17 novembre 1960
Dossier n° 5550
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation des articles 347 et 352 du
Code de procédure pénale, 13 du dahir du 27 septembre 1957, 189 du dahir de procédure civile, défaut de motifs et manque de base légale ;
Vu lesdits articles à l'exception de l'article 189 du dahir de procédure civile, non applicable en matière pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'article 347, 7° du dahir formant Code de procédure pénale, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs de fait et de droit sur lesquels le jugement est fondé, même en cas d'acquittement ;
Attendu que, statuant sur les poursuites exercées à la requête du ministère public contre Marie Rose épouse Merchier, et contre Souleyreau, ainsi que sur les actions civiles de ceux-ci, le jugement de paix énonce que «l'information officieuse et des débats il résulte la preuve que les deux prévenus ont commis les faits qui leur sont reprochés, savoir : dame Caire blessures involontaire et inobservation du droit de priorité, Souleyreau Guy blessures involontaires et excès de vitesse et que l'excès de vitesse reproché à Souleyreau n'avait pas un caractère de nature à exempter dame Caire du droit de priorité qu'elle devait à Souleyreau » ;
Que les juges d'appel, disqualifiant le délit de blessures involontaires retenu contre Marie Rose Caire épouse Merchier en la contravention de blessures involontaires, et confirmant pour le surplus sur l'action publique, ajoutent, quant au partage de responsabilité, que « s'il est incontestable qu'eu égard aux circonstances de temps et de lieu Souleyreau circulait à une vitesse excessive, il n'en reste pas moins que Merchier débouchant d'une voie secondaire et ayant vu arriver sur sa droite une
voiture automobile qui roulait à vive allure, a fait preuve d'imprudence et a méconnu les prescriptions du Code de la route en tenant de franchir le carrefour» ;
Attendu que par cette motivation insuffisante qui ne caractérise notamment ni l'infraction de blessures légères involontaires commise par Marie Rose Caire sur la personne de Souleyreau, ni l'existence d'une relation de cause à effet entre la contravention à la police du roulage qu'il entendait sanctionner contre ladite dame et celle de blessures légère involontaires, le tribunal de première instance de Casablanca n'a pas donné de base légale à sa décision de condamnation ;
Qu'ainsi, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen du pourvoi, le jugement attaqué doit être annulé tant sur l'action publique concernant Marie Rose Caire épouse Merchier, que sur les actions civiles ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, en ses disposions pénales à l'égard de Af Ae Ah épouse Merchier, et en
toutes ses dispositions civiles, le jugement du tribunal de première instance de Cassablanca11 avril 1960 ;
Et pour être à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée, renvoie la cause et les parties devant le tribunal correctionnel de première instance de Rabat. Président : M : Ad -Rapporteur : M. Voelckel.- Avocat général :M. Ruolt.- Avocat : MM. Chouraqui, Walch.
Observations
I.- Sur le premier point : La Chambre criminelle a déjà jugé que les dispositions de l'art. 189 du dahir formant C. proc. civ. Ne sont pas applicables devant les juridictions répressives (arrêt n° 495 du 24 déc. 1959, Rec. Crim. T. I.178).
Les règles de procédure civile ne peuvent en effet recevoir application devant les tribunaux répressifs qu'en l'absence de texte spécial de procédure pénale (Arrêt n° 442 du 19 nov. 1959, Rec. Crim. T. 1.132 ; Crim. 7 déc. 1956, D. 1956. 178 ; Ab Aj, Le Code de procédure civile et la procédure pénale, D. 1951. chron. P. 33, étude qui fait le point de la question ; Morel, n° 5 ; Cuche et Vincent, n° 3 ; Le Pointtevin, Art. 145, nos 98 s. ; Vitu, p. 6 ; notes de MM. Carrive, à la Rev. Science crim. 1936. 257. 1946. 94 ; Ai Am, au D. 1947. 538 ; Al Ag, au J.C.P. 1948. II. 4432 et Ac Aa, à la Rev. Scienne crim. 1955. 536). Or, le contenu des jugements est précisé par les art. 347 et 348 C. proc.pén.
La procédure civile peut jouer un rôle supplétif pour combler les lacunes de la procédure pénale. Ainsi, les art. 196 et 197 C. proc. civ., relatif à la reprise d'instance, sont applicables devant les juridictions répressives en l'absence de dispositions légales spéciales à cette matière devant ce juridictions ( arrêt n° 890 du 15 juin 1961, publié dans ce volume) De même, les règles de procédure civile sont applicables en France, en ce qui concerne les exploits de signification (Crim. 15 nov. 1944, D. 1945. 147). Elles le seraient en matière de défense à exécution provisoire (Aix, 22 déc. 1948, D. 1949, somm. 3 ; Paris, Io nov. 1950, D. 1951. 41 ; 17 avr. 1951, somm. 77 ; V. les nouveaux textes des art. 464, al. 2 et 3, C. proc. pén. Français et 400, al. 5, C. Proc.pén. maroc).
En ce qui concerne la rétractation, voie de recours purement civile, qui ne peut être exercée contre les décisions des juridictions répressives, même à l'égard de celles de leurs dispositions qui ont un caractère civil, V. l'arrêt n° 687 du 30 juin 1960, Rec. Crim.t.I. 319 ; Crim. 18 juin 1959 et 28 oct.
1959, D. 1960. 21 et la note signée J.M.R., J.C.P. 1960. II. II408 et la note de M. pierre Chambon, Gaz. Pal. 1960. I. 25 ; Garraud, 2, t. 3, n° 1260 ; Ak et Levasseur, 2. n° 40 ; Vitu, p. 388).
II.- Sur les deuxième et troisième points : Sur le manque de base légale, v. la note, troisième points : Sur le manque de base légale, v. la note, troisième point, sous l'arrêt n° 732 du 3 nov. 1960.
Les éléments constitutifs du délit de blessures involontaires sont au nombre de quatre : il faut qu'il y ait : I) une faute ; 2) des blessures ; 3) « entraînant une incapacité de travail personnel pendant plus de six jours » (Art.320 C. pén., mod. Par Ordon. 4 oct. 1945, r. a. Dh. 22 janv. 1946); 4) une relation de cause à effet entre la faute et les blessures.
Les coups et blessures n'entraînant pas une incapacité de travail personnel supérieure à six jours constituent une contravention (Art. 483, 2° C. pén).
Sur l'insuffisance de motifs, en matière de blessures involontaires, v. les arrêts nos IIO du 17 juill. 1958, Rec. Crim. T. I. 37 ; 175 du 8 janv. 1959, ibid. 46 ; 183 du 22 janv. 1959, ibid. 52 ; 471 du Iodéc. 1959, ibid. 163, ainsi que l'arrêt n° 768 du Ier déc. 1960, publié dans ce volume.