Arrêt n°242
JUGEMENTS ET ARRETS-Motivation-Motifs insuffisants-Connaissance personnelle du juge.
Les juges ne peuvent fonder leur conviction sur des investigations personnelles.
242-59/60 12 juillet 1960 2762
Augier Emile C/ société «La Princière et Palais Roya1 Réunis».
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 16 janvier 1959.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE
Vu l'article 399 du dahir des obligations et contrats ;
Attendu que les juges du fond, tenus d'énoncer les motifs qui les déterminent à écarter les conclusions d'un rapport d'expert, ne peuvent fonder leur décision sur des renseignements qu'ils ont recueillis au cours de leurs investigations personnelles ;
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué que Augier, qui a donné en location le 28 février 1953 un immeuble à la société «La Princière et le Palais Aa Ab» moyennant un loyer mensuel de 200000 francs, a assigné cette société devant le juge des référés du tribunal de première instance de Casablanca pour qu'il fût statué, en conformité des dispositions de l'article 2 du dahir du 18 rebia II 372 (5 janvier 1953), sur la révision du prix du loyer ; que l'ordonnance de référé rendue le 10 avril 1958, au vu de l'expertise précédemment ordonnée, a accueilli cette demande et fixé le montant du loyer mensuel à la somme de 300000 francs ;
Attendu que cette décision a été infirmée par l'arrêt déféré au motif que les études publiées dans les revues officielles «La Conjoncture Ac Ae» et «l'Evolution Economique du Maroc» dans le cadre du deuxième plan quadriennal 1954-1958 ne font nullement apparaître qu'il se soit produit de 1953 à 1957 une modification des conditions économiques qui ait entrainé une variation en hausse des loyers commerciaux et plus particulièrement, en ce concerne la présente espèce, une augmentation de plus du quart de la valeur locative des lieux ;
Or attendu qu'en se fondant sur des renseignements résultant des investigations personnelles des juges du fond, l'arrêt déféré a violé l'article susvisé
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du moyen, Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Neigel-Avocat général: Me.Bocquet-Avocat: M Ad.d.
Observations
Les juges ne peuvent fonder leur décision que sur des éléments de fait librement débattus devant eux par les parties suivant les formes légales «v notamment Rép. pr Civ V° Jugement n 44)