8-60/61
Ah Af Ac c/ Ab Ag Ac et autres.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 4 novembre 1959.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN:
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Rabat 4 novembre 1959) que Ah Af Ac Af Ae a demandé les 4 septembre 1947 et 4 novembre 1948 l'immatriculation de parcelles de terrains agricoles sous les numéros. 25326 C et 26466 C qu'il a produit pour justifier de ses droits de propriété trois actes d'adoul en date des 1er safar 1323 (7 avril 1905), 15 choual 1324 (2 décembre 1906) et 21 safar 1326 (25 mars 1908) constatant qu'il avait acheté ces parcelles à son père et à sa tante paternelle Ad bent Mohamed ; que par suite du dépôt de ces réquisitions le cadi s'est déclaré incompétent pour connaître de l'instance en partage et règlement d'usufruit introduite le 9 kaâda 1366 (22 septembre 1947) par les sours de Ah Af Ac contre ce dernier ; que Ae Af Aa, agissant au nom de son épouse Ab Ag Ac, de Aloua bent Kaddour et de Ad Ag Ac, revendiquant les droits indivis hérités de leur père, a formé deux oppositions que le tribunal de première instance de Casablanca a accueillies par jugement rendu le 22 mars 1958 ;
Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens invoqués par Ah Af Ac sans avoir préalablement examiné ceux des consorts Ab Ag Ac, alors que la charge de la preuve incombe aux opposants qui ont la qualité de demandeurs ;
Mais attendu que Si les juridictions saisies du contentieux de l'immatriculation doivent uniquement statuer sur les prétentions des opposants, qui ont la qualité de demandeurs, sans se prononcer sur la recevabilité de la réquisition, qu'il appartient au conservateur seul d'admettre ou de rejeter, les juges du fond n'excèdent pas leurs pouvoirs en examinant les droits des requérants pour apprécier la valeur de ceux des opposants qui paraissent justifiés,
Attendu qu'en l'espèce la justification des prétentions des consorts Ab Ag Ac, sours de Ah Af Ac, à la copropriété indivise des terrains litigieux résultait de leur origine non contestée et de la parenté des parties ; qu'il appartenait dans ces circonstances à Ah Af Ac de rapporter la preuve des ventes qu'il opposait à cette revendication,
D'où il suit que la Cour d'appel n'a pas renversé le fardeau de la preuve et que le grief ne peut être accueilli ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN:
Attendu que le pourvoi reproche encore à l'arrêt déféré d'avoir déclaré sans valeur les actes d'acquisitions produits par Ah Af Ac au motif qu'ils n'étaient pas établis «suivant les exigences de la loi foncière actuelle», alors que ces actes bien qu'irréguliers lui avaient permis d'occuper de bonne foi les terrains acquis.
Mais attendu que, conformément aux règles du droit musulman applicables en la matière, le juge a le pouvoir d'écarter des débats un acte adoulaire qu'il estime irrégulier ou suspect ;
Attendu que l'arrêt énonce que les trois actes produits par Ah Af Ac sont dénués de valeur probante, ceux de 1905 et 1906 n'étant ni homologués, ni avérés et celui de 1908 n'étant pas homologué ; qu'il note encore que les quatre témoins entendus à l'enquête dont l'un à la requête de Rahal, ont affirmé que ce dernier n'avait pas atteint l'âge de dix ans lors du décès de son père et que sa tante paternelle Ad bent Mohamed ne possédait que des droits indivis avec son frère ; qu'il relève enfin que selon l'acte d'adoul du 13 choual 1363 (3 août 1944), Ah Af Ac a reconnu les droits de copropriété indivise de ses sours dans sept des huit parcelles qui ont fait l'objet de ses deux réquisitions d'immatriculation ;
Qu'ainsi en décidant, en l'état de ces constatations et énonciations, d'écarter des débats les trois actes adoulaires produits par Ah Af Ac, la Cour d'appel a émis une appréciation souveraine, échappant au contrôle de la Cour suprême ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
SUR LE TROISIEME MOYEN
Attendu que Ah Af Ac reproche enfin à la Cour d'appel d'avoir, pour écarter la prescription extinctive qu'une possession de plus quarante années lui permettait d'invoquer, opposé à celui-ci la reconnaissance des droits de copropriété indivise des consorts Ab Ag Ac résultant de l'acte adoulaire du 3 août 1944, alors que Ah Af Ac avait formellement contesté avoir comparu devant les adouls et argué de ce que cet acte constituait un faux ;
Mais attendu que Ah Af Ac, qui n'a pas usé de la faculté qu'il s'était réservé de s'inscrire en faux, n'est pas fondé a reprocher à la Cour d'appel de ne pas avoir retenu le caractère prétendûment apocryphe de cet acte.
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M A général: M Bocquet-Avocat: Me Oukkal.l.
Observations
I Voir supra, note I sous l'arrêt n°64.
II-Voir supra, arrêt n°28 et la note.
III-Lorsque l'une des parties à la procédure d'immatriculation argue de faux un acte authentique produit par son adversaire, la juridiction saisie lui impartit un délai pour s'inscrire en faux conformément aux dispositions de l'article 199 C proc civ si à l'expiration de ce délai la partie ne justifie pas d'une inscription de faux régulière, la juridiction passe outre et a la faculté de fonder sa décision sur la pièce litigieuse.