus par le dahir du 19 janvier 1953, faisant foi jusqu'à preuve contraire, il appartenait à la dame Illouze de rapporter la preuve de ce que le 8 juillet 1955, à midi 10, elle ne se trouvait pas au volant de son véhicule sur les lieux de l'accident, et qu'à défaut le tribunal devait la déclarer responsable des faits qui lui étaient reprochés ;
Attendu que le gardien de la paix Vincent tenait de l'article 19 du dahir du 19 janvier 1953 modifié par le dahir du 22 janvier 1955, le droit de constater les contraventions et délits, prévus par ledit dahir, et qu'un procès-verbal par lui régulièrement dressé, eut fait foi jusqu'à preuve contraire ;
Mais attendu qu'aucun procès-verbal de ce gardien de la paix ne figure au dossier ; qu'en effet le document intitulé « procès-verbal n°1893 » n'est qu'un rapport rédigé par le commissaire de police, sur les indications de l'agent Vincent, et qui constitue un simple compte rendu ne relevant aucune infraction à la police du roulage et ne contenant aucune indication sur l'identité de la conductrice du véhicule ;
Qu'ainsi le tribunal, qui s'est uniquement référé aux déclarations du gardien de la paix, a
pu, dans la limite de son pouvoir souverain d'appréciation, et sans méconnaître la valeur probante qui s'attache aux procès-verbaux régulièrement dressés, estimer qu'il y avait doute sur l'identité de l'auteur de l'accident ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi
Président : M. Ab - Rapporteur : Mberry - Avocat général : M Ruolt-avocats : MM. Meylan, Laporte
Observations
I.- Sur le premier point : v la note sous Cour, Crim, arrêt n°666 du 9 juin 1960.
L'arrêt ci-dessus rapporté précise, d'une part, que l'al.4 de l'art.585C.proc.pén.ne concerne pas la recevabilité du pourvoi de la partie civile et, d'autre par, qu'un tel pourvoi soumet à la Cour suprême l'appréciation de toutes les dispositions à effet civil du jugement attaqué, ce qui implique l'examen, mais uniquement en fonction de ses incidences civiles, de la partie du jugement relative à l'action publique qui sert de base à la décision rendue sur l'action civile (En ce sens, V. Rép.Crim, V° cassation, par André Pép y, n°257 ).
II.-Sur le second point :
A ) V. la note, premier point, sous cour sup- Crim- arrêt n°379 du 22 juill 1959. L'art.347C. proc.pén. prescrit que » tout jugement ou arrêt doit contenir .
4°) le mode et la date de la citation concernant les parties, ou en matière criminelle, la date de notification de l'arrêt de renvoi ».
III - sur le troisième point : l'art.19 du dahir du 3 joumada I372 (19 janv.1953 ) sur la conservation de la voie publique et la police de la circulation et du roulage, modifié par le dahir du 22 janv.1955, prévoit que « sont spécialement chargés de constater les contraventions et les délits prévus par . (ce ) . dahir, . les commissaires et agents de police . Les procès-verbaux dressés en vertu du .dahir font foi jusqu'à preuve contraire ».
(V.l'art.291 C.Pén. ).
l'art.292 C proc.pén. énonce que « le procès-verbal n'a force probante qu'autant qu'il est régulier en la forme et que son auteur, agissant dans l'exercice de ses fonctions rapporte, sur une matière de sa compétence, ce qu'il a vu ou entendu personnellement ».
le rapport rédigé par un commissaire de police sur les indications d'un agent de police ne constitue pas un procès-verbal dont les énonciations font foi jusqu'à preuve contraire.
(V.à ce sujet, Rép. Crim., V° Procès-verbal par Ad Ae, n°190 ).Il ne lie donc pas le tribunal car il s'agit d'un simple renseignement qui ne forme aucune preuve légale.
Le juge peut donc, en présence des dénégations du prévenu, décider souverainement que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis (Crim.3avr.1930, B.C.109. 10 OCT 1940, Gaz.Pal 1940.2.244 ).
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