5° Hors le cas où ils déclarent expressément de dommages-intérêts, les juges du fond ne peuvent accorder que les intérêts moratoires à compter de la date du jugement de condamnation attributif de la créance indemnitaire.
6° Lorsque le demandeur soutient que les juges du fond se seraient contentés d'une motivation dubitative pour établir un lien de cause à effet, alors qu'ils ont au contraire nettement caractérisé ce lien, le moyen manque en fait. 7° En application de l'article 568 du Code de procédure pénale, le contrôle du juge de cassation ne s'exerce ni sur la matérialité des faits constatés par les juges répressifs ni, hors le cas où l'admission en est limitée par une disposition légale, sur la valeur des preuves qu'ils ont retenues.
8° La détermination de l'indemnité à allouer dans les limites des conclusions de la partie civile pour assurer la réparation du préjudice résultant d'un délit relève du pouvoir d'appréciation des juges du fond qui ne sont tenus ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de justifier la condamnation indemnitaire par des motifs appropriés ni d'en spécifier les brases.
9° La victime d'un délit a la faculté de se faire indemniser à son choix par l'auteur de ce délit ou par son civilement responsable, tous deux étant tenus in solidum de l'entière réparation du dommage.
Le demandeur en cassation ne peut, en conséquence, faire grief au jugement attaqué de n'avoir pas simplement retenu à titre subsidiaire la responsabilité du civilement responsable. Irrecevabilité des pourvois formés par B Aa Y Aa Ah et la société marocaine d'assurances contre les dispositions pénales du jugement rendu le 8 mars 1960 par le tribunal de première instance de Rabat, qui a déclaré le premier civilement responsable de Driss ben Bo Aa Ap avec substitution de la société marocaine d'assurances.
Cassation dudit jugement uniquement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts moratoires des dommages-intérêts alloués à Bf Ba, partie civile, à une date antérieure à celle du jugement confirmé du 30 juin 1959, attributif de la créance indemnitaire.
27 octobre 1960
Dossiers n° 5113 et 5114
La Cour,
SUR LA RECEVABILITE DES POURVOIS :
Attendu que Bf Ba allègue que les deux pourvois seraient irrecevables, en raison de ce que le mémoire exposant les moyens de cassation de chacun des demandeurs ne viserait pas nommément l'autre demandeur ; mais attendu qu'étant régulièrement mise en cause et défenderesse à deux pourvois simultanés Vve Ba ne peut, faute d'intérêt, se prévaloir de cette omission qui ne lui fait pas personnellement grief ;
Attendu que Bf Ba prétend en outre que les deux pourvois seraient irrecevables car le civilement responsable et son assureur n'auraient pas qualité pour agir en l'absence du prévenu ; mais attendu que B Aa Y a été personnellement condamné comme civilement responsable et que la « Société Marocaine d'Assurance » a elle-même été expressément condamnée à garantir ses deux assurés Bg Aa Bo et B Aa Y ; que ces condamnations qui les frappent rendent les demandeurs recevables, dans les huit jours de la décision contradictoire à leur égard, à se pourvoir en cassation sans le concours du prévenu, mais uniquement pour la sauvegarde et dans la mesure de leurs propres intérêts ; que leur recours, étant en vertu de l'article 585 alinéa 4 du Code de procédure
pénale nécessairement limité par la qualité de ses auteurs, ne saurait leur permettre d'attaquer les dispositions purement pénales du jugement entrepris ; qu'il n'y a pas lieu dès lors d'examiner les deux premiers moyens communs aux demandeurs qui, invoquant une violation des articles 9 du dahir du 19 janvier 1953 et 768 du Code de procédure pénale, contestent la légalité du taux et du nombre des amendes infligées au prévenu ;
Attendu que la notification à son curateur effectuée le 9 mars 1960 a, vis-à-vis de ce prévenu,
fait courir le délai d'opposition relativement aux dispositions civiles du jugement notifié qui, faute d'opposition, sont devenues définitives à l'expiration dudit délai ; que le pourvoi des demandeurs en tant que dirigé contre ces dispositions, satisfait donc aux exigences de l'article 571 du Code de procédure pénale ;
SUR LE MOYEN EN SES TROIS BRANCHES, commun aux deux demandeurs, violation de l'article 347 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, pris de ce que les juges du fond auraient retenu B Aa Y comme seul civilement responsable sans statuer sur la qualité de civilement responsable de la seconde personne recherchée à ce titre ;
Attendu qu'il ressort des qualités du jugement confirmé par la décision d'appel attaquée que le camion conduit au moment de l'accident par le prévenu Driss ben Mohamed lui appartenait en association avec B Aa Y ; mais attendu que la faute pénale dommageable engageant par elle-même la responsabilité civile de son auteur, ce dernier ne saurait en outre être condamné en qualité de personne civilement responsable de lui-même ; que dès lors, ayant retenu la responsabilité pénale de Driss ben Mohamed comme conducteur, les juges du fond n'avaient pas à statuer sur sa responsabilité civile comme associé copropriétaire du camion ; que, tel que présenté, le moyen est dépourvu d'intérêt, tant à l'égard de B Aa Y qui ne conteste pas sa propre responsabilité civile, que de la Société Marocaine d'Assurances condamnée à substituer ses deux assurés ;
SUR LE MOYEN EN SES TROIS BRANCHES, commun aux deux demandeurs, pris de ce que les condamnations civiles ont été assorties des intérêts de droit à compter du jour de l'accident ;
Attendu que, hors le cas où ils déclarent expressément allouer des intérêts à caractère compensatoire à titre de supplément de dommages-intérêts, les juges du fond ne peuvent accorder que les intérêts moratoires à compter de la date du jugement de condamnation attributif de la créance indemnitaire ; qu'en faisant remonter le point de départ des intérêts de droit au 21 décembre 1957 date de l'accident, antérieure au jugement confirmé du 30 juin 1959 ayant accordé les dommages- intérêts, le jugement confirmatif attaqué a inexactement appliqué la loi ; qu'il a en outre statué ultra petita, la partie civile ayant sollicité l'octroi d'intérêts moratoires à compter de sa demande ; qu'il y a donc lieu à cassation de ses dispositions ayant fixé le point de départ desdits intérêts ;
SUR LE MOYEN COMMUN AUX DEUX DEMANDEURS, pris de la violation des articles 347 et 288 du Code de procédure pénale en ce que le juge du fait se serait contenté de motifs dubitatifs pour établir un lien de cause à effet entre l'éclairage éblouissant des phares du camion et les blessures et l'homicide involontaires ;
Attendu que le premier juge, dont le jugement confirmatif attaqué s'est expressément approprié les motifs, a relevé la relation existant entre la faute que constituait l'éclairage défectueux et l'accident survenu ainsi que l'homicide et les blessures qui en ont été la conséquence ; qu'il a en effet pris soin de préciser que l'autre conducteur gêné par l'éblouissement dont il était victime n'avait pu
garder la parfaite maîtrise de son véhicule ; que le rapport de causalité entre la faute et le dommage étant ainsi nettement caractérisé, le moyen manque en fait ;
SUR LE MOYEN EN SES QUATRE BRANCHES, COMMUN AUX DEUX DEMANDEURS, pris de la violation de la loi, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, en ce que le juge du fait ne se serait pas expliqué sur les raisons ayant motivé son choix entre des témoignages contraires, sur la force probante d'aveux ou constatations concernant un organe déplacé du fait de la collision, sur les critiques apportées au relevé de salaires, sur les modalités du calcul des indemnités revenant aux parties civiles ;
Attendu qu'en application de l'article 568 du Code de procédure pénale le contrôle du juge de cassation ne s'exerce ni sur la matérialité des faits constatés par les juges répressifs ni, hors le cas où l'admission en est limitée par une disposition légale, sur la valeur des preuves qu'ils ont retenues ; que dès lors le jugement attaqué échappe à toute critique en ce que ses auteurs auraient fait prévaloir les déclarations de certains témoins ou n'auraient pas retenu pour former leur conviction divers éléments de preuve produits aux débats ;
Attendu d'autre part que la détermination de l'indemnité à allouer dans les limites des conclusions de la partie civile pour assurer la réparation du préjudice résultant d'un délit relève du pouvoir d'appréciation des juges du fond qui ne sont tenus ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de justifier la condamnation indemnitaire par des motifs appropriés ni d'en spécifier les bases ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
SUR LE MOYEN DE B Aa Y, pris d'une violation de l'article 18 du dahir du
19 janvier 1953, contradiction dans le dispositif, défaut de motifs, manque de base légale, en ce que le requérant déclaré civilement responsable du prévenu Driss ben Mohamed aurait dû seulement être condamné en ses lieu et place ;
Attendu que la victime d'un délit a la faculté de se faire indemniser à son choix par l'auteur de
ce délit ou son civilement responsable, tous deux tenus in solidum de l'entière réparation du dommage ; qu'en conséquence, les juges du fond n'avaient pas la possibilité légale d'instituer la responsabilité simplement subsidiaire que préconise le demandeur ; d'où il suit que ce moyen, qui procède d'une méconnaissance de l'étendue des obligations du civilement responsable, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Dit les pourvois le B Aa Y Aa Ah, civilement responsable, et de la Société
Marocaine d'Assurances, irrecevables en tant seulement qu'ils sont dirigés contre les dispositions pénales du jugement confirmatif attaqué du 8 mars 1960 ;
Casse et annule entre toutes les parties aux présents pourvois ledit jugement, uniquement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts moratoires des dommages-intérêts alloués à Vve Ba à une date antérieure à celle du jugement confirmé du 30juin 1959 attributif de la créance indemnitaire. Président : M. Ab. -Rapporteur : M. Bl. -Avocat général : M. Ag. -Avocats :MM. Petit, Sabas..
Observations.
I.-sur le premier point : Aux termes de l'art. 573 C. proc. Pén., « nul n'est recevable à se pourvoir si la décision attaquée ne lui fait pas grief ».
« Il faut avoir intérêt à la cassation. Pas d'action sans intérêt. Le demandeur doit donc, pur que son pourvoi soit recevable, avoir intérêt à la cassation du jugement dans le chef qu'il attaque, c'est-à- dire qu'il faut que ce chef lui cause un grief, quelque minime qu'il soit d'ailleurs, ne s'agit-il que des frais.
C'est d'après la décision attaquée et d'après les pièces de la procédure que ce point doit être
résolu, la Cour ne pouvant se livrer à l'examen des faits » (Faye, n° 45). Sur la notion d'intérêt, v. Morel, n° 27 s. ; Cuche et Vincent, n° 13 s. ; Nouv. Rép., V° Action, n° 3s. ; Rép. Pr. Civ., V° Cassation, par Aq At, n° 358s. ; V° Action, par Ae Ad, n° 15s. ; Rép. Crim., V° Cassation, par Ao Bp, n° 128s. ; Le Clec'h, Fasc. IV, n° 178s. ; Ai et Levasseur, 2, n° 853 ; Vitu, p. 412 ; Vouin et Léauté, p. 316 ; Bouzat et Pinatel, 2, n° 1494s. ; Donnedieu de Vabres, n° 1521.
Ainsi,
1° une compagnie d'assurances, mise hors d'une cause où elle n'était pas intervenue en une
autre qualité que celle d'assureur, est sans intérêt à se pourvoir contre la décision qui ne lui fait pas grief (Arrêt n° 460 du 3 déc. 1959, Réc. Crim. T.l. 140). Il en est de même du civilement responsable (Arrêt n° 543 du 4 févr. 1960, ibid. 206) ; v. également l'arrêt n° 882 du 1er juin 1961, publié dans ce volume ;
2° la partie civile à laquelle le jugement attaqué à alloué l'intégralité des dommages-intérêts qu'elle sollicitait est également sans intérêt à se pourvoir (Arrêt n° 713 du 21 juil. 1960 ; ibid. 341 ; En ce sens, v. Crim. 10 févr. 1906, B.C. 71 ; 2 déc. 1932, B.C. 251 ; 16 mars 1939, B.C. 61, 31 janv. 1946, B.C. 38) ;
3° le prévenu contre lequel les juges répressifs ont prononcé une peine inférieure au minimum légal ne peut le leur reprocher devant la Cour suprême (Crim. 22 sept. 1930, B.C. 241 ; 12 fév. 1947, B.C. 50) ;
4° Le prévenu qui a été acquitté est sans intérêt à se pourvoir (Crim. 22 nov. 1913, B.C. 518). Il en est de même en cas d'absolution (Crim. 20 janv. 1853, B.C. 22, D.P. 1853. 1. 72) ou de relaxe en raison de la prescription (Crim. 6 déc. 1929, B.C. 274, S. 1931. 1. 154) ou de l'amnistie (Crim. 28 janv. 1948, B.C. 32). Le prévenu ne peut, pour la même raison, faire opposition à un jugement par défaut qui l'a relaxé (Arrêt n° 842 du 16 mars 1961, publié dans ce volume).
Comme exemples de défaut d'intérêt, v. les arrêts cités dans Rec. crim. t.l. 374 et 375, ainsi que les arrêts publiés dans ce volume, n° 736 du 3 nov. 1960, 815 du 6 fév. 1961, 845 du 23 mars 1961, 880 du 24 mai 1961, 892 du 22 juin 1961 et 897 du 29 juin 1961.
L'exception d'irrecevabilité du pourvoi pour défaut d'intérêt du demandeur en cassation peut d'ailleurs être relevée d'office (arrêt n° 892 du 22 juin 1961, publié dans ce volume).
II.- Sur le deuxième point : « La qualité constitue pour le sujet de droit l'aptitude à saisir la justice dans une situation concrète donnée. Pour savoir si une personne a qualité, il faut rechercher si s'est elle que la loi a habilitée pour provoquer la sanction de l'intérêt légitime en cause » (Rép.pr.civ. V° Action, par Ae Ad, n° 61). C'est « le titre qui permet au plaideur d'exiger du juge qu'il
statue sur le fond du litige . ; elle réalise la jonction entre l'action d'une part et le fond du litige d'autre part » (Bs Ak, la qualité, condition de recevabilité de l'action en justice, D. 1952, chron. P.85). sur la notion de qualité, v. Gassin, La qualité pour agir en justice, thèse, Aix, 1955 ; Morel, n0 30-2° ; Cuche et Vincent, n° 16s. ; Faye, n° 38 ; Nouv. Rép., V° Action, n° 13 ; Rép.pr.civ., V° Cassation, par Aq At, n° 264 s. ; V° Action, par Ae Ad, n° 60s. ; Rép. Crim., V° Cassation, par Ao Bp, n° 120s.
« Le demandeur ne peut produire que les moyens qui se réfèrent à la qualité en laquelle il se pourvoit et il ne peut tirer un moyen de cassation d'un élément de la décision qui ferait grief à une autre personne » (Rép. Crim., loc. Cit. N° 274).
Ainsi, le prévenu n'a aucune qualité pour contester la régularité des condamnations pénales infligées à un coprévenu (Arrêt n° 317 du 11 juin 1959, Rec.crim.t.l. 84 ; dans le même sens, v. l'arrêt n° 836 du 16 mars 1961 publié dans ce volume et Crim. 7 nov. 1930, B.C. 259 ; 28 juin 1934, B.C. 130 ; Le Cleh'h, Fasc. IV, n° 241).
Il ne peut non plus critiquer la décision d'acquittement prononcée en faveur d'un coprévenu (Arrêt n° 866 du 4 mai 1961, publié dans ce volume).
L'art. 585C.proc.pén., en son quatrième al., prévoit que « Le pourvoi . du civilement responsable est limité quant à son effet dévolutif aux dispositions relatives à l'action civile » et l'art. 2du dahir du 8 juil. 1937, mod. Par Dh. 27 janv. 1941 et 23 mai 1943, que « S'il y a assurance, l'assureur est substitué de plein droit à l'assuré, dans les limites de la garantie prévue au contrat, pour le paiement des indemnités ou des rentes allouées prévue au contrat, portés, aux tiers ou à leurs ayants droit et de tous autres frais résultant de l'accident ».
« Dans le cas où une juridiction ou pénale est saisie d'une action en dommages-intérêts, l'assureur doit être obligatoirement appelé en cause par le demandeur en indemnité ou, à son défaut par l'assurer. La décision attribuant une indemnité ou une rente doit mentionner la substitution de l'assurer à l'assurer dans les limites de la garantie prévue au contrat d'assurance ».
la Chambre criminelle a déjà jugé que le recours de l'assureur, nécessairement limité par la qualité de son auteur, ne lui permettait pas d'attaquer les dispositions purement pénales de la décision entreprise (v. les arrêts n° 402 du 29 oct. 1959, Rec. crim. t.l. 110 ; 591 du 24 mars 1960, ibid. 250 ;663 du 9 juin 1960, ibid. 297). Elle a confirmé depuis cette jurisprudence (v. les arrêts n° 835 du 9 mars 1961 et 843 du 16 mars 1961, publiés dans ce volume).
III.- Sur le troisième point : La Chambre criminelle avait déjà décidé, sur la base des dispositions de l'art. 187 C. instr.crim., abrogé par le C.proc.pén., que la notification d'un jugement par défaut au curateur du prévenu défaillant faisait courir le délai d'opposition en ce qui concerne les intérêts civils et qu'à l'expiration de ce délai, le jugement devenait définitif en ses dispositions relatives aux intérêts civils. Par suite, le pourvoi formé par le civilement responsable et l'assureur, à l'égard desquels la décision avait été rendue contradictoirement, était recevable si la notification au curateur du défaillant n'avait pas été suivie d'opposition dans le délai légal (Arrêts n° 175 du 8 janv. 1959, Rec.crim.t.l. 46 et 195 du 5 fév. 1959, ibid. 54). Cette interprétation était conforme à la jurisprudence française (v. Crim. 18 janv. 1901, D.P. 1901. 1. 51, rapport de M. Bt ; 27 févr. 1908.1.257 ; 7 juil. 1943, D.A. 1943. 70 ; 14 janv. 1949. 106 ; 15 nov ; 1951, B.C. 305 ; Le Poittevin, Art. 187, n° 130 ; Rép.crim., V° Jugement par défaut, par Ax Au, n° 101).
Par l'arrêt ci-dessus rapporté, la Chambre criminelle donne la même interprétation aux art. 371 et 374, al. 1er, C.proc.pén. (V. également, dans le même sens, les arrêts n° 776 du 15 déc. 1960, 830 du 2 mars 1961 et 836 du 16 mars 1961, publiés dans ce volume).
Mais si le pourvoi formé dans ces conditions par le civilement responsable et par l'assureur, à l'égard desquels la décision a été rendue contradictoirement, est recevable, il n'en serait pas de même du pourvoi du prévenu défaillant formé avant l'expiration du délai d'opposition. Pour qu'une décision judiciaire puisse être frappée de pourvoi en cassation, voie de recours extraordinaire, il faut en effet, en application de l'art.571 C.proc.pén., qu'elle ne soit plus susceptible d'être l'objet d'une voie de recours ordinaire, appel (Arrêts n°s 472 du 10 déc. 1959, Rec.crim.t.l. 159 et 775 du 15 déc. 1960, publié dans ce volume) ou opposition (Arrêt n° 648 du 19 mai 1960, Reccrim.t.l. 279). V .également en France, dans le même sens : Crim. 17 juil. 1908, B.C. 316 ; 7 mai 1915, B.C. 89 ; 18 mai 1917, B.C. 130 ; 17 mai 1924, B.C. 220 ; 12 avr. 1930, B.C. 124 ; 19 déc. 1930, B.C. 312 ; 6 juin 1931,B.C. 163 ; 11 déc. 1931, B.C. 289 ; 19 juin 1947, B.C. 160 ; 15 juin 1949, B.C. 212 ; 26 oct. 1949, B.C. 294 ; 15 mars 1956, B.C. 261 ; 19 juil. 1956,B.C. 552 ; il importe peu qu'il y ait ou non renonciation expresse ou tacite au droit de faire opposition : Crim. 25 juin 1925, B.C. 197 ; 6 juin 1931 précité. Sur cette question, v. Faye, n° 33 ; Rép.pr.civ., V° Cassation, par Aq At, n° 116 ; Rép.crim., V° Cassation, par Ao Bp, n° 57 et 93,Le Clec'h, Fasc. II, n° 64s. ; Ai et Levasseur, 2,n° 852 ; Vitu, p. 411.
IV.- Sur le quatrième point : La responsabilité civile découlant de la faute personnelle de l'auteur du fait dommageables exclut la responsabilité « du fait d'autrui » de cet auteur ; on ne peut être déclaré civilement responsable de soi-même.
V.- Sur le cinquième point : La Chambre criminelle confirme par l'arrêt ci-dessus rapporté sa jurisprudence aux termes de laquelle les intérêts des dommages-intérêts ne peuvent être accordés à titre moratoire qu'à compter de la date du jugement de condamnation qui alloue lesdits dommages- intérêts (arrêts n° 431 du 12 nov. 1959, Rec.crim.t.l. 124 et 513 du 21 janv. 1960, ibid., 185 ; v. dans le même sens l'arrêt n° 815 du 9 févr.1961, publié dans ce volume). Les juges du fond peuvent cependant sans motivation spéciale joindre à une condamnation principale des intérêts expressément attribués à titre compensatoire, dont ils fixent librement le point de départ, sans pouvoir toutefois le faire remonter à une date antérieur à celle du fait dommageable (arrêts n° 437 du 19 nov. 1959, Rec.crim.t.l. 127 et 880 du 24 mai 1961, publié dans ce volume).
Sur cette question, v.la note sous l'arrêt n° 431 du 12 nov. 1959 précité, Rec.crim.t.l. 125. VI.- Sur le sixième point : V. la note, deuxième point, sous l'arrêt n° 725 du 27 oct. 1960. VII.- Sur le septième point : Aux termes de l'art. 568 C.proc.pén., « le juge de cassation a pour
mission de veiller à l'exacte observation de la loi par les juridictions répressives ».
« Son contrôle s'étend à la qualification juridique donnée aux faits ayant servi de fondement à
la poursuite pénale, mais ne s'exerce ni sur la matérialité des faits constatés par les juges répressifs, ni, hors le cas où l'admission en est limitée par la loi, sur la valeur des preuves qu'ils ont retenues ».
Les pouvoirs respectifs des juges du fond et de la Cour suprême sont, en vertu de ce texte, définis et limités par la distinction du fait et du droit.
A) Les constatations de fait, non contradictoires entre elles, relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et échappent au contrôle de la Cour suprême (Arrêts nos 744 du 10 nov. 1960 et 797 du 19 janv. 1961, publiés dans ce volume ; Rép.pr.civ., V° Cassation, par Aq
At, n° 1365s. ; Rép.crim., V° Cassation, par Ao Bp, n° 347 ; Le Clec'h, Fasc. II, n° 12, Fasc. III, n° 388s). elles ne peuvent être discutées et remises en question devant la juridiction de cassation, sous prétexte de dénaturation, à l'aide d'éléments pris en dehors de la décision attaquée et empruntés à l'information (V. les arrêts n° 548 du 11 févr. 1960, Rec.crim.t.l. 215 ; 598 du 31 mars 1960, ibid. 258 ; 632 du 5 mars 1960 ; ibid. 270 ; 663 du 9 juin 1960, ibid. 297 et les arrêts n° 731 du 3 nov. 1960, 786 du 5 janv. 1961, 797 du 19 janv. 1961, 839 du 16 mars 1961, 897 du 29 juin 1961 et 915 du 20 juil. 1961, publiés dans ce volume ; Le Clec'h, Fasc. IV,n° 126).
Les juges du fond apprécient souverainement les éléments de preuve qui leur sont soumis, à condition qu'il s'agisse de preuve légalement autorisées et qu'ils ne méconnaissent pas la force probante que la loi attache à certains actes ou à certains faits (V. les arrêts n° 204 du 12 févr. 1959, Rec.crim.t.l. 60 ; 401 du 29 oct. 1959, ibid. 108 ; 495 du 24 déc. 1959, ibid. 178 et les arrêts n° 739 du 10 nov. 1960 et 777 du 15 déc. 1960, publiés dans ce volume ; Faye n° 154 ; Le Poittevin, art. 154, n° 14, 439s., 672 ; art. 189, n° 1 s. ; Rép.pr.civ., V° Cassation, par Aq At, n° 2001 s. ; V° Preuve, par Am Ar, n° 40s. ; Rép.crim., V° Cassation, par Ao Bp, n° 336 ; V° Preuve, par Bi Ai, n° 19 ; Donnedieu de Vabres, n° 1238s. ; Bouzat et Pinatel, 2, n° 1182 s. ; Ai et Levasseur, 2, n° 351s. ; Vitu, pp.183 s.).
La Cour suprême a, de son côté, pour mission essentielle de veiller à l'exacte application de la loi par les juridictions répressives.
L'art. 586 C.proc.pén.prévoit que « les pourvois en cassation doivent être fondés sur une des causes ci-après :
« 1° Violation des formes substantielles de procédure ; » « 2° Excès de pouvoir ; »
« 3° Incompétence ; »
« 4° Violation de la loi de fond ; »
« 5° Manque de base légale ou défaut de motif. »
Toutes ces ouvertures à cassation peuvent, à l'exception du manque de base légale (V. la note,
troisième point, sous l'arrêt n° 732 du 3 nov. 1960) se ramener à la violation de la loi.
« Des diverses attributions de la Cour, écrit Faye (p.11), la plus importante.. est celle de casser
les décisions judiciaires dans lesquelles la loi a été violée, soit quant aux formes prescrites pour la validité des jugements, soit quant au fond du droit. Elle a pour mission spéciale de faire respecter par les tribunaux la volonté du législateur et de maintenir, par l'interprétation qu'elle donne des textes dans les affaires qui lui sont déférées, l'unité de la jurisprudence, qui est la loi en action ».
L'art 568 C.proc.pén.précise que le contrôle de la Cour suprême « s'étend à la qualification juridique donnée aux faits ayant servi de fondement à la poursuite pénale ».
Le législateur marocain a considéré avec raison les problèmes de qualification comme des questions de droit. Cette opinion est également celle de la jurisprudence et de la doctrine modernes, françaises (Pierre de Chauveron, du pouvoir de contrôle de la Cour de cassation sur la qualification criminelle thèse, paris, 1908, p.13 ;Br Af, La distinction du fait et du droit, thèse, Toulouse, 1929, n° 112 et 113 ; Aw Aj, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé (Théorie des éléments générateurs des droits subjenctifs), Be, 1948. N° 137 ; Rép.civ., V° Cassation, par
Br Af, n° 27 ; Rép.pr.civ., V° Cassation, par Aq At, n° 1546s. ; Rép.crim., V° Cassation, par Ao Bp, n° 347 ; Le Clec'h, Fasc. III, n° 389s.), belges (Paul Froies, La distinction du fait et du droit devant la Cour de cassation de Belgique, dans l'ouvrage Le fait et le droit, Etudes de logique juridique, Bruxelles, 1961,p.67 ; Bu Bj, La distinction du fait et du droit ; le point de vue de l'avocat, dans le même ouvrage, p. III) et italiennes (Bm Az, Le fait et le droit devant la Cour de cassation italienne, ibid.p.117). sur les diverses tendances relatives à la distinction du fait et du droit: note du président Pierre Barris de 1822 ; thèses du procureur général Dupin de 1834 et de Faye, v. l'ouvrage précité de M. Aw Aj, n° 136.
VIII.- Sur le huitième point : Les juges du fond apprécient souverainement, dans les limites des conclusions de la partie civile, l'indemnité due à celle-ci, sans être tenus de justifier par des motifs spéciaux la condamnation à des dommages-intérêts ni de spécifier sur quelles bases ils ont évalué le montant de l'indemnité allouée (Arrêts n° 180 du 22 janv. 1959, Rec.crim.t.l. 50 ; 229 du 12 mars 1959, ibid.67 ; 564 du 25 févr.1960, ibid.231 ; 918 du 22 juil. 1961, publié dans ce volume ; v. en France : Crim. 2 oct. 1941, D.A. 1941. 357 ; Rép.pr.civ., V° Cassation, par Aq At, n° 1937s. ; Rép.civ., V° Cassation, par Br Af, n° 60 ; V° Dommages-intérêts, par Al As, n° 50 ; Mazeaud, n° 2209 et note 10, 2360 et note 4 ; Bh, n° 70 et 180 ; Savatier, n° 609 ; Réq. 27 mars 1905, D.P. 1905.1.301 ; Crim.16 avr.1921, D.P. 1922.1.207 ; 15 juin 1923, D.P. 1924.1.135 ; 15 juin 1933, Gaz Pal. 1933.2.494 ; 22 juil. 1933, D.H. 1933.511, Gaz Pal. 1933.2.626, 16 nov.1934, D.H. 1935.22, 25 janv.1935, D.H. 1935.165 ; 10 janv. 1936, D.H. 1936.151 ; 14 févr.1936. 166 ; Crim.2 oct. 1941, D.A. 1941.357 ; Civ. 18 janv. 1943, D.C. 1943.45 ; Crim.21 janv.1944, D. 1945. 355 et la note de M. Av ; 8 mai 1947, D. 1947. 314 ; 29 nov. 1955, D. 1956. 177 ; 13 avr. 1956, S. 1956. 12).
Si « l'existence des faits qui réalisent un préjudice est souverainement constatée par les juges du fond » (Réq. 17 mai 1939.1.268) , leur pouvoir souverain n'est cependant pas sans limite et la juridiction de cassation est amenée fréquemment à exercer son contrôle.
Posant le principe que la réparation d'un fait dommageable doit toujours être intégralement assurée sans pouvoir jamais être dépassée (V. Civ. 31 janv. 1949, Gaz.Pal. 1949.1.170 ; Crim. 11 mars 1941, D.A. 1941. 247, Gaz.Pal.1941.1.289) et que le calcul du dommage doit être effectué in concreto de manière qu'il n'y ait pour la victime ni perte ni profit (Crim.6juin 1946, D. 1947.234 et la note de M. Ae BqC, la haute juridiction casse les décisions qui donnent à la condamnation un caractère « imprécis, indéterminé ou arbitraire » (Civ. 8 juin 1937, D.H. 1937. 426) ou qui la basent sur un barème préétabli (Réq. 14 nov. 1934, Gaz.Pal.1934.2.904) ou sur de prétendus usages (Civ. 16 juin 1927, D.P. 1928.1.21 et la note de M. BnC, ou qui ne tiennent pas compte du fait que le préjudice a déjà été partiellement réparé à un autre titre (V. notamment Crim. 11 mars 1941, précité ; 7 févr. 1951, Rec.t. 16.302 ; 22 nov.1951, D. 1952.4).
Il a été jugé que « si, en principe, les juges du fond constatent souverainement l'absence de préjudice, il appartient à la Cour de cassation de déduire des circonstances de la cause relevées par eux les conséquences juridiques qu'elles comportent » (Civ. 1er avr. 1946, D. 1946.285) et que devait, par exemple, être cassé l'arrêt qui « pour déclarer que Bd Ay, dont les demanderesse sont les héritières, n'a subi, du fait de l'accident dont il a été victime, aucun préjudice qualifié pretium doloris, se borne à déclarer que ledit Cherre est tombé dans le coma aussitôt après l'accident et qu'il est mort douze jours après, sans avoir repris connaissance » (Crim. 22nov.1961, B.C. n° 478).
Les juges du fond sont tenus de justifier de l'importance des dommages-intérêts « en discutant les moyens produits par les parties pour en déterminer le montant dans les limites qu'elles précisent » et leur décision est cassée lorsqu'ils ne répondent pas, sur ce point, aux conclusions (Civ. 6 févr. 1935, Gaz.Pal. 1935.1. 649, sous note a).
La juridiction de cassation exerce aussi son contrôle sur la nature attribuée au préjudice (V. en ce qui concerne son caractère de certitude ou d'éventualité. Civ. 19 mars 1947, D. 1947.313), sur la question de savoir si le demandeur peut s'en prévaloir (Crim. 16 déc. 1954, J.C.P. 1955. 11. 8505 ; 6 juil. 1955, Gaz.Pal. 1955. 2. 159 ; 5janv. 1956, D. 1956. 216, J.C.P. 1956. 11. 9146 ; 22 nov. 1956, Gaz.Pal. 1957. 1. 175 ; 30 janv. 1958, Gaz.Pal. 1958. 2. 160 ; 20 janv. 1959, Gaz.Pal. 1959. 1. 210 ; 24 févr. 1959, Gaz.Pal. 1959. 1. 277), sur
la détermination des éléments du dommage qui doivent être réparés (Civ. 22 oct. 1946, Gaz.Pal. 1947. 1. 5 ; 27 févr. 1950, Gaz.Pal. 1950. 1. 343 ; Crim. 12 févr. 1953, J.C.P. 1953. 11. 7535 ; 3 nov. 1955. D. 1956. 557 et la note de M. An BqC et sur la date à laquelle le dommage est évalué (Civ. 24mars 1942, D.A. 1942. 118 ; 15 juil. 1943. 81 ; Crim. 6 juin 1946, D. 1947. 234 et la note de M. Bk Bq ; Civ. 25 avr. 1950, J.C.P. 1950. 11. 5795 ; 10 mai 1950, 10 mai 1950, D. 1950. 465 ; Al As, L'évaluation du préjudice au jour de au jour de la réparation, J.C.P. 1951. 1. 918).
Le pouvoir souverain des juges du fond ne s'exerce que dans les limites des conclusions des parties et, en appel, dans la limite de la saisine des juges du fond résultant de l'effet dévolutif de cette voie de recours (arrêt n° 888 du 15 juin 1961, publié dans ce volume).
IX.- Sur le neuvième point : Depuis 1939, la Cour de cassation décide que l'obligation de l'auteur du dommage et du civilement responsable à la réparation intégrale du préjudice n'est pas une obligation solidaire mais une obligation in solidum, qui ne produit aucun des effets secondaires de la solidarité fondée sur l'idée de représentation mutuelle des débiteurs (Mazeaud, n° 1960s. ; Savatier, n° 490 ; Bh, n° 1085 s. ; Planiol, Ripert et Esmein, t. II. N° 1958 s. ; Civ. 4 déc. 1939, D.C. 1941. 124 et la note de M. Bb, S. 1939. 1. 14, Gaz.Pal. 1940. 1. 40 ; 25 févr. 1942, D.C. 1942. 96 ; 31 déc.1943, D.C. 1944, J. 38 et la note signée P.L.P., Gaz.Pal. 1944. 1. 109, J.C.P. 1945. 11. 2279 et la note de M. Ao At, 10 mai 1948, D. 1948. 407, J.C.P. 1949. 11. 4937 et la note de M. Bc Ac ; Civ., sect com., 30 déc. 1952, D. 1953. 183 ; 18 mai 1955, D. 1955. 520, J.C.P. 1955. 11. 1957 ; 29 févr. 1956, D. 1956. 303, J.C.P. 1956. 11. 9263 et la note de M. An Bq, Gaz. Pal. 1956. 1. 281 ; 9 mai 1956, J.C.P. 1956. 11. 9384, Gaz.Pal. 1956. 2. 12 ; 6 mars 1957, D. 1957, somm. 135, Gaz. Pal. 1957. 2. 1. ; 22 mai 1957, D. 1957, somm.101 ; Civ. 17 mai 1961, Gaz.Pal. 1961. 2. 185, Rev.trim.dr.civ. 1962, 121, n° 36 et les observations de M. Ao Bv).
La victime peut donc demander soit à l'auteur du dommage soit au civilement responsable la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi et la responsabilité du second n'est pas simplement subsidiaire.