6-60/61
Ramet Marie c/ Ad Ab Aa.a.
Rejet du pourvoi formé contre Un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 19 avril 1958
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN:
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat 19 avril 1958) que, par acte sous seing-privé en date du 23 novembre 1926, Ad Ab Aa a vendu à demoiselle Ramet une propriété agricole composée de plusieurs parcelles dont il garantissait la superficie indiquée de cent hectares, parmi lesquelles celle objet de la réquisition d'immatriculation «Benncer» 1510 R, qu'il a été par suite stipulé au contrat que Si l'immatriculation révélait une superficie inférieure à celle vendue, le nombre d'hectares nécessaires pour remplir l'acheteur de la quantité par lui acquise serait à prendre sur la propriété du vendeur, titre foncier «Briata» 1936 R ;
Attendu que suivant contrat reçu par notaire le 1er mars 1932 Ad Ab Aa a vendu à demoiselle Ramet 170 hectares de terres, dont la parcelle objet de la réquisition 1510 R précédemment vendue ; qu'il était précisé que, la vente étant faite à la mesure, les parties devraient «se tenir respectivement compte de la différence qui serait révélée à la conservation foncière lors de l'immatriculation et celle ci-dessus fixée sur les bases suivantes, cent vingt hectares à 1800 francs l'hectare et le surplus à 1000 francs l'hectare» ;
Attendu que Ad Ab Aa n'ayant pu lui délivrer qu'une superficie de 41 hectares 6331; demoiselle Ramet l'a assigné devant le tribunal de première instance de Rabat pour qu'il fût condamné à lui remettre une superficie de 128 hectares 3669 à prélever sur sa propriété titre foncier «Briata» 1936 R, ainsi qu'il s'y était engagé dans l'acte du 23 novembre 1926 ; que Ad Ab Aa a excipé de ce que l'acte notarié du ler
mars 1932 transformant la vente en une vente à la mesure avait nové le contrat du 23 novembre 1926 ; que ce moyen a été accueilli par le tribunal de première instance qui, par jugement rendu le 25 juin 1956, a rejeté la demande de demoiselle Ramet ;
ultra petita en déclarant que demoiselle Ramet ne pouvait que demander remboursement du prix des superficies non livrées par Ad Ab Aa, alors que celle-ci avait seulement demandé dans ses conclusions qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait toute action, notamment celle résultant de l'article 528 du dahir des obligations et contrats, et que Ad Ab Aa n'avait pas postulé que ces réserves fussent limitées au remboursement du prix ; Attendu qu'il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir statué
Mais attendu qu'aucune violation de la loi n'étant invoquée, le moyen tiré del'ultra petitane peut faire l'objet d'un recours en cassation
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES
Attendu qu'il est encore reproché à la Cour d'appel d'avoir, en violation des articles 189 du dahir de procédure civile et 347 du dahir des obligations et contrats, considéré que l'acte notarié du 1er mars 1932 faisait novation à l'acte sous seings privés du 23 novembre 1926 aux motifs d'une prétendue différence d'objet entre les deux actes, l'un portant sur un nombre déterminé et garanti d'hectares immatriculés, et l'autre sur des superficies indéterminées de terres à immatriculer, alors, d'une part qu'aucune contradiction quant à l'objet des deux conventions ne résulte de ces deux contrats, et alors, d'autre part, que la novation devant être prouvée par celui qui l'invoque, l'arrêt attaqué ne précise pas les faits qui permettraient d'établir que les parties avaient entendu faire novation à la première convention en éteignant ainsi l'obligation de garantie de Ad Ab Aa ;
Mais attendu que Si la novation ne se présume point et Si la commune intention des parties doit résulter avec une netteté suffisante de la nature de la convention, des faits et circonstances de la cause que les juges du fond apprécient souverainement, en l'espèce, l'arrêt attaqué observe que les actes en date des 23 novembre 1926 et ler mars 1932 diffèrent essentiellement dans leurs conditions de vente, le premier portant sur un nombre d'hectares déterminé et garanti, alors que le second concerne des terres vendues à la mesure et dont la superficie ne sera connue que par leur immatriculation.
Qu'ainsi la Cour d'appel, après avoir souverainement dégagé l'intention des parties et constaté par son arrêt, régulièrement motivé, que sont réunies les conditions d'existence de la novation, a pu décider que la convention du 1er mars 1932 avait nové la clause du contrat du 23 novembre 1926 relative à la garantie due par le vendeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Drappier-Rapporteur: M X général: M BA C Ac, Sales et Petit.
Observations
I et Il-V supra, note III et IV sous 1'arrêt n° 67.
III-La novation ne se présume pas. Il n'est cependant pas indispensable que la volonté de nover soit exprimée de façon formelle et elle peut, sous le contrôle du juge de cassation, être déduite des circonstances de fait et des conventions des parties, à condition que celles-ci l'établissent de façon certaine et non équivoque (v supra, arrêt n°105 et la note II et parmi les arrêts récents de la Cour de cassation française Civ IV, 9 juil. 1959, B.899 ; 4 févr 1965 B.111 ; 16 déc 1965, B.941)