23-60/61
Aomar ben zerid et «Al Aj Ae Ltd»
Cassation d'un jugement de tribunal de première instance de Casablanca du 1er février 1957.
La Cour,
SUR LE SECOND MOYEN PRIS EN SA DEUXIEME BRANCHE
Vu l'article 36 de l'arrêté viziriel du 28 novembre 1934 ;
Attendu qu'aux termes de cet article, «l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre le tiers qui, par son fait, a causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur» ; que cette subrogation légale mettant l'assureur dans les droits de la victime, il en résulte que la prescription de l'action civile est opposable à l'assureur comme à l'assuré ;
Or, attendu qu'à la suite d'une collision survenue le 12 juillet 1951 entre le camion appartenant à Af Ac Ab assuré par la compagnie «La Protectrice» et le camion appartenant à Aomar ben Zerid assuré par la compagnie «Contingency Insurance Ltd», les deux conducteurs, qui ont été blessés, ont été, l'un et l'autre, condamnés à des peines d'amende suivant jugement du 7 mai 1952, maintenu sur opposition par jugement du 6 janvier 1953 que, par la suite, Aomar ben Zerid a demandé le remboursement des dégâts subis par son véhicule à Af Ac Ab devant le tribunal de première instance de Casablanca, lequel, par jugement du 4 mai 1955, a partagé par moitié entre les deux conducteurs la responsabilité de l'accident et condamné Af Ac et, pour lui, la compagnie «La Protectrice» au paiement de la moitié du montant de la somme réclamée ; que par requête en date du 16 juin 1956, cette compagnie, se prévalant du partage des responsabilités précité, a réclamé à Ah Aa Ai et à la compagnie «Contingency Insurance» la moitié de la somme par elle payée à son assuré en règlement du sinistre ; que le jugement attaqué a accueilli la demande en rejetant l'exception de prescription de l'article 106 du dahir des obligations et contrats soulevée par les défendeurs, aux motifs que le tribunal était saisi «non d'une action en responsabilité, mais d'une action récursoire de l'assureur» et que «ne joue pas, dans l'espèce, la prescription de trois ans applicable aux actions en indemnité du chef d'un délit ou quasi-délit» ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen ni sur le premier moyen,
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Leyat-Avocat général: M XA B Ak Ad, Cavillon et Ag.g.
Observations
La subrogation a pour effet de transmettre au subrogé les droits et actions du subrogeant sans aucunement les modifier. En conséquence, ainsi que le décide l'arrêt rapporté, l'action exercée par l'assureur, aux lieu et place de son assuré, contre le tiers responsable du dommage subi par celui-ci, est soumise à la même prescription que Si elle était exercée par l'assuré lui-même.
Selon l'article 106 C. obl. contr., cette prescription (de trois ans à l'époque où l'arrêt a été rendu, portée à cinq ans par dh. 17 nov 1960) court «à partir du moment où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de celui qui en doit réparation». Bien que l'arrêt rapporté ne se prononce pas à cet égard, on peut admettre que ce point de départ est commun aux actions de l'assuré et de l'assureur, et que ce dernier est forclos dès que cinq ans se sont écoulés, depuis le moment où son assuré a eu connaissance du dommage et de l'identité de la personne qui en doit réparation, même si lui-même n'a eu cette connaissance que postérieurement.