Rejet du pourvoi formé par Ae Ap B Ab contre un jugement rendu le 14 janvier 1960 par le tribunal de première instance de Casablanca qui a partagé par moitié entre le prévenu Aj Ac et la victime, Larbi ben Mohamed ben Omar, fils de la demanderesse, la responsabilité d'un accident mortel de la circulation.
24 novembre 1960
Dossier n° 5203
L a Cour,
SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION réunis, pris de la violation de l'article 6, alinéa
6, de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, du manque de base légale et « d'une dénaturation des faits », en ce que le jugement attaqué a laissé la moitié de la responsabilité de l'accident à la victime, au motif qu'elle circulait sur la chaussée, alors que d'une part l'accident s'étant produit à 0 m 20 du bord droit de la chaussée la responsabilité totale en incombe au prévu qui n'a pas respecté l'obligation qu'il avait de maintenir son véhicule à une distance suffisante du bord de la chaussée pour éviter tout accident et que d'autre part les juges ont omis de retenir qu'en raison de l'obscurité les trottoirs, en très mauvais état, ne pouvaient être emprunté sans danger ;
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que la voiture automobile conduite par Ak a heurté et blessé mortellement le piéton Ao Af An qui, la nuit, marchait sur le bord de la chaussée ;
Attendu qu'après avoir relevé la faute du prévenu Ak qui, circulant en éclairage Code, aurait dû réduire davantage son allure de manière à pouvoir s'arrêter dès que le piéton s'est trouvé dans son champ de visibilité, le juge du fond a partagé par moitié entre le prévenu et la victime la responsabilité de l'accident estimant que Ao Af An, qui se trouvait sur la chaussée alors qu'il disposait d'un trottoir suffisamment large, avait commis une faute ayant contribué à la réalisation de l'accident ;
Attendu qu'en l'état de ces constatation de fait souveraines, c'est à bon droit que le tribunal a laissé une part de responsabilité à la victime, celle-ci ayant commis, en même temps qu'une faute
d'imprudence, une inobservation des dispositions de l'article 53 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 qui imposent aux piétons de se tenir sur les trottoirs et de n'emprunter la chaussé qu'après s'être assurés qu'ils peuvent le faire sans danger ;
Que vainement la demanderesse invoque les dispositions de l'article 6 alinéa 6 du même arrêté viziriel qui, prescrivant au conducteur de maintenir son véhicule à une distance suffisante du bord de la chaussée pour éviter tout accident aux usagers des trottoirs, refuges, contre-allées et accotements, ne saurait concerner la présente espèce où il est reproché à la victime.
Que pas davantage ne saurait être retenu l'argument mélangé de fait et de droit relatif au mauvais état du trottoir et au défaut d'éclairage invoqué pour la première fois devant la Cour suprême ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. A : M. Mendizabal.- Avocat général : M. Rulot.- Avocats ; MM.J.P. Mélia, Laporte.
Observations
I.- Sur le premier point : Aux termes de l'art. 53 de l'arr. viz. 24 janv. 1953 sur la police de la circulation et du roulage, « les piétons circulant sur la chaussée d'une voie publique, avertis de l'approche de tous véhicules ou animaux, doivent se ranger sur l'accotement, sur le refuge ou sur le trottoir dont ils se trouvent le plus rapprochés. Ils doivent le faire également dans les virages, aux bifurcations, croisées de chemins et carrefours, au sommet des côtes, ainsi qu'à proximité de ces endroits, et, plus généralement, en tout lieu où la visibilité est imparfaite ».
« Ils ne doivent traverser la chaussée qu'après s'être assurés qu'ils peuvent le faire sans danger ».
« Lorsque les trottoirs et contre-allées sont aménagés spécialement pour l'usage des piétons le long de la voie publique, ceux-ci doivent s'y tenir ; en cas d'impossibilité, ils ne doivent emprunter la chaussée qu'après s'être assurés qu'ils peuvent le faire sans danger . ».
Commet une faute le piéton qui circule sur la chaussée, alors qu'il existe un trottoir (Civ. 27. oct. 1948, J.C.P. 1949. 11. 4793 et la note de M. Ag Ai, Gaz. Pal. 1940. 2.270 ; 4 mars 1954, D. 1954. 349, Soc.10 févr.1955, Bull. Soc. 1955. 4. 79, J.C.P. 1955. 11. 8705). Sur les fautes qui peuvent être retenues à la charge des piétons,v.Civ.7juil.1960,Bull.civ.1960.11.316,D.1960.709 ;20oct.1960,Bull.Civ.1960.11.403;27oct.1960,Bull.civ.1960;1erdéc.1960,Bull.civ.1960.11.502 et le Jursclasseur de la responsabilité civile, t.2,fasc.XIe, nos 144 s.; Mazeaud, t.2,n° 1472 ; J.Combrette, le piéton, usage de la route ; Am Ad,le piéton (Etude jurisprudentielle de ses droits et de ses obligations).
La faute du piéton, lorsque l'automobiliste en a lui-même commis une, entraîne un partage de responsabilité (Req. 13 mars 1934, S. 1934.1.313 et la note de M.H.Mazeaud, D.P.1934.1.41, avec le rapport de M.Gazier et la note de M. Aa Al ; Ah mars 1936, Gaz. Pal. 1936.1.840, S.1937.1.277 ;Civ.23déc.1941, S.1942.1.49 ;Civ.27 oct.1948 précité ; Com. 2 mai 1951,
Bull.cass.1951.IV.n° 134, P.107 ; Civ.18 juil. 1951, Bull. cass.1951.11.n° 230, p.178 ;29 juil.1952, Bull. cass.1952.1.n° 254,p.208).
II.- Sur le deuxième point.- V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 732 du 3 nov.1960.